« Le juste vivra par sa foi »
( Habaquq 1:1-5, 2:1-4 ; Romains 1:15-17 )
(écouter l'enregistrement) (voir la vidéo)
Culte du dimanche 20 février 2011 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur Marc Pernot
Dans la profonde prédication que Philippe Gaudin nous a offerte la semaine dernière (écouter), il a évoqué le formidable raccourci que nous propose Jésus-Christ quand il résume les 613 commandements de la Torah dans ce seul commandement d’aimer Dieu et d’aimer son prochain comme soi-même. Ce condensé est absolument génial, évidemment. Je vous propose de suivre aujourd’hui un autre résumé essentiel de toute la révélation, c’est-à-dire de toute la théologie biblique, de toute l’éthique, et de la religion. Rien de moins ! C’est Rabbi Simlaï, qui est à l’origine de la liste des 613 commandements, qui nous dit dans le Talmud que le prophète Habaquq a donné un splendide résumé de la Torah en seulement 3 mots hébreux :
« Le juste vivra par sa foi » (Habaquq 2:4)
Ce verset est peut-être le verset de la Bible que l’apôtre Paul préfère, car c’est sur lui qu’il fonde l’armature de sa théologie de la grâce dans sa lettre aux Romains 1:17 (voir aussi Galates 3:11, Hébreux 10:38). Et c'est aussi cette phrase qui va libérer le moine Martin Luther de cette terrible peur du jugement de Dieu, c’est ce qui va le libérer de ces exercices de pénitence et de bonnes œuvres qu’il s’infligeait pour essayer de mériter sa place dans la vie. Luther racontera plus tard que : « Aussitôt, je me sentis renaître, et il me sembla être entré par des portes largement ouvertes au Paradis même… Autant j’avais détesté ce terme de « justice de Dieu », autant j’aimais, je chérissais maintenant ce mot si doux. Et c’est ainsi que ce passage des Écritures devint pour moi la porte du Paradis. »
« Le juste vivra par sa foi »
- Il y a là, en trois mots, de quoi fonder une théologie : Dieu est juste, et Dieu est fidèle (a foi), Dieu est vivant.
- Il y a là une espérance, une promesse : Dieu, par sa fidélité, par son amour fidèle, nous justifie et nous donnera la vie.
- Il y a là une éthique : vivre, c’est vivre par la foi, c’est agir & parler selon sa foi. Nous retrouvons ici le « aimer Dieu et aimer son prochain comme soi-même » de Jésus.
Mais reprenons tranquillement ce que nous dit ce verset si essentiel du livre d’Habaquq :
Le juste vivra par sa foi :
Une théologie
Dieu est juste, il est fidèle et vivant. Il ne peut donc absolument pas abandonner un seul de ses enfants, jamais, car il est fidèle. Il ne peut être source de mort, en aucune façon. Il ne peut rester inerte, les bras croisés, car il est « le vivant ». Il ne supporte pas le mal, il agit donc pour purifier, soigner ressusciter. Et même s’il n’y avait que du bien quelque part, il agirait encore pour l’augmenter.
Cette théologie d’Habaquq à un parfum d’Évangile.
Dieu est juste. Dit comme ça, cela semble banal, et pourtant, c’est une révolution.
Les Adam & Ève, que nous sommes, soupçonnent Dieu d’être injuste. Le serpent de la tentation, niché quelque part au plus profond d’eux même, leur souffle : « Dieu vous a interdit de manger de cet arbre car il sait que le jour où vous en mangerez vous serez comme Dieu ! ». Ce péché fondamental c’est de penser que Dieu ne serait pas si juste que ça, car ce qui est vraiment juste : c’est mon désir de l’instant. Ça paraît grossier. Ça l’est, et pourtant cette tentation c’est la nôtre évidemment. Nous appelons ça : la sincérité, la spontanéité, nous appelons ça se faire plaisir, ou vivre en harmonie avec soi-même… Mais avec quel nous-mêmes sommes nous en harmonie quand nous vivons ainsi, à l’instinct, en considérant comme juste de suivre notre désir du moment ? Nous ne sommes pas que cet animal-là ! Il y a aussi en chacun de nous un être qui sait que ce qui est juste est plus élevé que cela, plus large que cela, il y a en nous une personne qui sait que notre être est le membre d’un corps, que le sens de la vie, que la justice est d’une autre dimension que notre petit nombril. Il n’y a pas de justice sans fidélité.
Le juste, c’est Dieu. Reconnaître cela, c’est une révolution copernicienne. Non, tout ne tourne pas autour de la terre, et non la notion même de justice ne tourne pas autour de notre seul désir. Tout cela est une enflure de l’âme nous dit Habaquq, une luxation de l’âme. Ça fait mal, mais ça se soigne. En replaçant Dieu comme centre, comme source, comme finalité.
Dire, comme Habaquq, que LE juste est Dieu apporte un bénéfice inattendu, par ailleurs. Cela prouve l’existence de Dieu, tout simplement et sans faille, pour qui réfléchit une seconde.
