Comment & pourquoi
Dieu nous reçoit finalement
tous au Paradis.

( Évangile selon Luc 14:15-24 ; Luc 15:4-7 )

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Culte du dimanche 13 mars 2011 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur Marc Pernot

Avec les enfants de l’éducation biblique, nous poursuivrons aujourd’hui notre lecture de l’Évangile selon Luc, à la page où Jésus choisit et forme les premiers apôtres, des personnes qui seront envoyées pour annoncer la bonne nouvelle de l’amour de Dieu. Pour commencer à réfléchir ensemble sur ce thème, j’ai choisi dans ce même Évangile selon Luc la parabole de Jésus qui raconte l’invitation à un grand festin. Cette parabole commence bien, elle montre que Dieu nous invite à une grande fête, et nous envoie inviter nos amis à cette fête. Mais la fin de la parabole est très bizarre. Les paraboles de Jésus sont souvent comme des énigmes, parce que Jésus essaye de réveiller notre intelligence, il espère que nous nous posions des questions et que nous puissions ainsi évoluer dans notre façon de concevoir Dieu et la vie.

Le maître dit au serviteur: ceux que tu trouveras,
contrains-les d’entrer.
Mais, je vous le dis,
aucun des hommes qui avaient été invités
ne goûtera de mon dîner.

Dans un autre contexte que dans l’Évangile, dans une autre bouche que celle de Jésus-Christ, ces paroles seraient tout à fait normales. La contrainte et la menace sont des outils qui sont très efficaces. Dans le domaine politique, économique, social, et même dans le domaine religieux, la contrainte et la menace marchent très bien. Mais Dieu n’est pas comme ça et donc Jésus n’est pas comme ça. Quand des personnes ne l’écoutent pas, quand elles refusent, même quand des hommes le menacent, même quand ils le tuent pour ses idées, Jésus n’envoie pas la foudre. Au contraire, il prie pour que Dieu leur pardonne (Luc 23 :34), il dit que Dieu cherche vraiment à faire du bien à ses ennemis, Jésus nous dit que « Dieu est bon, vraiment, pour les ingrats et les méchants »(Luc 6 :35).

Ça c’est l’Évangile de Jésus-Christ !

Dans ce contexte comment comprendre ce fameux « contrains-les d’entrer » ?

Saint-Augustin (qui est pourtant souvent génial) tire de ce verset quelque chose d’épouvantable. Il soutient que oui, il est juste d’user de violence et de persécutions pour convaincre les hérétiques de revenir dans l’église ! Cette interprétation malheureuse va avoir bien des conséquences dans l’histoire. Et au XVIIe siècle, le célèbre prédicateur Bossuet, peut-être même du haut de cette chaire de l’Oratoire, reprend ce commentaire d’Augustin et convainc ainsi le roi Louis XIV de révoquer l’Édit de Nantes et de lancer une terrible persécution contre les protestants. Le philosophe Pierre Bayle répond à cette action du roi en réfutant les arguments d’Augustin, disant qu’il est impossible de comprendre cette parabole ainsi, car Dieu est amour. Ce commentaire de Bayle au « contrains-les d’entrer » marque le début d’une nouvelle époque pour la pensée, celle « des lumières », ouvrant la porte à la liberté de conscience, la liberté de foi.

Bayle remarque, très justement qu’avec de la violence, on peut forcer quelqu’un faire quelque chose mais certainement pas le forcer à aimer. Or, c’est ça le projet de Dieu en Christ : que nous ayons un cœur qui aime enfin un petit peu véritablement.

La contrainte, les menaces ne nous font pas aimer plus, au contraire, elles nous font avoir peur, et cette peur nous fait nous méfier de Dieu, de moins l’aimer cœur ouvert. Cette peur nous rend égoïstes, pour chercher à nous protéger nous-mêmes, à chercher notre salut, notre paradis… Or le projet de Dieu, c’est l’amour, c’est l’ouverture du cœur, c’est que nous trouvions du plaisir dans le fait de voir les autres un peu plus heureux, de voir les autre sauvés aussi.

