Dieu ne se lasse pas

(Ésaïe 7:13-15 ; Ésaïe 9:5-6 ; Luc 2:1-7)

(écouter l'enregistrement)  (voir la vidéo)

Culte du soir de la veillée de Noël, 24 décembre 2010 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur James Woody

Chers frères et sœurs, ne vous êtes-vous jamais demandé si Dieu ne se lasserait pas de nous ? moi, à sa place, je finirais pas désespérer de l’être humain. Je ne suis pas Dieu, c’est heureux, mais est-ce suffisant de penser que Dieu vaut mieux que nous pour pouvoir penser tranquillement que nous ne le lassons pas, que nous n’entamons pas sa patience ? car, reconnaissons-le, il y a de quoi se lasser de l’Homme, même quand on est Dieu. Songez que cela fait deux mille ans que l’Evangile a retenti au cœur de la nuit de Bethlehem, deux mille ans que la bonne nouvelle de la présence active de Dieu auprès des hommes s’est répandue à la surface de toute notre bonne vieille terre, et la vie est pourtant loin d’être merveilleuse à tout point de vue. Oui, bien entendu, depuis deux mille ans, il y a eu de sérieuses avancées, de véritables progrès : des progrès en matière de justice, de droits individuels, de condition de vie, d’espérance de vie… mais il faudrait être sérieusement retiré des affaires du monde pour considérer que ça va bien comme cela. En deux mille ans, munis de l’Evangile, on n’aurait pas pu faire mieux, franchement ?

Mais il n’y a pas que Dieu pour désespérer du genre humain : les hommes ont de quoi se lasser de l’être humain. Et, en particulier, les non-croyants ont de quoi se lasser des croyants. On peut se lasser des croyants à cause des intégristes, mais globalement, on ne peut pas dire que les croyants, et les chrétiens notamment, soient toujours très enthousiasmants.

A leur manière, les chrétiens ne lassent-ils pas les non-croyants quand ils dépensent leur énergie dans des débats internes pour savoir si untel peut communier avec tel autre, si on peut autoriser ou non les femmes à assumer toutes les responsabilités dans l’Eglise, s’il faut des signes de croix ou non pour bénir convenablement les personnes ?

Et pendant ce temps, des milliers de personnes, sont confrontées à des problèmes autrement plus sérieux, sont inquiètes pour leur existence, pour leur avenir,  et elles se lassent et perdent espoir. Certains désespèrent d’une vie meilleure, de lendemains qui chantent, d’une vie où cesseront les pinailleries de voisinage, les enfantillages dans les queues d’attente ; certains désespèrent d’une vie où ils cesseront de se sentir les grands perdants. Ils n’ont plus goût à grand-chose et, en tout cas, ils n’ont plus goût aux grandes choses.

Quel paradoxe tout de même, quand on réalise qu’il est loin le temps où l’Evangile n’avait pas de place pour accéder au monde. Il est loin le temps où l’Evangile n’avait pas de place dans la salle principale. Aujourd’hui, l’Evangile a trouvé sa place sur toutes les étagères de bibliothèques, il a trouvé sa place bien au chaud dans la plupart des foyers, parfois dans la pièce principale, en évidence, mais nous accouchons rarement de l’Evangile. Dieu est là, disponible, disposé à se mêler à notre histoire, mais nous, nous sommes comme le roi Achaz :

« Oh non ! on va se débrouiller tout seul ! on ne va pas déranger Dieu tout de même ! non non ! on ne lui demandera rien, on ne va pas le provoquer pas, on va le laisser tranquille ! »

Ah ! la belle affaire ! il est bien avancé le roi Achaz à vouloir régler seul ses problèmes plutôt que se confier à Dieu. Et nous… nous n’avons pas de quoi être très fiers de la conduite du monde. Nous sommes dans la situation du roi Achaz, loin d’une vie sans souci, mais qui hésitait, qui se lamentait, qui rechignait à faire appel à Dieu, à se confier à Dieu pour régler ses problèmes. Et du coup, Achaz se morfondait et devait désespérer ceux qui avaient placé leur confiance en lui. Et, comme Achaz, à leur tour, je les imagine baissant les bras, se laissant aller : ils cessent de rêver, ils se résignent. Ils se lassent et, pourquoi pas, il se pourrait bien que tout cela lasse Dieu.

Sauf que Dieu ne manque pas de ressource et ne se lasse pas si facilement. La lassitude gagne les troupes ? qu’à cela ne tienne, il réagit, par un signe : une jeune fille va mettre au monde un enfant dont le nom, Emmanuel, incarnera parfaitement le fait que Dieu n’abandonne pas le monde à la dérive, qu’il ne se lasse pas, qu’il ne désespère pas de nous, mais qu’il insiste et insiste encore pour nous aider à reprendre pied dans notre vie et à faire face.

Un enfant. C’est sûr, c’est un bon remède contre la lassitude : il faut vraiment en vouloir pour s’ennuyer quand on s’occupe d’un enfant. Mais le bénéfice de ce signe offert par l’Eternel n’est pas d’abord de se laisser attendrir par un petit bout’chou. Le premier bénéfice c’est de réapprendre à dire oui à la vie. C’est le oui de la jeune fille : le oui de Marie. Le oui de Joseph, aussi. Dans un monde gouverné par le non de la résignation, le non de la peur, le non de l’inquiétude, Dieu ouvre de nouvelles voies pour le oui. Oui à la vie, oui pour l’action, oui pour entreprendre, même si, à première vue, cela semble compliqué ou compromis voire fichu ; même si, à première vue, il n’y a pas vraiment de place, pas franchement de marges de manœuvre. Le premier bénéfice de cette nativité, de Noël, c’est de nous redonner goût à la vie, même si le contexte est hostile, même si nous sommes confronté à de l’inimitié ! Noël, c’est le oui ! de l’adhésion, le oui ! de l’adoption, c’est un oui à la vie !

