Je ne me serais pas trouvé
si tu ne m’avais cherché
(Genèse 2:25-3:20)
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Culte du dimanche 28 juillet 2013 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur James Woody
Chers frères et sœurs, je souhaite concentrer notre méditation sur cette question de l’Eternel « où es-tu ? » Comment comprendre que l’Eternel pose une telle question ? Ignore-t-il, vraiment, où se trouve l’homme/Adam ? Si c’est le cas, cela signifie que l’Eternel ne sait pas tout, qu’il est des aspects de notre vie qu’il ignore. Peut-être est-ce ce que pense le rédacteur de ce texte, mais ce n’est pas, de toute façon, le cœur de l’enseignement qu’il veut nous livrer. J’en veux pour preuve que ce ne devait pas être très compliqué de trouver l’homme et sa femme, puisqu’ils s’étaient cachés dans l’arbre au milieu du jardin.
1. Dieu ne cherche pas à savoir où nous sommes mais cherche à ce que nous sachions où nous en sommes
En posant cette question, le divin s’affirme comme ce qui nous permet de faire le point pour nous-mêmes. Le divin s’affirme comme l’occasion qui nous est offerte de se demander où nous sommes, où nous en sommes, vraiment, de notre vie. En s’adressant ainsi à l’homme (et non à un personnage qui s’appellerait Adam, le texte hébreu mentionne bien l’article), l’Eternel l’entraine dans une interrogation qui n’est pas spatiale, mais existentielle. L’Eternel interroge l’homme sur son être : « où es-tu ? » Il ne lui demande pas « qu’as-tu fait ? ». C’est d’abord la personne en tant que telle qui intéresse le divin.
Un enquêteur, un juge d’instruction, un procureur s’intéresserait d’abord aux faits, aux actes. Le divin s’intéresse d’abord à l’être, parce que l’Eternel ne se pose pas en agent de la justice ordinaire qui traque les actes délictueux et criminels. « Où es-tu ? » renvoie l’homme à sa capacité d’analyse. Il n’y a rien d’accusateur dans cette question. C’est une question ouverte. Es-tu bien à ta place, là ? Le rôle que tu tiens, là, te correspond-il vraiment ? Es-tu vraiment en phase avec toi-même ? Ce sont autant de questions auxquelles on peut répondre facilement par oui ou par non, sans trop y réfléchir. Ce sont des questions fermées. « Où es-tu ? » ouvre la pensée ; c’est une question qui donne à réfléchir. C’est une question qui ouvre les yeux, vraiment, bien plus que la consommation de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Après avoir goûté le fruit de cet arbre, l’homme et la femme avait pris conscience qu’ils étaient nus. En termes de savoir, c’est un peu court. Ils savent qu’ils ne savent pas. Ils ont compris que ce fruit était une chimère : le fruit de l’arbre de la connaissance, on ne peut pas y goûter, parce qu’il n’existe pas. Il n’est rien de ce monde, ni d’un univers parallèle pour ceux qui auraient une cosmologie très élaborée, qui contienne la connaissance du bien et du mal. Cette connaissance n’est ni contenue dans un livre, pas même la Bible, ni dans une institution, pas même une religion. Aucune personnalité ne peut s’en prévaloir.
C’est par la question posée à l’homme que l’accès à cette connaissance s’élabore. « Où es-tu » ouvre vraiment les yeux à l’homme qui se rend compte qu’il s’est réfugié dans un arbre, lui qui avait toute la terre à disposition. Cette question ouvre les yeux sur notre condition, elle nous aide à prendre conscience de ce qu’est notre vie, de ce qu’elle est devenue. Où es-tu, aujourd’hui, toi qui voulais changer le monde ? Où es-tu, toi qui voulais être parent autrement que les tiens l’avaient été pour toi ? Où es-tu, toi qui voulais lutter pour la justice ? Où es-tu, toi qui avais à cœur d’être l’artisan du bonheur de tes proches ?
Ce sont là des questions ouvertes qui favorisent la pensée, qui conduisent à une réponse plus riche qu’un oui ou qu’un non. Ce sont des questions qui provoquent un regard introspectif qui permet de s’observer en profondeur, et en vérité, devant l’Eternel qui n’accuse pas, qui ne condamne pas, mais qui vient nous chercher pour que nous sachions où nous en sommes. Il s’agit d’ouvrir la réflexion, non d’accuser. Il s’agit de rendre l’homme libre de mieux se connaître, de mieux se comprendre.
2. Dieu nous cherche pour que nous puissions renouer avec celui que nous sommes
Si Dieu nous cherche, ce n’est pas qu’il veut savoir où nous nous cachons. S’il nous cherche, c’est pour nous permettre de prendre conscience de notre situation afin que nous cessions d’avoir honte de nous.