Alors comment lire cette parabole ?

Le maître de maison c’est Dieu. Il envoie son serviteur appeler une multitude de personnes. Ce serviteur, bien sûr, ce sont les prophètes, c’est aussi le Christ, et ce serviteur qui part annoncer l’amour de Dieu c’est chacun de nous quand nous parlons à un ami, c’est la grand-mère qui parle à son petit-fils, ou la fille qui dit à sa mère l’intérêt que Dieu lui porte. Ce serviteur qui appelle chacun de nous, c’est aussi cette étincelle qui vient de Dieu et que nous avons au-dedans de nous, une étincelle d’intelligence, une étincelle de cœur, une étincelle de foi ou d’espérance…

Le bon dîner de fête évoque le paradis, certes, mais dans la Bible le Royaume de Dieu, le paradis et la vie éternelle, ces trois choses sont une seule réalité, cela évoque une qualité d’être et de vie qui est si profonde et vraie qu’elle a une dimension d’éternité. Une vraie vie pour aujourd’hui, en ce monde et pour toujours. Comme dans cette parabole, c’est aujourd’hui que nous sommes invités à nous régaler de ce que Dieu a préparé pour nous.

Trois fois, le serviteur devra sortir et sortir encore pour inviter chacun à la vie. Nous sommes à la fois, et tout à tout, ce serviteur et celui qui est invité.

La première fois, le serviteur a seulement à dire « Venez car tout est prêt », tout est prêt pour vous, Dieu vous a choisi. Dieu, le grand Dieu de l’Univers s’intéresse à nous et a tout préparé pour nous, il ne manque que nous. Il y a là une annonce fondamentale et bouleversante, à mon avis. Nous sommes dignes d’être aimé, nous sommes dignes d’être nourri, dignes que Dieu et l’humanité entière fassent une fête en notre honneur. Nous ne le savons peut-être pas, nous ne voyons peut-être pas comment ni pourquoi, mais notre existence a du sens, elle vaut la peine. Nous sommes attendu par Dieu.

L’Évangile nous apprend cela. Et Dieu nous envoie, comme des apôtres, vers une ou des personnes qu’il nous confie pour que nous leur disions combien elles sont importantes, spéciales. Et combien elles comptent pour Dieu.

Cette première annonce, c’est celle de l’amour de Dieu, celle de son amour gratuit qui nous appelle. Pas besoin de payer, ni de faire dire des prières, ni de faire des sacrifices, ni de bâtir des pyramides. Le paradis nous est donc grand ouvert. Il suffit pour y entrer d’aller vers Dieu… c’est déjà plus facile que de forcer les portes du paradis, mais quand même, cela reste sélectif : aller vers Dieu ? Et si l’on n’a pas la force, si l’on ne sait pas, et si nous avons encore des doutes, un reste de crainte, un gros brin de paresse… Pas de panique, nous dit ici Jésus. Vous n’êtes pas certains d’y arriver ? C’est normal. Souvent la simple annonce de la grâce ne suffit pas, la simple théologie ne suffit pas, la simple sagesse, la simple connaissance de notre dignité ne suffisent pas. Nous avons besoin d’un peu plus d’aide de Dieu que cela pour avancer. Dieu fait encore plus que de nous ouvrir le paradis.

Dieu envoie une deuxième fois son serviteur, il va lui falloir faire plus que d’appeler, le serviteur va devoir nous « conduire » jusqu'au Royaume de Dieu. Il n’y a pas de trop pauvre pour Dieu, le serviteur va dans les riches avenues et dans les ruelles, si l’on est dans le noir, si l’on n’arrive pas à avancer, si l’on est nul, Dieu nous aidera, nous guidera, nous conduira, nous soutiendra, nous portera… mais finalement chacun, malgré ses faiblesses pourra, s'il le désire, participer au banquet de la foi, de l'espérance et de l'amour.

