Qu'est-ce qui unit ces personnes qui pensent et vivent de façons si diverses ?( 1 Corinthiens 12 :1 à 14 :1 ) (écouter l'enregistrement) (voir la vidéo) Culte du dimanche 9 octobre 2011 à l'Oratoire du Louvre En vue des fêtes du bicentenaire de notre église en ce lieu inspirant qu’est l’Oratoire du Louvre, nous avons envoyé un dossier de presse. Plusieurs journalistes nous ont contactés, intéressés mais aussi un peu intrigués par la liberté de pensée et de foi des fidèles de l’Oratoire. Et cette question revient souvent : mais… si chacun pense ce qu’il veut qu’est-ce qui rassemble ces personnes ? Qu’est-ce qui vous unit en une église ? Cette interrogation rejoint celle de personnes qui découvrent la foi chrétienne et qui nous demandent : qu’est-ce que je pourrais lire qui me donne une idée de ce que vous (les chrétiens, les protestants, ou l’église de l’Oratoire) croyez ? Ce à quoi je réponds : vous pouvez lire la Bible, et vous faire votre propre opinion, et prier comme vous l’entendez, venir quand vous voulez à l’Oratoire, nous serons toujours contents de vous y accueillir. Au fond, qu’est-ce qui nous unit ? Et ce quelque chose qui nous rassemble, quelle liberté laisse-t-il à l’individu ? Comment est-ce que ça nous aide ou nous contraint ? Pour réfléchir à cela, je vous propose de nourrir notre réflexion de la lecture de deux chapitres célébrissimes de la 1ère lettre de l’apôtre Paul à l’Église de Corinthe, église dans laquelle se posaient de façon assez brûlante ces questions de la liberté et de l’unité dans l’église. Notre église est un club de personnes qui ont des convictions assez diverses, des itinéraires particuliers, des personnes qui habitent des quartiers, des villes voire des pays qui ne se fréquentent souvent pas tellement. Qu’est-ce qui peut unir des personnes aussi différentes ? C’est une recherche de Dieu qui nous unit, c’est un intérêt pour la Bible et en particulier pour cette personne qu’est Jésus-Christ, ce qu’il a dit et ce qu’il a vécu. Et ce qui nous unit c’est le fait de ne pas chercher seulement Dieu tout seul mais aussi, peu ou prou, de le chercher avec d’autres, dans la liberté et le respect. Ce qui nous unit c’est donc une démarche. Et cette démarche nous laisse libres d’avoir nos convictions et notre style de vie. Pour reprendre l’image qu’utilise l’apôtre Paul dans sa lettre, c’est cette démarche qui crée entre nous des articulations, c’est-à-dire des liens qui nous tiennent ensemble mais qui laisse à chacun la liberté de mouvement qui lui permet d’être lui-même. Et c’est cette démarche qui crée aussi des articulations en chaque personne, entre les différentes dimensions de notre existence concrète, entre le moi qui prie, le moi qui mange, ou qui travaille, ou qui est avec un ami ou avec son conjoint, l’homme qui est heureux et l’homme qui désespère. Chacun de nous est également tout un peuple de personnes qu’il est bon d’articuler. Une unité de démarcheC’est exact qu’un bel ensemble de croyances et de pratiques communes peut très bien unir un groupe de personnes. Mais les liens que forment un ensemble de convictions est bien moins souple et vivant que les liens formés par une démarche commune. Un ensemble de croyances est comme un parc pour un bébé, ça l’aide à se lever sur ses petites jambes, ça laisse une certaine liberté tout en le protégeant des bêtises qu’il pourrait faire. Je ne me moque pas, je ne critique pas, il faut un certain nombre de convictions, mais ni trop ni trop peu. Paul, dans cette lettre aux Corinthiens dit qu’il suffit d’avoir en commun cette seule conviction commune : « Jésus-Christ est le Seigneur ». Et la seule conviction qui fait qu’il serait difficile de se prétendre chrétien c’est de dire « rien à faire de Jésus-Christ ». Cela laisse de la marge. Paul se réjouit de la diversité de théologies et de services dans la communauté chrétienne de Corinthe. Cette diversité manifeste la vitalité de l'Esprit en chacun, et cela ne nuit pas nécessairement à l'unité, au contraire, c’est une chance. Nous avons donc quelques croyances qui nous unissent dans notre église mais elles forment un ensemble volontairement restreint : Dieu, la Bible et le Christ, et avec une grande diversité de façons de les considérer, en réalité. Même pour Dieu, il y a des conceptions et des relations avec lui qui sont très diverses entre nous. Et c’est non seulement pas gênant mais