Nous ne dirons jamais assez que l’Eternel ne se révèle pas dans le regard réprobateur, dans la parole accusatrice, mais dans une parole qui se fait Evangile parce qu’elle nous fait prendre conscience qu’une vie bonne est possible pour nous aussi. En interrogeant l’homme de la sorte, en demandant à chacun de nous « où es-tu ? », l’Eternel nous aide à faire quelque chose de notre sentiment de honte, ce sentiment qui se développe au moment où nous faisons quelque chose que nous n’aurions pas dû, ce sentiment qui révèle notre conscience d’une erreur, d’une faute, d’un raté, d’un écart. L’homme et la femme, ici, ont honte au moment où ils aperçoivent leur nudité. Le texte ne nous conduit pas sur la voie d’une honte causée par la vue du corps et, en tirant un peu, causée par la question de la sexualité. La honte me semble plutôt causée par cette prise de conscience qu’ils avaient été bien naïfs de penser qu’ils allaient enfin savoir discerner le bien du mal. Oui, ils se découvrent nus, d’une nudité intérieure, qu’ils vont tenter de masquer par ces feuilles de figuier comme d’autres cachent leur ignorance crasse derrière des citations, comme d’autres cachent leur erreur derrière la faute supposée d’un autre (« c’est pas moi c’est elle »), qui peut rapidement se transformer en jeu de saute-mouton collectif, chacun passant par-dessus l’autre pour ensuite se cacher derrière.
La honte n’a rien de fâcheux. Ce serait plutôt un sentiment noble, d’ailleurs. C’est le sentiment de celui qui prend conscience qu’il n’a pas été à la hauteur de la situation, qu’il a failli. Le problème de la honte est qu’elle peut nous enfermer comme cet homme de la Genèse, dans le repli sur soi, dans la peur du face à face et peut-être dans un enfermement au sein de la communauté de ceux qui vivent le même genre de honte. Ici, l’homme et sa femme se cachent ensemble ; ils se terrent ensemble. Et l’Eternel s’affirme en allant au devant de chacun pour rétablir l’individu dans sa dignité propre. S’il n’est pas écrit que l’Eternel demande « où êtes-vous ? », ce n’est pas par machisme, mais parce qu’une relation personnelle doit s’établir pour ressusciter la dignité malmenée. Et cette dignité est ressuscitée en premier lieu non par un travail personnel de l’homme sur lui-même, mais par cet autre qui vient à lui et qui le rejoint dans son intimité la plus stricte. Les mots d’Augustin d’Hippone, dans ses Confessions, auraient très bien pu être dits par l’homme de la Genèse : « Toi, tu étais plus intime que l’intime de moi-même, et plus élevé que les cimes de moi-même » (Conf. III, 6).
Une rencontre d’homme à homme est véritablement divine quand chacun est rencontré pour ce qu’il est. Une rencontre est vraiment divine lorsque nous sommes acceptés tels que nous sommes, lorsque nous ne sommes que nous-mêmes, sans avoir besoin d’endosser le costume d’un autre. Est divine toute rencontre où nous sommes acceptés en dépit du fait que, nous-mêmes, nous nous sentons inacceptables, honteux de n’être que nous, voire de n’être que ça, lorsque le dégoût de soi est fort.
Au moment où l’homme s’enterre de honte dans son rejet de lui-même, l’Eternel vient le chercher ; il vient à sa rencontre, il se tient à sa porte et il frappe. Il fait entendre sa voix pour qu’une porte s’ouvre sur autre chose que le ressentiment et la haine de soi qui a tôt fait de devenir une haine de l’autre (comme le laisse entendre la réponse : « c’est cette femme que tu as mise auprès de moi qui m’a donné de l’arbre »). Une porte s’ouvre et laisse de la place à un début de responsabilisation personnelle (« j’en ai mangé »).
3. Dieu ne nous cherche pas pour nous remettre sur le droit chemin, mais nous remettre sur le chemin
L’action divine consiste à faire passer de la honte de soi à l’amour de soi, et de l’autre. L’Eternel ne cherche pas à nous remettre sur le droit chemin d’une loi implacable, de même qu’il n’a pas agit selon une logique répressive. L’Eternel nous cherche pour nous remettre en chemin, pour que nous cessions d’enfouir notre vie et que nous puissions exister à nouveau.
