L’Évangile selon Ésaïe(Ésaïe 55:1-7 ; Jean 7:37-39)(écouter l'enregistrement - culte entier - voir la vidéo ci-dessous) Culte du dimanche 20 novembre 2016 Cette page du prophète Ésaïe a profondément inspiré l’Évangile du Christ. Non pas seulement ce passage où Jésus le reprend, mais tout l’Évangile du Christ. Il n’y a pas de pages dans la Bible hébraïque qui soit plus proche de son message. La vie nous est offerte en abondance, gratuitement, il n’y a qu’à s’en saisir. Vous tous qui avez faim et soif, venez et trouvez de l’eau, du lait, du vin, du pain. Ces quatre éléments correspondent aux besoins de base de l’être humain : de l’eau pour calmer notre soif, du pain pour faire vivre le corps, bien sûr. Et puis du lait pour les bébés, qu’ils puissent grandir. Ésaïe ajoute le vin. C’est un peu étonnant de le compter dans les éléments les plus essentiels, les plus vitaux pour la personne humaine. Mais c’est que la personne humaine n’a pas seulement besoin de nourriture pour vivre, elle a aussi besoin de joie. Et rien que cette annonce-là est un message essentiel. C’est une bonne nouvelle que Dieu se préoccupe aussi fondamentalement de ce que nous ayons de la joie de vivre. Et tous les désespérés savent combien c’est vital et difficile à trouver quand ça ne va pas. Ce passage nous invite à nous bouger pour boire et manger. N’oublions pas de nourrir notre être dans toutes ses dimensions : le corps, l’intelligence, la sensibilité aux autres, l’émotion artistique... N’oublions pas non plus d’alimenter notre joie de vivre en ce monde, et si notre capacité à être joyeux était trop petite, donnons lui le biberon, comme à un bébé. Mais parfois nous n’y arrivons pas. C’est ce que dit Ésaïe, car avec cet appel « Holà, vous qui avez soif, venez et achetez, sans rien payer... », Ésaïe l’adresse à une personne dont il parle juste avant : « Malheureuse, battue par la tempête, Toi que personne ne console ! » (Ésaïe 54:11) Parfois, la vie est trop dure et nous n’avons même plus la force de nous lever pour alimenter notre être, et encore moins notre joie de vivre. Parfois le monde est pour nous une tempête, un ouragan qui détruit tout sur son passage et met notre vie en danger. C’est là que la solidarité de base peut et doit jouer. La personne humaine est un animal social, et c’est tout naturel de penser à celui qui est dans les tourments d’une tempête, de nous reconnaître en lui. Même si nous voyons un chaton affamé et assoiffé, n’irions-nous pas lui chercher un peu de lait ? Un être humain nous est encore plus proche qu’un chaton. Même si nous n’avions pas de sensibilité aux autres, et que néanmoins nous avons du respect pour Dieu, nous pouvons comprendre qu’il aime chacun de ses enfants et qu’il nous demande de nous sentir responsable de notre frère. Et même si nous n’avions rien à faire de Dieu, nous devrions au moins nous occuper du pauvre qui a faim, car sinon, c’est tout simplement notre humanité qui va s’entre-déchirer très vite. Et si nous étions néanmoins incapables du moindre geste de compassion pour aider notre frère en manque de nourriture ou de joie, alors nous serions un de ces plus pauvres auxquels cette Parole d’Ésaïe s’adresse, balloté par la tempête de sa vie, assoiffé par une peur, peut-être, ou une colère ? Dieu ne se désintéresse alors pas de nous comme si nous étions un méchant irrécupérable. Au contraire, comme le dit ici Esaïe, Dieu se fait proche, il essaye de nous réveiller avec des « Hello », des « Holala », des « Hélas ! » Venez vite à moi vous ressourcer et vous vivrez :
Que le méchant abandonne sa voie,
Dans cet appel, Dieu s’intéresse à la racine du mal en nous, à notre soif profonde, à ce qui peut brûler en nous, car Dieu cherche à éteindre cet incendie, Il s’intéresse à ce qui a faim en nous et qui nous pousse instinctivement à vouloir dévorer les autres, Il s’intéresse à un manque de croissance, à notre côté puéril, irresponsable. Avons nous conscience que notre méchanceté est le symptôme d’une soif profonde, alors que nous la prenons pour un cri de justice ? Une soif que nous avons peut-être oublié, enfouie comme un désir qui nous fait honte mais qui est en réalité tellement noble et vrai. Vital. Au moins, le désespéré, lui, sait qu’il a soif. C’est déjà un avantage, une sagesse, une chance. « Oh, vous qui avez soif, venez vers les eaux ! » C’est d’une logique évidente ! Et pourtant. Encore faut-il avoir saisi que notre être profond a soif, encore faut-il ne pas être trop désespéré pour oser accepter que l’eau existe.
