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Bulletins de l'Oratoire > N°787 de juin 2011

 

Vivre entre mémoire et oubli

Introduction

L'homme biblique est un homme tiraillé. Il est tiraillé entre ses habitudes et les appels de Dieu. Il est tiraillé entre le déjà là et le pas encore du Royaume de Dieu. Il est tiraillé entre le travail de mémoire qui lui permet de savoir d’où il vient et la nécessité de se projeter dans l’avenir pour vivre et non ressasser l’histoire ancienne. A sa suite, nous sommes tiraillés de la même manière. Nous avons à notre disposition des archives bibliques qui nous ramènent à un passé de la foi et nous sentons bien que la foi au Dieu vivant nécessite une foi vivante qui ne peut pas être simplement la copie exacte du passé.

Le rabbin Marc-Alain Ouaknin récapitule ce double mouvement avec une formule qu’il emprunte à Rabbi Nahman de Braslav : « Souviens-toi de ton futur ». Nous y retrouvons à la fois le lien au passé et l’attirance vers l’avenir. Comment faire tenir les deux ensemble ? Comment faire droit au passé sans en devenir le prisonnier, sans en être malade ? Comment aller de l’avant sans se priver de la richesse de l’expérience de ceux qui nous ont précédés ? « Souviens-toi de ton futur » fait écho au thème du mémorial dans la Bible. Se souvenir, faire mémoire, ce n’est pas répéter ce qui a été dit, pensé ou fait autrefois, mais utiliser le passé pour construire l’avenir. Par exemple, lorsque les Hébreux entrent en Terre promise après avoir traversé le Jourdain, des pierres sont déposées au milieu du fleuve pour servir de mémorial et permettre le questionnement des anciens par les plus jeunes : « et quand vos enfants vous demanderont ce que signifient ces pierres, vous leur direz… ». Ce qu’il y a à dire, c’est que Dieu agit aujourd’hui avec la même bienveillance qu’autrefois. Le travail de mémoire consiste donc à tirer les leçons du passé pour vivre plus facilement le présent et envisager l’avenir avec plus de confiance.

« Souviens-toi de ton futur » pose la question du souvenir, de la mémoire, mais en la mettant au service de la vie à venir. N’oublie pas de penser à ton futur, ne sois pas obsédé par le passé, surtout s’il a été dramatique par bien des aspects. Ne pas oublier son futur passe par l’oubli d’une part du passé car se décharger de cette part du passé est une manière de faire de la place pour autre chose, de nouvelles expériences, de nouvelles aventures, la vie nouvelle que Dieu nous aide à faire germer. Mais est-il seulement possible d’oublier, volontairement ? Peut-on oublier quelque chose délibérément, l’effacer de sa mémoire ? L’expérience montre que plus on veut oublier, plus on se souvient au point que plus on veut passer à autre chose plus on est obsédé par ce que l’on veut quitter, oublier. Alors, comment faire ? Peut-être en suivant Dieu qui adopte une position médiane lorsqu’il déclare qu’il ne fera pas mémoire de la faute de son peuple.

On ne peut pas oublier sur commande, mais on peut décider de ne pas rappeler certaines choses, de ne pas tout commémorer, de faire un droit d’inventaire. Au devoir de mémoire qui a été préconisé par les historiens à la suite de la seconde guerre mondiale, il semble préférable de réaliser un travail de mémoire qui hiérarchise les faits, qui les met en relation, qui fait dialoguer les souvenirs et les gardiens de la mémoire. Dans ce dossier, de nombreuses voix s’expriment pour exposer quelques convictions en la matière et nous aider à établir notre propre inventaire, à naviguer entre mémoire et non-souvenir, à défaut d’oubli. Le travail de notre mémoire pourra ainsi s’exercer sur un mode critique. « Se souvenir de son futur », c’est ne pas laisser notre avenir à l’abandon, ne pas faire aujourd’hui des choses irréversibles qui amputeraient nos lendemains. C’est aussi puiser dans l’histoire les souvenirs qui nous permettront d’écrire une poétique de l’action pour aujourd’hui et pour demain.

James Woody

Le culte à l’Oratoire
entre fidélité et recherche

Pour vivre, il semble que nous ayons besoin à la fois d’une peu d’identité et d’un peu d’utopie. Pour parler autrement, il nous faut une part de fidélité avec ce que nous étions hier et de fidélité aux générations précédentes. Il nous faut également une part de recherche, d’audace, de nouveauté, en un mot une part de réforme.

