L’Éternel face à la crise d’adolescence

(Exode 17:1-7)

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Culte du dimanche 28 juin 2015
prédication du pasteur James Woody

 

Chers frères et sœurs, ce passage biblique nous raconte la crise d’adolescence du peuple hébreu. A quoi reconnaît-on qu’il s’agit d’une crise d’adolescent ? À la réaction de l’adulte responsable, Moïse. Moïse se tourne vers Dieu à la manière des parents d’adolescents qui lèvent les yeux au ciel et disent : « mais qu’est-ce que je vais faire de lui ? »

La crise d’adolescence, un besoin réel

Une angoisse vis-à-vis de l’avenir

Si Moïse est hors de lui, s’il n’en peut plus de ce peuple qu’il a libéré de l’esclavage, c’est parce que les Hébreux n’en finissent pas de se lamenter tout en ne faisant strictement rien pour améliorer ce qui leur cause souci. Ici ils ont soif, mais ils ne vont rien faire pour trouver de l’eau. Quelques siècles plus tard, Moïse aurait très bien pu leur répondre « eh ! bien vous vous levez et vous ouvrez le robinet ! », de même qu’au chapitre précédent, lorsque les Hébreux se plaignaient de ne pas avoir à manger, Moïse aurait pu leur répondre de se lever d’ouvrir le frigo voire, s’il était un peu plus excédé : « si ça ne te convient pas, tu n’as qu’à aller faire les courses. » Le peuple Hébreu est à ce moment de sa construction personnelle qui va le faire passer de la condition d’enfant qui reçoit tout de ses parents, des personnes qui l’entourent, à la condition d’adulte qui se prend en charge, qui agit sur le cours des événements pour obtenir ce qu’il souhaite. Le peuple Hébreu est à ce moment de la vie que nous appelons adolescence et qui consiste notamment en une prise de conscience de besoins vitaux auxquels il faut satisfaire et qui ne sont pas seulement manger et boire, s’habiller, avoir un toit. Il découvre la nécessité de s’organiser, de se prendre en charge et de faire face à des problèmes qui, jusque là, étaient le domaine réservé des parents.

Le peuple hébreu a soif. Cette soif, ce n’est pas seulement une question physiologique. Il n’est qu’à aller à l’autre bout du texte, lorsque Moïse tape sur le rocher pour en faire sortir une eau désaltérante pour comprendre que l’eau n’est pas de l’eau au sens de H3O+ + OH-, de même que leur soif ne se limite pas à la soif d’une boisson fraîche. Le peuple a soif de ce qui fait la vie dans son aspect le plus intime. Le peuple Hébreu a soif comme les adolescents ont soif de vivre, ce qui s’exprime d’abord par un grand manque. L’adolescent manque de tout ou, plus exactement, il ne sait pas où trouver ce dont il a profondément besoin, alors que l’eau est là, à proximité, il n’y a qu’à faire quelques pas et agir. Les adolescents ont besoin d’être rassurés sur l’avenir, sur leur avenir. Car ils ont bien conscience que c’est leur vie qui est en jeu ici. « pourquoi nous as-tu fait sortir d’Egypte, pour nous faire mourir ? » Les adolescents se sentent menacés ; même s’ils essaient de montrer une grande assurance face à leurs parents, rien ne va de soi ; l’avenir n’a rien d’assuré, bien au contraire ; tout est menace ; rien ne va comme ils voudraient ; tant de choses leur résistent – à commencer par les résultats scolaires qui ne peuvent être bons qu’à la condition qu’on donne de sa personne.

L’adolescent est sur le point de sortir de la pensée magique qui pose qu’il suffit de penser à quelque chose, de prier, pour que cela arrive. Mais pour franchir cette étape décisive, il doit passer par ce moment affreux, angoissant au possible, de lâcher cette pensée magique qui l’assurait du bonheur total pour faire l’apprentissage de la liberté réelle qui consiste à être responsable. Toute transition est difficile car il s’agit de lâcher la certitude de ce que nous avons pour s’en remettre à l’espérance de ce qui est possible. Ce passage si délicat nécessite de sérieux points d’appui.