Il y a 1000 façons de donner du sens à notre vie. 1000 occupations possibles pour remplir le vide de la vie qu’il nous reste à vivre, 1000 façons de combler notre être avec toutes sortes de préoccupations et de distractions. Ésaïe nous appelle à réaliser qu’il y a tellement de choses très sympas mais qui ne nourrissent pas réellement, et que nous achetons pourtant à prix d’or, parfois avec frénésie... La foi : c’est choisir Dieu comme source. La foi chrétienne, c’est de faire confiance en Christ comme chemin vers cette source. Vers cette corne d’abondance qu’est Dieu. Aujourd'hui, on entend souvent par foi le sentiment de la présence de Dieu. Il serait dommage de réduire la foi à cette seule dimension. La foi, on le voit ici, et c'est en général le cas dans la Bible, la foi c'est d'abord un choix, celui de tendre l’oreille vers Dieu. Un Dieu de qui l’on espère. Parfois on confond la foi et un ensemble de croyances dont nous devrions être convaincus pour être dans le vrai. Masi celui qui possèderait cela n’aurait plus à tendre l’oreille pour entendre quelque chose d’inouï. L’Église n’est pas un club de croyants mais un ensemble de chercheurs, de personnes qui veulent s’aider ensemble à se mettre à l’écoute de quelqu’un qui les dépasse. Dieu. Des personnes qui osent avoir soif. C’est un courage. Il est tellement rassurant de se croire comblé de certitudes, rassuré par un club de personnes bien connues, comblé par un certain matérialisme. Quand on se croit comblé on est par nature même inconsolable. Quand Jésus, torturé, mourant, dit « j’ai soif », quand il dit « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » Mt 27:46, même dans son doute, son désespoir, son erreur (Dieu n’abandonne personne, pas même Jésus), même dans cette tempête que Jésus vit alors, il tend l’oreille, il va vers la source de la vie.
« Si quelqu'un a soif,
Regardez, écoutez ces adultes qui demandent le baptême ou une profession de foi. Trois par mois en moyenne dans l’Oratoire actuellement. Des personnes qui ont cherché, exploré, goûté à cette source, et on senti qu’elle était vitale. Et qui choisissent cette source, et qui osent le dire publiquement. Et vous, quand est-ce, la dernière fois que Dieu a apporté quelque chose à votre vie ? ??? Comment qualifier ce que Dieu apporte à notre vie ? Comment le reconnaître ? Comme l’eau qui calme notre fièvre ? Comme pain qui nous donne de la force ? Comme du lait qui nous permet de grandir un peu ? Comme du vin qui nous rend plus joyeux ? Comme une consolation alors que rien d’autre n’aurait pu nous consoler comme ça ? Ésaïe compare l’effet de Dieu pour nous à « une alliance éternelle, celle de la bienveillance fidèle envers David » c’est à dire envers ce bien-aimé de Dieu que nous sommes (puisque le mot « David » signifie « bien-aimé »). Un lien profond avec la source de la vie, un lien comme celui que l’on peut avoir avec un meilleur ami avec qui nous nous comprenons à demi mots, souvent même sans se parler, juste en étant ensemble. Un lien qui n’est pas simplement un feu de paille d’émotion religieuse ou intellectuelle, mais une émotion, certes, une intelligence de la réalité, aussi. Une force, une joie qui construit du solide, et qui nous permet d’être aux commandes de notre propre vie, de la rassembler, de l’unifier. Ésaïe compare l’effet de Dieu en nous à la conversion du méchant en bon. Notre méchanceté n’est pas toute mauvaise, il y a une énergie mais mal placée. Il a une indignation mais tournée vers la trahison, le meurtre de notre frère. Quand Dieu passe cette belle énergie est gardée mais devient bienfaisante, bienveillante, joyeuse. Il en est de même avec tout ce qui nous fait souffrir, le deuil, l’inquiétude et le désespoir présentent une énergie qui seront formidables quand elle sera convertie par Dieu, orientée. Jésus, quant à lui, compare l’effet de Dieu en nous à un jaillissement d’eau vive au plus profond de nous mêmes. C’est incroyablement subversif dans ce contexte du judaïsme où jamais l’homme n’est divinisé à ce point. Car ici c’est de cela dont il est question. Non seulement Christ nous mène à la source qu’est Dieu, non seulement il nous donne à boire à cette source directement, mais il nous transforme nous-même en source d'eau vive. Jésus parle même d'un fleuve, et pas seulement d'un mince filet d'eau ridicule. Cela veut dire deux choses. D'abord que Dieu veut nous rendre autonome. Dans un sens, le but du Christ c'est que nous puissions de plus en plus