Nous n’avons donc pas à mériter le paradis, il suffit d’y aller. Et si nous n’avons pas la force d’y aller, il suffit de vouloir y aller. Mais ça encore, c’est sélectif. Si nous refusons d’aimer Dieu, si nous fermons à son aide. Que faire ? Vous croyez que Dieu va nous abandonner comme une vieille chaussette ? Ce serait mal le connaître. Car celui qui aime n’abandonne pas son amour quand il va mal. Dieu envoie encore une fois son serviteur avec la mission de chercher ceux que l’on peut appeler alors les plus pauvres des plus pauvres, ceux qui sont comme écroulés en dehors de tout chemin. Ceux qui n’ont même plus la force de vouloir le bien. Vas vers eux, nous dit Dieu, et « contrains-les d’entrer » !

Dieu n'impose pas à l'homme d'avoir la foi. C’est impossible. On ne peut imposer à quelqu’un d’aimer par la force. On ne peut pas forcer quelqu’un à espérer ni à être libre… Alors comment est-ce que quelqu'un serait finalement « contraint » d'accepter de communier avec Dieu ?

Jésus répond à cette question par sa vie tout entière : c’est par l’amour et la patience que Dieu nous sauve et nous sauvera tous. Et Jésus explique comment Dieu nous « contraint d’entrer » quelques lignes plus loin dans ce même évangile de Luc avec la parabole de la brebis perdue (Luc 15:4-7). Il est très clair, dans cette parabole que Jésus n’a aucun doute sur l’amour de Dieu, manifesté ici par celui du berger, et Jésus n’a aucun doute sur le succès de la recherche du berger. Jésus nous dit qu’il cherche la dernière des brebis perdue « jusqu’à ce qu’il la trouve », et que « lorsqu’il l’a trouvée » il la porte si elle est trop faible, il la sauve et il peut alors enfin se réjouir. Tant qu’il manquera une seule personne à sauver, ce berger qu’est Dieu ne cessera de chercher. Mais c’est clair, à deux reprises, les paroles de Jésus affirme avec certitude que l’amour de Dieu finira par trouver chacun…

C’est par son amour, son pardon et sa patience que Dieu finira bien par sauver tout le monde. Même un grand méchant peut avoir parfois une faiblesse dans sa méchanceté, ou comme un remord, comme un éclair de lucidité, une étincelle de foi, d’intelligence, l’étincelle de l’amour… il peut sentir alors que Dieu le cherche, et il peut se sentir retrouvé, il peut sentir que quelque chose qu’il ne connaissait pas le porte un peu, commence à le guérir, va dans le bon sens. Même le plus désespéré peut avoir une étincelle d’espérance, il peut-être touché par un geste, par une parole qui ouvre une fenêtre, une lumière.

Et puis, au pire, même si quelqu'un refusait d'entendre l'appel de Dieu tout au long de sa vie sur terre : c’est un sacré gâchis, certes, mais à sa mort il verra Dieu face à face, et il le connaîtra véritablement (1 Cor 13). Alors, ce qui est méchant en nous pleurera sur le temps perdu, il pleurera sur sa propre ingratitude, pleurera sur sa méchanceté, sur les occasions perdues, il pleurera comme l'apôtre Pierre pleure d'avoir renié le Christ tant qu'il faisait sombre. Mais alors, Dieu console et accueille, comme le Christ réconforte Pierre et l'envoie comme berger de ses agneaux.

Mais, me direz-vous peut-être : si Dieu finit par recevoir tout le monde dans son Royaume, à quoi est-ce que ça sert d'avoir la foi maintenant, de prier, lire la bible, aller au culte ? Je répondrai par une autre question : à quoi est-ce que ça sert d’aller voir une grand-mère qui vous aime et que l’on aime ? À quoi ça sert à l’ami d’aller voir son meilleur ami ? On va se voir juste pour le bonheur d'être ensemble et de communier, on va se voir juste pour la joie de faire plaisir ou pour donner un coup de main. Mais si nous n'allions pas les voir, ils nous aimeraient quand même et nous les aimerions toujours. C'est cela, l'amour, c'est d'aimer sans condition. Or c'est d'un amour vrai que Dieu nous aime. Et le Christ en est la preuve vivante.