Le doute vis-à-vis des adultes

Dans ce texte, Moïse tient lieu de point d’appui. C’est la raison pour laquelle les Hébreux vont s’en prendre à lui. Lorsque Moïse affirme qu’ils vont finir par le lapider, nous retrouvons la réalité vécue par ces parents qui disent qu’ils se font crucifier par les adolescents. Par attaques frontales successives, les adultes sont le vis-à-vis sur lequel on se construit de manière paradoxale. A la fois les adolescents ont besoin des ressources des adultes et, dans le même temps, ils doivent se mettre à voler de leurs propres ailes, s’affranchir des parents, agir d’eux-mêmes, se lancer dans l’aventure de la vie. Avant de quitter le nid familial, les adolescents ont besoin de leurs adultes comme de bases arrière dans lesquelles ils peuvent avoir confiance pour se réfugier en cas de problème. Et, pour fonder cette confiance qui ne saurait être aveugle, ils ont besoin de tester les parents ; ils ont besoin de vérifier qu’ils sont fiables, qu’on peut compter sur eux en cas de coup dur. Ce que nos traductions appellent « tentation » pourrait tout aussi bien être rendu par « test ». Mettre quelqu’un à l’épreuve, c’est vérifier qu’on peut compter sur lui. Voilà ce que font les Hébreux. Ils contestent Moïse et, ce faisant, ils testent l’Eternel (v. 2).

Si Moïse semble craquer un peu, prêt qu’il est à envoyer tous ces adolescents au prytanée militaire, l’Eternel tient bon et va conseiller Moïse avec sérénité. La réaction de l’Eternel consiste à affermir Moïse dans sa démarche pédagogique. La prière ne produit pas une résolution immédiate du problème, mais nous permet de mieux orienter notre réaction.

Eduquer c’est convaincre du bien fondé de l’avenir

« Traverse » devant le peuple est la première consigne (v. 5). Ce verbe « ‘aBaR » qui donnera « Hébreu » est une invitation à réinvestir l’identité du peuple, à ne pas être dans une logique de face-à-face, mais de compagnonnage. Ce verbe est aussi une invitation à traverser, ce qui pourrait se traduire par « transcender », les faces du peuple, autrement dit à leur offrir une autre représentation d’eux-mêmes. L’Eternel demande à Moïse de transfigurer le peuple, de lui permettre de se penser autrement. C’est la métamorphose du vilain petit canard en un somptueux cygne qui est en jeu ici. Aide le peuple à franchir cette nouvelle étape de son histoire, aide-le à traverser les prémices du Jourdain à venir, pour faire un pas de plus vers la Terre promise. Rejoindre et dépasser. Renouer le lien et donner plus à espérer.

A la fin de ce verset, le verbe « HaLaKh » qui signifie « aller », nous met aussi sur la piste du chemin de la loi, la Halakha, qui est l’interprétation de la Torah, l’appropriation de la loi. Il s’agira d’éduquer au sens de faire cheminer le peuple de telle manière qu’il intègre la loi, ce qui est une condition pour devenir adulte. Entre les deux, conseil de famille avec les anciens et prise du bâton avec lequel il avait frappé le Nil. Cela rappelle que la communauté éducative vaut mieux que le face-à-face stérile. Quant au bâton, il fait référence à ce moment où Moïse devait convaincre le pharaon du bien fondé de son projet (Ex 7/20). Frapper le Nil pour en faire un fleuve invivable était une démonstration de force pour confirmer que l’avenir appartenait bien à Moïse et aux siens. Face à l’angoisse de ce peuple d’adolescent, Moïse est invité à brandir une nouvelle fois ce bâton, à en frapper un rocher sur lequel se tient l’Eternel, c’est-à-dire un autel qui assure la communion entre l’homme et l’Eternel, entre nous et notre accomplissement.

