Serviteurs de la liberté(Actes 12:1-17)(écouter l'enregistrement - culte entier - voir la vidéo ci-dessous) Culte du dimanche 10 avril 2016 Texte de la prédication (vidéo ci-dessous)Chers frères et sœurs, Pierre est mis au cachot. Pierre, c’est celui à qui Jésus a confié ses disciples. Pierre est celui qui a reçu la responsabilité de faire paître le troupeau. Pierre, c’est le responsable, c’est l’autorité sommitale de la communauté chrétienne. C’est le président du Conseil presbytéral qui, quelques temps après son élection, se retrouve pieds et mains liées, sous la surveillance rapprochée de 16 soldats ! Toute ressemblance avec notre vie locale serait purement fortuite. En revanche, si nous ne faisons pas une lecture allégorique qui cherche à tout prix à repérer une personne ou une chose derrière chaque personnage de l’histoire, ce passage du livre des Actes des apôtres a des choses à nous dire sur la condition du conseil presbytéral qui assume, collégialement, la figure de Pierre, non seulement selon le principe du sacerdoce universel, mais selon la constitution de notre Eglise, le texte cadre de l’Eglise protestante unie de France et selon les statuts de notre association cultuelle qui confie au Conseil presbytéral la responsabilité de l’Eglise entre deux assemblées générales. J’aimerais ce matin, alors que vous venez d’être reconnus liturgiquement dans votre ministère local, reprendre cette histoire biblique pour vous faire entendre autre chose que ce que les textes administratifs vous enseignent de ce ministère essentiel à la vie de notre Eglise. Cet enseignement tient un seul mot, le mot le plus beau après celui de « grâce », le mot le plus précieux, peut-être aussi le plus fragile : liberté. Oui, frères et sœurs, au moment où vous ressentez probablement votre responsabilité comme une charge, portée à plusieurs, mais comme une charge tout de même, et je pense tout particulièrement à celui qui a accepté la fonction de président, je veux vous faire entendre que votre ministère est celui de la liberté, que les quatre années qui s’ouvrent devant vous peuvent être marquées du sceau magnifique de la liberté. Liberté de postureAlors que vous voilà coincés dans la geôle des conseillers presbytéraux –le bien mal nommé « parc à huîtres »- prenez Actes 12 comme un viatique lorsque vous vous sentirez acculés à une posture. La première liberté est relative à la posture. Le récit de la libération de Pierre indique que ses chaînes ne le retenaient pas, que la porte n’était pas verrouillée, que les escouades n’étaient pas un obstacle à sa sortie. Et pourtant, Pierre était prostré dans sa cellule, comme un bon prisonnier. Or, le bon conseiller presbytéral n’est pas prostré dans sa fonction. Il n’est pas confiné à une posture. Je veux dire par là que le véritable danger pour un conseil presbytéral, c’est de se contenter de faire ce qu’il pense que les paroissiens attendent qu’il fasse. La question n’est pas de savoir ce que doit faire le Conseil presbytéral de l’Oratoire, la question est de savoir ce que vous avez à faire pour cette communauté. Il ne s’agit donc pas de se conformer à l’idée qu’on se fait du Conseil presbytéral, mais de se libérer des stéréotypes, des images d’Epinal, des fantasmes, probablement, aussi. Individuellement, il ne s’agit pas de se demander quel doit être le choix, la décision d’un Conseil presbytéral de l’Oratoire du Louvre, il s’agit de se demander ce qui est bien, là et maintenant. Vouloir se conformer à une sorte de modèle reviendrait à conditionner vos décisions alors que la conduite de l’Eglise de Jésus-Christ implique un caractère inconditionnel, qui est la qualité de la grâce. Agir en fonction d’autres impératifs que le bien absolu, inconditionnel, des personnes qui vous sont confiées, c’est faire valoir d’autres motifs que ceux qui animent les disciples de Jésus-Christ. Se libérer des postures, c’est se rendre disponible aux défis qui se présentent aujourd’hui et apporter une réponse personnelle, la seule qui vaille. Vous n’avez même pas à vous demander ce qu’il faut dire ou faire en tant que protestant libéral, ce qui serait une autre posture tout aussi contestable. Une nouvelle orthodoxie. C’est justement parce que vous ne serez pas enfermés dans une posture, c’est justement parce que vous ne serez pas prévisibles et donc que vous ne serez pas déterminés par des idéologies ou des systèmes de fidélité, que vous ferez de ce lieu un lieu où la liberté est une réalité, et non uniquement un créneau à occuper, une posture disponible. La seule manière de promouvoir la liberté, c’est d’être libre à l’égard des postures et d’agir par grâce seule. Libre à l’égard de l’histoireUn autre poids qui peut entraver votre ministère est l’histoire de l’Oratoire du Louvre. Pourtant, l’histoire de l’Oratoire ne devrait pas être un poids sur vos épaules. De fait, il s’est fait de grandes choses par le passé, des choses parfois extraordinaires, qui provoquent l’admiration. Mais ce qui a été fait et bien fait n’a pas à être répété, encore moins reproduit. Ceux qui vous ont précédés ont répondu librement aux défis de leur présent. Sans plus. Ils n’ont pas cherché à faire histoire. Ils n’ont pas cherché à faire inscrire leur nom dans la pierre de ces lieux. Ils n’ont cherché aucune autre gloire que celle de l’Eternel. C’est par cet esprit de libre service qu’ils ont accompli ces belles et grandes choses, à commencer par l’édification de cette communauté que vous recevez en héritage et dont il vous appartient de prendre soin, un soin infini. Ceux qui nous ont précédés