Isaac retrouve la bénédiction d’Abraham( Genèse 12 :1-2 ; Genèse 26:15-33 ; Luc 20:37-39 ; Jean 11:20-27 ) (écouter l'enregistrement) (voir la vidéo) Culte du 2 novembre 2008 à l'Oratoire du Louvre La Bible appelle souvent Dieu « le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob ». Abraham est bien connu pour sa foi. Jacob est bien connu pour sa force dans la prière. Par contre, on fait malheureusement moins attention à ce dont témoigne Isaac. C’est vrai que Bible ne nous en dit que peu de chose, sa vie semble consister à refaire à sa façon ce qu’avait déjà vécu avant lui Abraham son père. Pourtant, si la Bible parle du Dieu « d’Abraham, d’Isaac et de Jacob », c’est que la façon d’être d’Isaac est essentielle, comme le sont la foi d’Abraham et celle de Jacob, afin que notre conception de Dieu mais aussi notre façon de vivre notre foi soit enrichie de cette triple dimension. Isaac creusa de nouveau les puits qu'on avait creusés du temps d'Abraham, son père, et que les Philistins avaient bouchés après la mort d'Abraham... (Genèse 26:18) Comme Isaac après la mort de son père Abraham, quand nous sommes dans le deuil d’une personne que nous aimons, nous sommes d’une certaine façon dans un monde où les puits ont été refermés par du sable. Une personne que nous aimions, une personne qui était pour nous une bénédiction de Dieu n’est plus à nos côtés. Comme le dit avec douleur Isaac ici, il est assoiffé et il ne connaît pas la paix malgré ses efforts pour trouver des sources nouvelles. Face à la perte d’un être que nous aimons, certains cherchent à nous aider en parlant de la vie future, où Dieu nous consolerait et où l’on retrouverait les personnes que nous avons perdues. Je le pense aussi, mais cela ne nous aide pas tellement à avancer aujourd’hui, c’est sans doute ce qu’ont dit les bonnes âmes qui sont venues auprès de Marthe et Marie en deuil de leur frère (Jean 11 :19). Et apparemment, cela ne console pas Marthe de la mort de son frère (et cela n’empêche pas Jésus lui-même de pleurer la mort de son ami Jean 11:35). Le problème de Marthe, à ce moment-là, c’est de vivre maintenant avec le drame qu'est cette séparation. C’est aujourd’hui que mon frère lui manque et c'est maintenant qu’elle doit faire face et vivre. C’est aujourd’hui que la mort doit être vaincue pour elle. C’est pourquoi Marthe va vers Jésus, car elle sent que, même maintenant, il est la solution. Et ce que Jésus va lui offrir, c’est que ce soit ELLE qui ressuscite et qu’elle ressuscite maintenant. C'est bien ça que lui répond Jésus. C'est à elle qu'il offre la résurrection et la vie, maintenant, en cette vie. Cela peut sembler bien abstrait, c’est au contraire très concret et l’histoire d’Isaac peut nous aider à le saisir, non seulement à le comprendre mais à en vivre. L’histoire d’Isaac nous invite à creuser à nouveau les puits enfouis, à redécouvrir la source qui avait été la vie de la personne aimée et disparue, à laisser Dieu ressusciter en nous la bénédiction qu’a été et que peut vraiment être encore une personne que nous aimons. Quand nous sommes secs, ce n’est pas que Dieu nous aurait retiré sa bénédiction, son eau est encore là au plus profond de nous, disponible. Mais un ennemi a comme bouché ces puits dont dépendent notre bonheur et notre vie. Finalement qu’importe la sorte de philistins qui a bouché ces puits. La perte d’une personne qui nous était indispensable fait se lever bien des sentiments et des idées qui nous font la guerre et qui assèche notre vie. Ça peut être une sorte de désespoir, mais aussi une révolte contre l’injustice ou l’absurdité de cette mort, ça peut être aussi un sentiment de culpabilité, qu’il soit fondé ou non. Ça peut être mille chose encore, mais qu’importe. Sous le sable il y a et il y aura toujours la source de notre être et de la joie de vivre : notre Dieu ne nous abandonne pas. C’est en nous qu’est le désert, et c’est en nous que ces puits peuvent être creusés. Abraham