Son Royaume n'est pas à acheter. Nous y avons notre place. Celle d'un enfant bien-aimé. Lui, nous a déjà reçu. Et il nous envoie dans le monde pour être comme une étincelle de foi, d’espérance et d’amour pour quelques autres.

Alors de qui parle Jésus quand il dit « aucun des hommes qui avaient été invités ne goûtera de mon dîner » ? Il s’agit des personnes montrées au début de la parabole qui se sont excusées de ne pouvoir venir. Et c’est vrai qu’elles ne le pouvaient pas :

  • La première s’occupe de son champ : cela évoque le travail dans le monde, c’est bien
  • La seconde s’occupe à labourer avec ses cinq paire de bœufs. L’exagération du chiffre montre bien qu’il s’agit là d’un symbole, ces cinq paires évoquant la pratique de la Loi de Moïse, cela évoque un comportement droit, une bonne pratique religieuse, une bonne morale de vie. C’est bien.
  • La troisième vient de se marier. C’est très bien, il y a dans l’amour entre les humains un lieu de bonheur et de fécondité.

Il ne s’agit pas de telle ou de telle personne qui serait exclue du paradis, mais de trois bonnes choses, trois excellentes dimensions de notre vie en ce monde, mais en elles-mêmes aucune des trois ne monte au ciel. Il faut ce quelque chose de plus qui est de l’ordre de la foi, de l’espérance et de l’amour. Il ne faut simplement pas tout mélanger. C’est Dieu qui est la source et la finalité de notre être, ce n’est pas le travail, ce n’est pas la religion, ce n’est même pas l’amour qui nous lie entre nous…

  • Notre travail doit être vivifié par l’étincelle de la vie, vivifiée par cette façon d’être nouvelle qu’est la communion avec la grâce de Dieu.
  • Même la religion et une bonne moralité doivent être vivifiées par l’étincelle d’amour et de vie qu’est Dieu,
  • Même nos amours, même nos amitiés vraies doivent être vivifiées par l’amour de Dieu, par sa bénédiction, par son Esprit.

Amen.

 

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Pasteur dans la chaire de l'Oratoire du Louvre - © France2

Pasteur dans la chaire de
l'Oratoire du Louvre
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Lecture de la Bible

Luc 14:15-24

Un de ceux qui étaient à table dit à Jésus: Heureux celui qui prendra son repas dans le royaume de Dieu !

16 Et Jésus lui répondi t: Un homme donna un grand souper, et il invita beaucoup de gens. 17 A l’heure du souper, il envoya son serviteur dire aux conviés: Venez, car tout est déjà prêt. 18 Mais tous unanimement se mirent à s’excuser.

  • Le premier lui dit: J’ai acheté un champ, et je suis obligé d’aller le voir; excuse-moi, je te prie.
  • 19 Un autre dit: J’ai acheté cinq paires de boeufs, et je vais les essayer; excuse-moi, je te prie.
  • 20 Un autre dit: Je viens de me marier, et c’est pourquoi je ne puis aller.

21 Le serviteur, de retour, rapporta ces choses à son maître. Alors le maître de la maison irrité dit à son serviteur: Va promptement dans les places et dans les rues de la ville, et amène ici les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux.

22 Le serviteur dit: Maître, ce que tu as ordonné a été fait, et il y a encore de la place.

23 Et le maître dit au serviteur: Va dans les chemins et le long des haies, et ceux que tu trouveras, contrains-les d’entrer, afin que ma maison soit remplie. 24 Car, je vous le dis, aucun de ces hommes qui avaient été invités ne goûtera de mon souper.

Luc 15:4-7

Lequel d’entre vous, s’il a cent brebis, et qu’il en perde une, ne laisse les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert pour aller à la recherche de celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il la trouve?

5 Lorsqu’il l’a trouvée, il la met avec joie sur ses épaules, 6 et, de retour à la maison, il appelle ses amis et ses voisins, et leur dit: Réjouissez-vous avec moi, car j’ai trouvé ma brebis qui était perdue.

7 De même, je vous le dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui change, que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de changer.