Le deuxième bénéfice est relatif à l’éducation que suppose cet enfant. Car il ne s’agit pas de mettre au monde un enfant de plus, histoire, peut-être, de compenser la mort imminente du roi Achaz. On ne met pas un enfant au monde pour équilibrer les naissances et les morts, pour équilibrer la pyramide des âges ou payer les retraites. L’Emmanuel qui vient au monde est qualifié de titres éloquents qui disent à quel point son existence a du sens, à quel point sa vie est bien plus qu’une unité de plus dans un recensement qui ignore tout des signes particuliers, des individualités, de la singularité de chacun.

Conseiller admirable, Dieu fort, Père à jamais, prince de la paix… nous avons là une carte de visite qui pourrait faire office de déclaration de foi lorsque nous essayons de balbutier quelque chose d’intelligent sur Dieu. Emmanuel, Dieu qui se rend présent au cœur même de l’humanité, le Christ agissant parmi nous, c’est Dieu qui cherche à nous conseiller, à nous affermir, à nous féconder, à nous permettre d’établir la paix. La nativité, c’est le projet de Dieu qui s’incarne, qui prend chair, qui se réalise, qui cesse d’être du côté des belles idées pour se concrétiser dans l’histoire, dans notre histoire.

C’est un projet éducatif. C’est Dieu qui s’efforce de nous rendre plus humains en nous faisant re-parcourir le chemin de l’homme, depuis l’enfance et ses apprentissages vers cette vie tant espérée où la paix devient un art de vivre, selon les termes que nous trouvons un peu plus loin chez Esaïe, au chapitre 11, que le pasteur Pernot nous a présenté il y a deux semaines. Se nourrir de lait et de miel pour apprendre à discerner le bien et le mal, c’est opter pour un système de référence fondé sur la douceur et non sur la violence. Pour appréhender la vie, éclairer nos choix, nous orienter, Dieu nous propose de nous régler sur la douceur, sur l’amour, plutôt que sur la violence et sur la haine. Dans un monde de brute, au plus fort de la violence exprimée par le climat de guerre qui surprend le roi Achaz, la douceur reste le système de référence privilégié par l’Eternel.

Le signe de l’enfant qui nait est une manière de nous entrainer dans une vision du monde apaisée (attendrie peut-être) ; une vision du monde qui se met au diapason de cette berceuse qui est peut-être la plus ancienne que nous connaissions, une berceuse qu’a conservé le texte hébreu qui dit ainsi « car un enfant nous est né, un fils nous est donné » :

כִּי־יֶ֣לֶד יֻלַּד־לָ֗נוּ בֵּ֚ן נִתַּן־לָ֔נוּ
ki yeled youlad lanou ben nitan lanou

Noël n’est pas une comptine pour nous faire dormir debout, mais l’attestation que la douceur est le mode de vie qu’il faut privilégier.

Frères et sœurs, retenons en cette veillée de Noël, que Dieu, loin de se lasser de nous, nous fait éprouver sa présence agissante pour nous sauver de la lassitude, de l’ennui et du désespoir. Et, d’autre part, constatons que la voie ouverte par le Christ, ce chemin qu’il a emprunté, atteste que nous pouvons envisager la vie avec douceur et délicatesse.

Amen.

 

Vous pouvez réagir sur le blog de l'Oratoire

Pasteur dans la chaire de l'Oratoire du Louvre - © France2

Pasteur dans la chaire de
l'Oratoire du Louvre
© France2

Lecture de la Bible

Ésaïe 7:13-15

Esaïe dit alors: Ecoutez donc, maison de David!
Est-ce trop peu pour vous de lasser la patience des hommes,
Que vous lassiez encore celle de mon Dieu?
C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe;
Voici, la vierge deviendra enceinte, elle enfantera un fils,
Et elle lui donnera le nom d’Emmanuel.
Il mangera de la crème et du miel,
Jusqu’à ce qu’il sache rejeter le mal et choisir le bien.

 Ésaïe 9:5-6 

Car un enfant nous est né, un fils nous est donné,
Et la domination reposera sur son épaule;
On l’appellera Admirable,
Conseiller,
Dieu puissant,
Père éternel,
Prince de la paix.
Donner à l’empire de l’accroissement,
Et une paix sans fin au trône de David et à son royaume,
L’affermir et le soutenir par le droit et par la justice,
Dès maintenant et à toujours:
Voilà ce que fera le zèle de l’Eternel des armées.

Luc 2:1-7

1 En ce temps-là parut un édit de César Auguste, ordonnant un recensement de toute la terre.
2 Ce premier recensement eut lieu pendant que Quirinius était gouverneur de Syrie.
3 Tous allaient se faire inscrire, chacun dans sa ville.
4 Joseph aussi monta de la Galilée, de la ville de Nazareth, pour se rendre en Judée, dans la ville de David, appelée Bethléhem, parce qu’il était de la maison et de la famille de David,
5 afin de se faire inscrire avec Marie, sa fiancée, qui était enceinte.
6 Pendant qu’ils étaient là, le temps où Marie devait accoucher arriva,
7 et elle enfanta son fils premier-né. Elle l’emmaillota, et le coucha dans une crèche, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans l’hôtellerie.