nous passer de lui ! C’est ce que nous voyons très souvent dans les récits de l’Évangile où Jésus libère les personnes qu’il a guéries en les renvoyant dans leur propre vie, mais en forme. Le salut, c'est bien ça. Ce n'est pas de nous maintenir sous perfusion. Bien sûr, nous aurons à boire encore à cette source qu’est Dieu, mais déjà, nous avons une certaine autonomie, dans le bon sens du terme, comme un enfant qui grandit et s’émancipe. La 2e chose que veut dire cette histoire de fleuve qui coule hors du meilleur de nous-mêmes, c'est que nous sommes alors, à notre tour, capable d'être un peu source de vie disponible pour telle ou telle personne qui nous est confiée. Une personne dont parle Ésaïe dans cette belle page de son Évangile :
Malheureuse, battue par la tempête,
Cette parole du prophète est pour tout personne souffrante, tout personne frappée par la peine, toute personne abandonnée ! Parfois, la vie est si dure. Cela peut être le cas matériellement. Que peut faire Dieu pour donner du pain à celui qui a faim, ou donner de l’eau propre à une famille qui n’a pas d’eau potable à moins de centaines de kilomètres ? Ce que Dieu essaye de faire pour cette personne en pleine tempête, c’est de lui trouver quelqu’un qui pourra l’aider. La vie peut être fort dure aussi en ce qui concerne le moral. Très très dure. Aujourd’hui dans nos pays où les dépenses sociales de l’état sont parmi les plus élevées du monde, la détresse morale est de loin la plus terrible des tempêtes, avec presque 25 morts PAR JOUR en France. La première des causes est, d’après les statisticiens, la solitude, particulièrement ressentie face aux difficultés que sont la dépression, la maladie physique les problèmes de couple ou de famille, les violences subies (voir le rapport de l’ONS de février 2016). Typiquement, une personne « Malheureuse, battue par la tempête, que personne ne console ». Ou que rien n’arrive à consoler, ce qui revient au même. Bien sûr, comme cause de tant de détresse, il y a l’individualiste incroyable qui existe dans notre société. Spécialement dans les grandes villes. Et là encore, Dieu nous envoie. Comme cause à cette détresse massive, il y a un trop grand manque de foi, cela fausse la perspective sur la vie, sur son incroyable valeur et sur ce qu’est le bonheur. Et là encore, Dieu nous envoie. Si nous prenons les paroles de l’Évangile au sérieux, nous offrirons des dons nourrissants et abreuvant, à l’image du Christ, puisque de notre cœur aussi jaillit cette source ! Alors, le malheureux dans la tempête, l’abandonné pourra venir et boire sans payer car c’est nous qui régalerons. Nous et Dieu, car cette source de l’Esprit en nous n’est pas seulement de nous. Mais pour Dieu comme pour nous (encore plus pour nous que pour Dieu), en réalité, nous ne pouvons forcer personne à venir, ni à boire à cette source, ni à aller mieux après. Jésus le rappelle régulièrement en disant à une personne guérie : « ta foi t’a sauvé ». Ta foi à toi, cette soif qui cherche la source toute proche et qui y boit ne serait-ce qu’une goutte. Ce petit coin d’oreille tendue. Ce n’est pas nous qui pouvons sauver l’autre, cela lui appartient aussi mais nous pouvons y contribuer. Il y a de la joie à être au service. A être disponible. Il y a du courage à inviter, à offrir ce qui jaillit un peu de nous et qui nous semble bon, ce qui nous semble venir peut-être de plus grand que nous, de Dieu, peut-être. Quelque chose en tout cas qui nous fait vivre et avoir de la joie. Il y a du courage à inviter l’autre à aller chercher à s’abreuver, à chercher Dieu, et peut-être boire à notre source. Cela nous demande du courage car qui sommes nous pour donner le moindre conseil à quelqu’un, nous qui avons nos propres difficultés à vivre ? Quelle pauvre source nous sommes ? Et pourtant. Si je vois une personne « Malheureuse, battue par la tempête, que nul ne console », tendant l’oreille vers le murmure de Dieu, peut-être que Dieu m’envoie vers elle ? Et sinon, tant pis, au moins j’aurai essayé. Amen Vous pouvez réagir sur cet article du blog de l'Oratoire,
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Pasteur dans la chaire de
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Vidéo de la partie centrale du culte (prédication à 09:32)(début de la prédication à 09:32) film réalisé bénévolement par Soo-Hyun Pernot Si vous avez des difficultés pour regarder les vidéos, voici quelques conseils.
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