nous invite à boire directement à cette source qu’est Dieu, il incarne la foi, et par la foi il deviendra lui-même une bénédiction pour de multiples générations, nous dit la Bible (Gen. 12 :2), En chaque être humain il y a un enfant de cet Abraham là, une personne bénie par Dieu pour être, à sa façon, une bénédiction pour d’autres. Dans ce récit d’aujourd’hui, Abraham est mort et la vie d’Isaac est faite de déserts et d’injustices combats. Mais si Abraham ne revient pas sur terre accompagner Isaac, la source de sa bénédiction reste bien vivante pour lui. Isaac nous invite à la fidélité et à la louange. Il nous invite à nous souvenir et à partir à la recherche des anciens puits ouverts par Abraham, à les recreuser, puis à boire ne serait-ce qu’encore une gorgée de leur source, à leur donner le nom, le sens, que leur avait donné Abraham lui-même. Dans cet élan de fidélité, Isaac pourra vivre et transmettre la bénédiction donnée par Dieu à son père. Isaac apprendra aussi à creuser lui-même de nouvelles sources, de vraies bonnes sources, et donc à être à son tour, lui-même, béni et bénédiction pour les siens. Abraham est ainsi toujours une bénédiction vivante pour son fils. Recreuser les anciennes sources de bénédiction des générations passées, cette fidélité est essentielle dans tous les domaines. Mais, je crois qu’elle l’est particulièrement en ce qui concerne la mémoire de nos proches, de cette bénédiction qu’ils ont été pour nous, et qu’ils peuvent être encore. Cette fidélité ne transforme pas Isaac en conservateur de musée, mais il puise, c’est le cas de le dire, dans cette fidélité une énergie créatrice propre pour creuser aussi ses propres puits et à persévérer malgré plusieurs échecs. Et quand vient le succès d’avoir pu creuser enfin un puits nouveau dont il peut effectivement profiter, Isaac continuera à chercher encore à rouvrir d’anciens puits d’Abraham. Il retourne ainsi à Beer-Schéba, le puits du serment, un puits qu’Abraham avait creusé et près duquel il avait pu passer un traité de paix avec Abimélek (Genèse 21 :22-34), un lieu où Abraham a ensuite longtemps séjourné et où il avait coutume de rendre un culte à l’Éternel, l’appelant à cette occasion « le Dieu de toujours ». Isaac repart de là, de ce lieu de mémoire de son père et de la bénédiction qu’il a reçue de Dieu, et cette connaissance que la fidélité de Dieu est au-dessus du temps. La première chose que fait Isaac à cet endroit est de construire un autel pour rendre un culte à Dieu. Puis Isaac commence à creuser avec son équipe pour retrouver le puits. Le récit montre alors que le forage de ce puits et une nouvelle alliance de paix vont se dérouler en parallèle. Oui, l’Éternel est bien le Dieu de toujours, et la bénédiction donnée à Abraham ne s’arrête pas à la mort de son corps. C’est ce que vit Isaac, et à son tour il donne à ce puits le nom de Beer-Schéba. La bénédiction qu’était Abraham du vivant de son corps n’est donc pas morte avec son corps. Sans doute, Abraham est vivant dans l’autre monde, comme le dit Jésus « Dieu n’est pas Dieu des morts, mais des vivants; car pour lui tous sont vivants. » (Luc 20:38). Mais en ce qui concerne Isaac, qui est vivant en ce monde, le fait qu’Abraham soit vivant ailleurs ou non ne change rien au fait que son père est physiquement disparu, il ne le voit plus, il ne l’entend plus, il ne creuse plus de puits en ce monde… et pourtant, pourtant Abraham continuera à être une bénédiction vivante pour Isaac. Pour cela il va falloir que le chemin de cette bénédiction soit recreusé en Isaac. C’est finalement ce que Jésus dit à Marthe quand il lui dit que c’est elle qui peut ressusciter maintenant par la foi, ce qui est mort en elle, ce qui est souffrant ou inerte en elle peut passer de la mort à la vie. Car la bénédiction qu’est une personne ne meurt pas avec la mort de son corps, cette bénédiction peut être enfouie par le désespoir, par la tristesse, ou par l’oubli, mais