très bien ainsi. La diversité de théologies n'est pas un scandale, elle est la conséquence naturelle de l’authenticité de la relation personnelle à Dieu que nous avons chacune et chacun. Cette diversité de confessions de foi est même précieuse car elle nous rappelle qu'aucune confession de foi n'est parfaitement fidèle et même si elle l’était, elle ne dirait pas Dieu sous tous ses aspects, bien sûr. La diversité de nos théologies nous encourage ainsi à poursuivre le chemin (et à le poursuivre dans l'humilité et le dialogue). Ce qui nous unit c’est un intérêt pour Dieu qui nous est commun, c’est une recherche en partie commune, c’est une interpellation commune et parfois mutuelle. Mais nos convictions personnelles et notre relation à Dieu sont propres à chacun, et elles évoluent, elles sont même appelées à évoluer. Dans un club de personnes unies par un ensemble de croyances et de pratiques c’est bien plus difficile d’évoluer. Le fait même que les croyances soient un peu sacralisées invite déjà à la prudence dans la réflexion personnelle. Et quand une personne se retrouve près des frontières admises par le groupe, ou qu’elle en sort d’un doigt de pied, cela la rend mal à l’aise et cela rend mal à l’aise le groupe. Ici, nous sommes plutôt unis par une démarche commune qui laisse chacun libre de cheminer comme il l’entend. Enfin… pas tout à fait libre quand même. Dans un groupe uni par des croyances, le péché est de remettre en cause les croyances communes. Dans notre église qui unit des personnes par une démarche personnelle, il y a deux péchés (si je puis dire) : Le péché ce serait plutôt de ne pas respecter l’autre dans sa propre démarche. Chacun peut exprimer son opinion, débattre mais pas d’injurier une personne parce qu’elle ne pense pas comme nous ou ne pratique pas comme nous ; il n’est pas possible de faire par exemple une remarque à quelqu’un qui ne participerait pas à la Sainte Cène, ou qui reviendrait au culte après 2 ans d’absence… Le 2nd péché serait de ne pas nourrir sa propre démarche personnelle, de ne pas se donner les moyens de chercher encore. Car avec cette liberté, celui qui ne pense pas par lui-même ne pense pas grand-chose, et celui qui ne se fixe pas pour lui-même des règles d’hygiène de vie et de fidélité fera n’importe quoi. « Tout est permis », nous dit Paul un peu plus haut dans cette même lettre, « tout est permis mais tout ne construit pas » (10 :23). Et le néant ne construit pas non plus. Qu’est-ce qui unit une communauté où règne une telle liberté de pensée et d’action ? Cette question se posait dans l’église de Corinthe de façon si aiguë que c’est l’objet même de cette lettre de l’apôtre Paul. Il compare l’église à un corps dont le Christ est la tête. Et ces chapitres montrent ce qu’il entend par là, qu’est-ce qui unit ainsi la multitude des membres de l’Église. Une unité vivante, comme en un corpsPaul insiste sur la multiplicité des membres, sur leurs natures et leurs fonctions aussi différentes que le sont un doigt de pied et un œil. Il y a donc une infinité d’engagements, de vocations et de façons d’être. Notre diversité de fonctionnement n’est pas un scandale, c’est une bénédiction. Cela n’empêche pas de vivre unis dans un même corps, c’est même ainsi que le corps est vraiment vivant. Ce qui nous unit, nous dit Paul, c’est l’Esprit et c’est l’amour. Ce sont deux réalités très dynamiques. L’Esprit dont il est question ici, ce n’est pas seulement comme le sang qui alimente nos membres en oxygène, c’est même plus que la vie qui anime notre corps. L’Esprit dans la Bible est de l’ordre de la nouveauté de vie. L’Esprit transforme un tas de poussières en un être vivant. Et quand l’Esprit est donné à cet être, il le rend même capable de penser et d’aimer, il le rend capable de liberté, capable de créativité personnelle avec son propre génie. L’unité, nous dit Paul, ne vient donc pas de l’extérieur comme une contrainte, mais de l’intérieur, comme une incroyable évolution qui vient de Dieu. Dans la mesure où nous lui faisons confiance. L’Esprit est ce qui nous unit en un corps. Mais c’est un corps sans cesse en genèse, donc chaque membre évolue et est appelé à être source de nouveauté, à sa mesure. Cela nous encourage à assumer d’être nous-mêmes. Le fait d’être quelqu’un de singulier, non seulement dans ses convictions mais même dans sa façon d’être, dans sa vocation, dans son