n’ont pas fait autre chose que Pierre : interprétant les signes des temps, ce qui pourrait être la métaphore de l’ange ; Interprétant ces signes, au regard des enjeux qui se présentaient à eux, ils se sont levés promptement, ils se sont chaussés, ils ont mis leur ceinture et sont allés au devant de leurs responsabilités, comme l’avaient fait, avant Pierre, les Hébreux retenus dans la maison de servitude, justement dans une ambiance de Pâques (Ex 12/11). L’histoire de l’Oratoire ne devrait pas être un poids, mais un capital dans lequel il est toujours possible de puiser, notamment lorsque la mission devient difficile et que nous avons besoin de retrouver quelques repères et non moins d’espérance. Cette histoire ne vous surplombe pas de manière menaçante, elle est votre bien propre ; elle est un évangile qui vous affirme que vous pouvez soulever des montagnes. De plus, l’histoire de l’Oratoire ne devrait pas être un poids dans la mesure où la santé de cette Eglise aurait de quoi rendre admiratifs celles et ceux qui vous ont précédés. Pourquoi ne pas dire que la santé financière de l’Oratoire a rarement été aussi bonne – ce qui n’est qu’une traduction de la véritable vitalité de cette Eglise : ses membres ? Etre libre à l’égard de l’histoire est la condition essentielle pour ne pas se condamner à reproduire ce qui a été accompli autrefois alors que cela n’a peut-être plus aucun intérêt de nos jours. Le principe même de la Réforme, un processus jamais achevé, est ce qui prémunit des répétitions inutiles et ce qui nous garde vigilant à l’égard du présent, la seule chose qui vaille vraiment. Libre du cléricalismeEn disant que la véritable vitalité de l’Eglise réside dans ses membres, cela implique une autre libération, certainement pas la moindre : la libération du cléricalisme, ce cléricalisme qui pourraient renvoyer les hommes et les femmes libres à d’autres geôles, à l’état d’être soumis. Lorsque la liberté a été pensée et transcrite dans des modes de fonctionnement – ce qui a pris le nom de libéralisme- le fondement en était la reconnaissance de la valeur des individus, valeur qui ne devrait jamais être masquée par la valeur de quelques uns. Dans la situation de Pierre, nous voyons que la communauté est agissante dès son arrestation. « Sans relâche la prière montait vers Dieu pour Pierre (v.5) ». Ces prières n’étaient pas des jérémiades, ni ces prières que les catéchumènes eux-mêmes ne feraient pas, ces prières qui ordonnent à Dieu de faire ce qu’il ignorerait ou qu’il n’accepterait de faire qu’à la condition qu’on l’implore. La prière de la communauté est cet ardent désir de vie qui s’exprime, peu à peu, dans des phrases, dans des projets, dans des actions qui nous mettent en route vers la destination voulue. La communauté est une communauté libérée de la mainmise des clercs. C’est une communauté dont la parole est libérée et qui est donc en mesure de prendre ses responsabilités. Elle n’attend pas de savoir ce que le prédicateur a dit de tel ou tel sujet pour savoir ce qu’elle doit en penser. Ce n’est pas une communauté docile qui n’aurait pas d’autre degré de liberté que d’obéir à ce qui lui est prescrit. Le protestantisme peut se targuer d’avoir mis en marche des générations d’individus qui ne se laissaient pas impressionner par le « star system », par ces prédicateurs enthousiasmants, par ces prédicateurs tellement exceptionnels que, pendant l’offrande, les paroissiennes donnaient leurs colliers de perles que les maris allaient ensuite racheter dans la sacristie. Notre protestantisme n’a jamais misé sur quelques uns, mais a toujours fait en sorte que se lève une nuée de témoins. Le protestantisme s’est toujours efforcé de donner la parole à chacun pour que l’Eglise ne soit pas seulement autour de la chaire du pasteur, ce qui serait bien modeste. Se libérer du cléricalisme, c’est permettre à l’Evangile de pouvoir irriguer l’ensemble de la société ce qui est une nécessité absolue de nos jours. Il ne s’agit pas de christianiser la société française, mais de l’évangéliser. Il ne s’agit pas de faire en sorte que tous les français adhèrent à une Eglise, mais que tous les français puissent vivre effectivement selon la qualité d’existence promue par l’Evangile. C’est en étant porteur de l’Evangile là où nous vivons, là où nous travaillons, là où nous nous divertissons, là où nous étudions, que nous pouvons faire obstacle à tout ce qui ronge notre société. L’Evangile nous donne le courage d’être soi en contexte de corruption, en contexte de violence, en contexte d’abus de bien social, en contexte de négligence, en contexte de fascisme, et de ne pas céder à ces périls voire d’y opposer des paroles et des attitudes qui les neutraliseront. D’un point de vue pragmatique, les pasteurs ne peuvent pas être partout. Considérez qu’ils ne sont nulle part, que ce sont des serviteurs inutiles. Considérez qu’ils font comme l’ange, qui sort Pierre de sa torpeur, et qui s’en va dans un autre lieu. Je vous le rappelle, tout cela tient en un mot : liberté ! Si vous voulez accomplir votre ministère, c’est-à-dire être véritablement au service de l’Eglise, alors soyez serviteurs de la liberté. Amen Vous pouvez réagir sur cet article du blog de l'Oratoire,
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Pasteur dans la chaire de
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Vidéo de la partie centrale du culte (prédication à 09:05)(début de la prédication à 09:05) film réalisé bénévolement par Soo-Hyun Pernot Si vous avez des difficultés pour regarder les vidéos, voici quelques conseils. |