- 1) En effet, celui qui réfléchit une seconde a une certaine idée de ce qui est juste. Au pire, il dit que ce qui est juste à ses yeux c’est son seul désir, il devient peut-être gangster et violeur, mais il existe pour lui une certaine idée de ce qui est juste à ses yeux, plus ou moins vague, mais quand même, cette idée existe.
- 2) Habaquq a raison, ce qui est juste à nos yeux est notre dieu, en réalité. Ce dieu va nous créer, nous façonner à son image.
Et donc oui, pour quiconque réfléchit une seconde, dieu existe, son dieu existe vraiment. La question n’est donc pas de savoir si Dieu existe, mais de savoir quel dieu nous avons en réalité. Nier l’existence de dieu n’aide pas tellement. Ne pas se poser de question pour savoir en quel dieu on croit, en quel dieu nous voudrions croire, c’est renoncer à réfléchir sur ce que l’on pense être juste, cela n’aide pas tellement non plus.
Habaquq nous propose comme définition du juste : Dieu, au sens biblique du terme c’est-à-dire le créateur qui agit dans ce monde, le Dieu qui se révèle, le Dieu que l’on rencontre dans la prière, le Dieu qui nous parle. Et comme c’est un peu vague comme définition (il y a dans la Bible hébraïque des nuances importantes entre différentes théologies), Habaquq précise. Selon moi, dit-il ici, LE juste : c’est Dieu, Dieu absolument fidèle, Dieu absolument vivant. Ça, bien entendu, c’est plus discutable. Ceux qui n’ont jamais eu l’impression de rencontrer Dieu ne comprennent pas bien ce que nous entendons par là. Et comme le montre ce texte, cette définition pose immédiatement plein de questions. Si Le juste, c’est Dieu, transcendant, créateur, fidèle et vivant… alors notre monde est sacrément injuste.
Habaquq le reconnaît, avec une grande intelligence et un bon sens de responsabilité, il interroge Dieu au lieu de rejeter d’emblée toute notion de Dieu, comme un enfant jetterait par terre un puzzle qu’il n’arriverait pas à faire. Habaquq interroge Dieu, lui donnant une chance de répondre, et du même coup, Habaquq s’interroge sur sa conception de ce qui est juste, se laissant une chance d’évoluer.
Pourquoi tant de mal, tant d’injustice, d’oppression et de violence, tant de disputes entre nous ? Et toi, Dieu, si tu es un être transcendant, aimant fidèlement, et vivant : Pourquoi me fais-tu voir tout ce mal, cette souffrance, dit Habaquq ? Pourquoi est-ce que tu contemples cette injustice et ne fais rien ? Pourquoi est-ce que tu laisses le méchant triompher du juste ?
Dieu va répondre, Habaquq va évoluer dans sa théologie, il va du coup évoluer dans sa notion de ce qui est juste : Dieu est en train d’agir dans notre temps, mais il n’est pas tout puissant, son œuvre est incroyablement novatrice et formidable, mais il lui faut du temps pour se déployer.
Il y a là une évolution importante dans la notion de justice. L’intégriste n’appelle juste que ce qui est 100% juste, il est le chevalier blanc & noir, pourchassant tout ce qui a la moindre petite tache, refusant, critiquant, tuant ce qui n’est pas impeccable. Habaquq sent que pour Dieu, est juste ce qui est en train d’agir pour plus de justice. Ensuite Habaquq sent que pour Dieu, est juste ce qui est fidèle, ce qui garde l’autre par amour même s’il est loin, bien loin d’être juste, même s’il est infidèle, même s’il est mort, dans un certain sens.
Le juste vivra par sa foi, est ainsi une théologie qui est à méditer et à prier.
Le juste vivra par sa foi :
C’est aussi une espérance
Il y a là une espérance, une promesse : Dieu, par sa fidélité, par son amour fidèle, nous justifie et nous donne la vie, nous gardera en vie. C’est ce que saisit Martin Luther d’une façon fulgurante, à la suite de l’apôtre Paul. La source de notre vie à nous, c’est sa foi à lui, Dieu. Dieu nous justifie en voyant ce qui est juste en nous, il nous justifie en voyant la personne juste et fidèle que nous pourrions être.
Mais c’est même plus que ça. L’amour dont Dieu nous aime est même plus que de la bienveillance ou de l’espérance de sa part. C’est l’amour tout simple et vrai d’une tendre maman qui aime son enfant, même s’il est un handicapé mental profond incurable. C’est ça, la foi, la fidélité de Dieu. Nous n’avons donc pas à justifier notre droit à vivre, ni notre droit à être gardé par Dieu. Notre existence, même si elle était totalement improductive, notre existence a du prix aux yeux de Dieu car il nous aime d’un amour fidèle. Notre existence a du prix, elle a un sens, elle a une dignité. Et ce, même si nous ne le voyons pas, même si nous désespérons, même si les méchants ricanent… et bien non, notre vie n’est pas absurde, la vie en ce monde n’est ni absurde ni vaine. Interrogeons Dieu si nous en doutons, montons sur notre poste de garde, prenons de la hauteur, regardons un peu plus loin, tenons-nous là, debout et veillons un peu pour voir, soyons prêt à débattre avec Dieu, pied à pied, faisons lui un procès si vraiment nous sommes révolté, et voyons qu’il est juste et fidèle pour nous de vivre car il nous aime, lui aussi veille sur nous, il nous aide à nous élever, à nous tenir sur un rempart solide, il nous invite au débat avec lui, avec le monde. Il nous invite à espérer, nous aussi, un monde plus juste, plus fidèle et plus vivant. Il nous invite à avoir cette vision et à crier ce rêve dans le monde, comme Martin Luther King dans un discours si célèbre.