évolution… tout cela n’est pas contraire à l’unité mais c’est une bénédiction pour chacun des membres et pour l’ensemble. A condition quand même, et ce n’est pas un détail, que ce pétillement de vie vienne de Dieu, plus précisément qu’il vienne de l’interaction entre la vie de Dieu et la nôtre. Mais pour que cela soit vrai, c’est très simple en fait, car Dieu ne demande pas mieux que de nous donner l’Esprit, et quiconque cherche Dieu un peu sincèrement s’ouvre à lui, et le reçoit. Nous sommes donc unis par une démarche, mais cette démarche ouvrant à l’Esprit de Dieu, des liens se tissent alors de lui à nous et de nous aux autres, non seulement dans notre église, mais aussi avec nos voisins, nos collègues... L’autre réalité principale que Paul met en avant pour cette église en mal d’unité, c’est l’Amour, une certaine forme d’amour qui unit les personnes dans une authentique bienveillance. Et cet amour, nous dit Paul, est un cheminement, c’est une vie qui s’élance, qui court en avant et qu’il nous invite à poursuivre (14 :1). Cet Amour, c’est une recherche de l’autre. Et cet Amour, c’est la vie même de Dieu.Cet Amour qu’est Dieu nous recherche inlassablement. Cette recherche éveille en nous des résonances profondes qui nous invitent à nous-mêmes le rechercher, et il éveille en nous des connexions mystérieuses avec quelques autres personnes qui nous sont confiées et à qui nous sommes confiés, parfois pour un instant, pour un seul geste. Dans cet hymne à l’Amour, Paul relativise les fondamentaux de l’église chrétienne face à cette vie même de Dieu. C’est à mon avis essentiel. Oui, la réflexion, la solidarité, et la foi sont essentiels dans notre religion. Mais ce ne sont pas des réalités immuables, elles doivent absolument être en cheminement, elles doivent être animées de cette recherche, de cette dynamique fondamentale qu’est l’Amour au sens où Dieu nous le donne à vivre. Et c’est bien normal, notre réflexion, notre service et notre foi sont en cela comme nous-mêmes, comme chacun de nous, comme notre église et notre société : appelés à être en évolution par l’Esprit de Dieu. Notre foi doit être cette recherche aimante et non une raideur qui arque boutée sur des certitudes. Nos actes de solidarités doivent être une recherche aimante de l’autre, une recherche sans cesse en évolution. Notre réflexion doit être une recherche aimante de Dieu, d’abord. Foin donc des théologies figées, des dogmes éternels qui nous parquent comme des veaux dans une étable. Dieu est un amour puissant qui nous cherche, nous pouvons donc nous lancer sans crainte, en confiance. Nous pouvons avoir notre point de vue personnel, toujours humblement mais délibérément, avec conviction mais avec cette part de doute et d’humilité qui s’apprête à évoluer encore, et qui cherche. Cette sincérité laisse les meilleures chances à Dieu pour nous aider à cheminer au mieux. Ce qui nous unit dans l’Église c’est que nous cherchons tous Dieu, d’abord, mais aussi que nous le recherchons en partie avec d’autres personnes. Il y a là un geste d’humilité et d’humanité. Il y a une reconnaissance que nous ne sommes pas individuellement la totalité du Christ, mais que nous sommes faits pour nous compléter et nous soutenir les uns les autres. Et c’est utile pour nous tous de ne pas seulement le penser mais de l’inscrire dans une démarche physique concrète, comme celle que nous avons fait ce matin en nous retrouvant ici. Sous le souffle de l’Esprit, notre élan de recherche et d’évolution est une recherche de Dieu, c’est une recherche avec les autres et une recherche des autres. Cet élan est enfin une recherche de soi-même. Car ce corps que l’Esprit unifie, c’est aussi nous-mêmes, individuellement. C’est nous-mêmes qu’il nous apprend à aimer pour mieux aimer les autres et pour aimer Dieu. Il nous aide à articuler ensemble l’animal que nous sommes et l’ange que nous sommes appelés à être, il nous aide à articuler les différentes facettes de notre personnalité et nos différentes fonctions dans le monde. C’est important aussi pour construire l’unité, car c’est quand nous serons en forme nous-mêmes que nous serons bien dans le corps. C’est quand l’œil voit bien, c’est quand le pied marche bien, que le genou est souple que nous pouvons marcher d’un bon pas sans fatigue. Vous pouvez réagir sur le blog de l'Oratoire |
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