même alors, cette bénédiction n’est qu’enfouie dans le sable. C’est pourquoi la louange est si importante. Quand au soir d’une journée, par exemple, nous remercions Dieu pour ce que telle personne nous a apporté, parce que, grâce à elle, nous avons pu avancer et recevoir peut-être un supplément de foi, ou d’espérance, ou de capacité à aimer, ou la force de pardonner… qu’importe, si quelque chose en nous est passé un petit peu de la mort à la vie, c’est que cette personne a été une bénédiction pour nous, et si cela a été possible c’est qu’elle était vivante d’une capacité créatrice qui est de l’ordre du divin, du Créateur. C’est agréable et juste de « ruminer » ainsi les belles choses qui nous sont arrivées, mais quand nous y reconnaissons une bénédiction et que nous en remercions Dieu nous gardons alors cet événement d’une double façon : À Non seulement nous avons alors bénéficié d’une bonne chose, mais en méditant dessus et en y reconnaissant une bénédiction de l’Éternel, nous nous laissons créer par Dieu comme source de bénédiction à notre tour. C’est ce que propose Jésus dans ce célèbre passage « Comme le Père m’a aimé, je vous ai aussi aimés, demeurez dans mon amour… Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés… alors ma joie sera en vous. »( Jean 15:9-12) Á Rendre grâce pour la bénédiction qu’a été pour nous une personne est ainsi l’occasion de nous réjouir et de nous laisser créer par Dieu comme source de bénédiction nous-mêmes. C’est le premier bénéfice de la louange, le second, c’est de garder en mémoire le lieu de cette bénédiction pour pouvoir y retourner ensuite. C’est ce que fait ici Isaac. À Beer-Shéba, il avait, avec son père, célébré l’Éternel, le Dieu de toujours, pour sa bénédiction qui est une source de paix. Devant le même problème, assoiffé et tourmenté, Isaac se souvient de cette libération passée. Il retourne sur le lieu de cette bénédiction d’Abraham, et la recreuse. Bien entendu, dans cette démarche, qu’importe le lieu géographique, la question est celle du cœur, de l’ouvrir, et c’est ce qu’il arrivera à faire grâce à la mémoire de son père Abraham, des bénédictions qu’il a reçues de Dieu et de la bénédiction qu’il a été pour Isaac. Ce faisant Isaac s’ouvre à la fidélité de Dieu qui ressuscite en lui cette bénédiction qu’a été et que sera toujours Abraham pour son fils, comme on le voit ici : « Isaac remonta à Beer-Schéba, l’Éternel lui apparut dans la nuit (dans les ténèbres de son existence tourmentée) et Dieu lui dit : Je suis le Dieu d’Abraham, ton père, ne crains pas, car je suis avec toi, je te bénirai, et je multiplierai ta descendance à cause d’Abraham, mon serviteur. Isaac bâtit là un autel, il invoqua le nom de l’Éternel, et y dressa sa tente. Et les serviteurs d’Isaac y creusèrent un puits. » (Genèse 26:23-25) Isaac, encore, rend ici grâce à Dieu, puis il se met très concrètement à travailler, à creuser le sol aride avec son équipe et la paix avec son ennemi semble alors se faire comme par miracle. Jésus, dans le passage où il nous propose de nous laisser créer par l’amour que nous recevons de nos proches, Jésus nous dit que nous recevrons en prime cette joie qui est la sienne, cette paix qui l’habite et qui est plus forte que tout (14:27, 16:33). Effectivement, notre corps, notre pensée, notre cœur nous font la guerre suite à la perte d’un être que nous aimons, avec un manque que rien ne peut combler, devant l’injustice ou l’absurde de ce qui s’est passé, et avec souvent une malheureuse culpabilité. Le projet de Dieu n’est pas de nous faire oublier, ni de nous anesthésier, mais de nous ressusciter, de nous réconcilier avec notre cœur, nos pensées et notre vie et ce monde. Et pour cela, il nous aide à redécouvrir la bénédiction qu’est et restera éternellement pour nous chaque personne que nous aimons. Gloire à toi, Éternel, le Dieu qui est pour toujours la source de la vie. Amen.
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