Dieu nous donne une espérance solide. Là encore, c’est d’une logique limpide qui, l’équation est simple : Dieu est vivant et même vivant éternellement + Dieu est fidèle (même unilatéralement) = il nous gardera donc en vie, éternellement. Il garde notre vie, il garde sa valeur, sa dignité. Il fait tranquillement mais résolument ce qu’il peut pour que nous puissions être un peu plus juste, un peu plus fidèle, un peu plus vivant encore. Mais c’est vrai, ce n’est pas gagné !
Le juste vivra par sa foi :
C’est aussi une éthique
Le juste vivra, c’est une promesse fondée sur la foi, la fidélité de Dieu. C’est aussi un appel. Vous êtes justifié par Dieu, vous êtes vivant par lui, s’il était possible que vous viviez avec des actes de justice et de fidélité, ce serait plutôt une bonne chose !
Vivre : c’est vivre par la foi, c’est agir et publier une parole selon sa foi. Nous retrouvons ici « aimer Dieu et aimer son prochain comme soi-même » de Jésus.
Le juste vit par sa foi, c’est avoir pour Dieu un peu la fidélité qu’il a pour nous. C’est le garder, comme le fait Habaquq, même quand nous sommes fâché contre lui.
Vivre par la foi, c’est garder le monde, même si nous sommes déçus. C’est regarder le monde et se désoler de l’injustice, de la souffrance.
Vivre par la foi, nous dit Habaquq, c’est chercher à comprendre ce qui est juste, ce que veut Dieu, ce qu’il fait. C’est le publier, ne pas le garder pour soi, mais l’écrire, l’annoncer.
Vivre par la foi, c’est accepter d’avoir à attendre, c’est discerner ce qui progresse, c’est comprendre qu’il faut du temps, c’est comprendre qu’il y a parfois un juste moment, savoir attendre, apprendre à le reconnaître, savoir agir et parler.
Vivre par la foi, c’est se réjouir, comme le fait Habaquq à la fin de son livre, en se réjouissant du salut qui déjà est à l’œuvre :
J’ai entendu, et mes entrailles sont émues
… je vois les souffrances…
mais moi, déjà, je veux me réjouir en l’Éternel,
Je veux me réjouir dans le Dieu de mon salut.
L’Éternel, mon Seigneur, est ma force;
Il rend mes pieds semblables à ceux des biches,
Et il me fait marcher sur les hauteurs.
Habacuc 3:16-19
Amen.
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Lecture de la Bible
Habaquq 1 :1-5, 2 :1-4
1:1 Message qu’a vu Habaquq, le prophète.
2 Jusqu’à quand, ô Eternel?...
J’ai crié, Et tu n’écoutes pas !
je crie vers toi pour dire la violence,
Et tu ne secours pas!
3 Pourquoi me fais-tu voir le mal,
Et contemples-tu l’injustice?
Pourquoi l’oppression et la violence sont-elles devant moi?
Il y a des querelles, et la dispute s’élève.
4 C’est pourquoi l’Écriture est paralysée,
et que la justice n’est jamais choisie;
Car le méchant triomphe du juste,
Et ce sont des jugements tordus qui sont choisis.
5 Voyez, regardez parmi les nations,
Et soyez saisis d’étonnement et de stupeur !
Car est en train d’agir dans votre temps
une œuvre,
Que vous ne croiriez pas si on la racontait.
…
2:1 Je vais me placer à mon poste de garde,
Et je vais me tenir debout sur le rempart,
Et je veillerai pour voir…
Je veillerai pour voir ce que l’Éternel me dira ,
Et ce que je répondrai au sujet de ma plainte.
2 L’Éternel m’adressa la parole, et il dit:
Écris une vision :
Grave-la sur des tables,
Afin qu’on la lise couramment.
3 Car c’est une prophétie
dont le temps est déjà fixé,
Elle marche vers son terme,
et elle ne mentira pas;
Si elle tarde, attends-la,
Car elle s’accomplira,
elle ne sera pas repoussée.
4 Voici, son âme s’est enflée,
elle n’est pas droite en lui;
Mais le juste vivra par sa foi.
Romains 1:15-17
J’ai un vif désir de vous annoncer aussi l’Évangile, à vous qui êtes à Rome (ou ailleurs).
16 Car je n’ai pas honte de l’Évangile :
c’est la puissance de Dieu
pour le salut de quiconque croit,
du Juif premièrement, puis du Grec,
17 parce qu’en l’Évangile est révélée
la justice de Dieu par la foi et pour la foi;
selon qu’il est écrit : Le juste vivra par la foi.
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