Au fait « où es-tu ? », où est ton centre de gravité ? Qu’est-ce qui te fait vivre, au sens de : qu’est-ce qui te fait être toi-même ? C’est l’occasion de se demander si notre monde gravite autour de nous et, par conséquent, si notre univers se réduit, en fait, à nous. De ce « où es-tu ? » découle notre positionnement par rapport au monde qui nous entoure. Sommes-nous campés sur nos positions à la manière d’un cadavre qui ne bouge plus ou sommes-nous en mouvement comme l’est la vie ? De cette question découle notre rapport aux autres. C’est une nouvelle relation qui va être instaurée par l’intervention divine. L’Eternel s’affirme comme un Dieu personnel en ce sens qu’il fait de moi une personne, c’est-à-dire un individu relié à d’autres que moi. Il est divin, ce moment où nous cessons d’être seul pour nous découvrir dans une relation interpersonnelle avec un être qui va renouveler notre quotidien, qui va le sortir de sa cache, qui va nous permettre de vivre à l’air libre, qui va nous permettre de fouler à nouveau toute l’étendue de la création.
Non, la fin de cet épisode ne sonne pas comme une malédiction lancée à l’humanité au prétexte qu’elle aurait péché. D’ailleurs, il n’est nullement fait mention du péché dans ce texte. A la limite, s’il y a eu péché, c’est lorsque l’homme n’était que l’ombre de lui-même. Non, les dernières paroles de l’Eternel ne sont pas une punition infligée à une humanité pécheresse, mais un acte d’amour offert à l’humanité pardonnée. Dans ce texte, l’Eternel permet à l’humanité d’exercer pleinement sa liberté d’être en lui indiquant ce qui l’attend, quelles sont les difficultés qui l’attendent. Oui, il vaut mieux savoir qu’il faut œuvrer pour vivre ; cela évite quelques déconvenues ; cela permet surtout de s’y préparer en faisant l’apprentissage de ce qui sera nécessaire pour faire valoir nos talents. Oui, il vaut mieux savoir que l’enfantement se fera dans la douleur, cela permet de poser une péridurale au bon moment. Oui, il vaut mieux savoir qu’il y a des risques de dominations sociales, cela permet de mettre en place un cadre pour y parer. Oui, il vaut mieux savoir qu’il y a des virages particulièrement dangereux dans la vie, cela permet de ralentir au bon moment.
Par cette simple question, « où es-tu ? », l’Eternel remet notre histoire en route. Dès lors, on ne cherche plus tant à se couvrir comme l’homme de la Genèse, qu’à retrousser les manches pour se mettre au travail, pour vivre au grand jour tout ce qu’il y a à éprouver dans cette bonne existence que l’Eternel ressuscite inlassablement.
Cela vaut bien une action de grâce en forme de reconnaissance lancée à l’Éternel : « je ne me serais pas trouvé si tu ne m’avais cherché. »
Amen
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Lecture de la Bible
Genèse 2:25-3:20
L’homme et sa femme étaient tous deux nus, et ils n’en avaient point honte.
1 Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs, que l’Eternel Dieu avait faits. Il dit à la femme: Dieu a-t-il réellement dit: Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin?
2 La femme répondit au serpent: Nous mangeons du fruit des arbres du jardin.
3 Mais quant au fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit: Vous n’en mangerez point et vous n’y toucherez point, de peur que vous ne mouriez.
4 Alors le serpent dit à la femme: Vous ne mourrez point;
5 mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et que vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal.
6 La femme vit que l’arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu’il était précieux pour ouvrir l’intelligence; elle prit de son fruit, et en mangea; elle en donna aussi à son mari, qui était auprès d’elle, et il en mangea.
7 Les yeux de l’un et de l’autre s’ouvrirent, ils connurent qu’ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s’en firent des ceintures.
8 Alors ils entendirent la voix de l’Eternel Dieu, qui parcourait le jardin vers le soir, et l’homme et sa femme se cachèrent loin de la face de l’Eternel Dieu, au milieu des arbres du jardin.
9 Mais l’Eternel Dieu appela l’homme, et lui dit: Où es-tu?
10 Il répondit: J’ai entendu ta voix dans le jardin, et j’ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché.
11 Et l’Eternel Dieu dit: Qui t’a appris que tu es nu? Est-ce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger?
12 L’homme répondit: La femme que tu as mise auprès de moi m’a donné de l’arbre, et j’en ai mangé.
13 Et l’Eternel Dieu dit à la femme: Pourquoi as-tu fait cela? La femme répondit: Le serpent m’a séduite, et j’en ai mangé.
14 L’Eternel Dieu dit au serpent: Puisque tu as fait cela, tu seras maudit entre tout le bétail et entre tous les animaux des champs, tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie.
15 Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité: celle-ci t’écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon.
16 Il dit à la femme: J’augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur, et tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi.
17 Il dit à l’homme: Puisque tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé de l’arbre au sujet duquel je t’avais donné cet ordre: Tu n’en mangeras point! le sol sera maudit à cause de toi. C’est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie,
18 il te produira des épines et des ronces, et tu mangeras de l’herbe des champs.
19 C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre, d’où tu as été pris; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière.
20 Adam donna à sa femme le nom d’Eve: car elle a été la mère de tous les vivants.
traduction NEG
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