Redire autrement l’horizon vers lequel notre vie peut nous conduire. Traduire à nouveau le sens que peut avoir la vie, pour ce peuple d’adolescent apeuré par son avenir, ce peuple qui a l’impression de se faner, d’être incapable de la moindre floraison, incapable du moindre bon fruit. L’Eternel inspire Moïse dans son rôle éducatif pour reformer une communauté positive autour de ces jeunes Hébreux qui se dessèchent. Et l’eau jaillit, l’eau vive vient étancher la soif de ceux qui n’arrivent pas encore à s’abreuver à la source de la liberté et qui ont besoin d’être pris en charge, encore un peu, avant de pouvoir se prendre en main et de faire histoire, leur propre histoire.

Ce lieu a été nommé Massa et Meriba, ce qui signifie « tentation » et « contestation ». Ces noms ne sont pas péjoratifs ; ils ne sont pas le souvenir d’un moment funeste de l’histoire du peuple hébreu, de même que l’adolescence n’est pas un moment de notre vie qu’il faudrait oublier ou dont il faudrait avoir honte. Ces noms inscrivent dans notre mémoire l’impérieux besoin de tester nos points d’appuis et d’entrer en débat avec ce qu’on nous propose comme une évidence qu’il faudrait accepter sans broncher. En ne s’en tenant pas qu’à ses instincts, en ne s’en tenant pas qu’à ses réactions épidermiques, Moïse répond favorablement à ces sollicitations en rejoignant les hommes et les femmes dans leurs préoccupations fondamentales, en les transfigurant de telle manière qu’elles se portent sur ce qui est à venir, sur toutes ces promesses que contient la vie, sur cette richesse en abondance qu’elle recèle dans ces lieux de communion avec l’Eternel, figuré ici sous la forme d’un rocher qui rappelle le mont Horeb, le lieu du dialogue intime avec l’ultime, le lieu de la rencontre entre le fini et l’infini, le lieu où notre angoisse se métamorphose en confiance dans nos capacités à nous tenir sur la terre des hommes libres.

Quelle belle période que l’adolescence qui laisse entrevoir les charmes incommensurables de la vie débridée.

Amen

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Pasteur dans la chaire de l'Oratoire du Louvre - © France2

Pasteur dans la chaire de
l'Oratoire du Louvre © France2

Lecture de la Bible

Exode 17:1-7

Toute l’assemblée des enfants d’Israël partit du désert de Sin, selon les marches que l’Eternel leur avait ordonnées; et ils campèrent à Rephidim, où le peuple ne trouva point d’eau à boire.

2 Alors le peuple chercha querelle à Moïse. Ils dirent: Donnez-nous de l’eau à boire. Moïse leur répondit: Pourquoi me cherchez-vous querelle? Pourquoi tentez-vous l’Eternel?

3 Le peuple était là, pressé par la soif, et murmurait contre Moïse. Il disait: Pourquoi nous as-tu fait monter hors d’Egypte, pour nous faire mourir de soif, moi, mes enfants et mes troupeaux?

4 Moïse cria à l’Eternel, en disant: Que ferai-je à ce peuple? Encore un peu, et ils me lapideront.

5 L’Eternel dit à Moïse: Passe devant le peuple, et prends avec toi des anciens d’Israël; prends aussi dans ta main ta verge avec laquelle tu as frappé le fleuve, et marche!

6 Voici, je me tiendrai devant toi sur le rocher d’Horeb; tu frapperas le rocher, et il en sortira de l’eau, et le peuple boira. Et Moïse fit ainsi, aux yeux des anciens d’Israël.

7 Il donna à ce lieu le nom de Massa et Meriba, parce que les enfants d’Israël avaient contesté, et parce qu’ils avaient tenté

Traduction NEG