La fidélité et la recherche prennent appui l’une sur l’autre et se relativisent l’une l’autre. Si nous n’avions pas cette part de fidélité avec le passé, nous devrions tout réinventer à chaque génération et chaque jour, la roue, le feu et même le langage. Sans cette part de fidélité, notre trajectoire risquerait de ressembler à celle d’une mouche enfermée dans une pièce, avec une course chaotique, faite de virages brusques sans cohérence, course qui ne mène pas bien loin. D’un autre côté, si nous n’avions pas une part de recherche, nous serions comme morts, sclérosés dans nos rites, nos dogmes, nos habitudes, nos préjugés. Il y aurait une part d’orgueil à se croire ainsi dans une fidélité parfaite à laquelle il ne faudrait rien changer. Il y a une part de peur aussi à prendre le risque de changer un peu.

Et pourtant, pour marcher, il faut bien prendre le risque d’un léger déséquilibre, lever un pied, le lancer vers l’avant avec pour seul appui l’autre pied qui reste en contact avec le sol. Il semble qu'il en soit de même pour notre cheminement personnel. Nous avons besoin d'un enracinement solide et nous avons besoin d'un élan, d'une prise de risque vers l'avant.

Que dire alors d’une église comme l’Oratoire et de cette sensibilité progressiste ou libérale qui est la nôtre ? Cette dimension se situe effectivement dans un effort de recherche biblique et théologique. Ce questionnement est un effort mais aussi une joie quand on y prend goût. Mais cette recherche ne fait pas table rase du passé, elle s’appuie sur la Bible et sur deux à trois millénaires de débats autour de ces textes, elle s’ouvre aussi sur la philosophie et la culture.

Dans notre culte, le pôle de nouveauté se situe dans la prédication, dans l’approche que nous faisons de textes difficiles, ou d’une approche nouvelle d’un texte bien connu. La nouveauté se situe aussi dans la grande liberté laissée à chacun de penser ce qu’il veut après avoir entendu la prédication, cette liberté de chaque fidèle donne une grande liberté au prédicateur, qui peut ainsi parler avec sincérité. Il évite de jouer sur l'ambiance ou la sensiblerie afin d’éviter au maximum de manipuler les auditeurs.

Le pôle de nouveauté se situe ainsi dans le souffle de liberté personnelle. En contrepoint, le pôle de stabilité qui relie aux générations qui nous ont précédés est inscrit dans la liturgie, c’est-à-dire dans l’ordre du culte faisant alterner des lectures, des prières et des chants. Notre liturgie est délibérément classique et recueillie. Le pasteur en robe et en chaire, les grandes orgues rythment le culte et accompagnent des psaumes du XVIe siècle, les prières sont en majorité anciennes, bien connues ou tirées de la Bible elle-même.

Le catéchisme donné aux enfants et aux jeunes trouve sa part de fidélité dans un travail assez approfondi de la Bible et de la théologie ce qui demande un effort aux enfants et aux jeunes. La liberté a effectivement un prix, celui de devoir penser par soi-même, cela demande une certaine connaissance de base et une certaine gymnastique de réflexion… La part de recherche commence pour chaque jeune dans sa participation aux débats qui ont lieu tout au long des séances, mais bien plus encore dans la liberté que chacun aura alors d’avoir un sens critique en ce domaine, et donc une capacité à se forger ses propres convictions.

Quelle part de stabilité et quelle part de nouveauté sont justes ? Cela dépend bien entendu de chacun à un moment donné de sa vie, cela dépend de chaque église, de chaque couple, de chaque situation, mais dans sa parabole de la brebis perdue et retrouvée, Jésus nous propose comme projet pour aujourd’hui de partir à la recherche de 1% et de laisser tranquille les 99%, sous la grâce de Dieu.

Marc Pernot

Le pardon entre la mémoire et l’oubli

« Pour se lier par la promesse, le sujet de l'action devait aussi pouvoir se délier par le pardon. » Paul Ricœur, La Mémoire, l’Histoire, l’oubli, Paris Seuil 2000, p.595

Je propose de prendre le pardon comme tête chercheuse des passages entre mémoire et oubli. Jésus ne dit-il pas que « ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux »" (Mat 16.19, version Segond 1910). Je ferai ici le rapprochement du « lier » avec la promesse qui est la mémoire persévérante d’un engagement tourné vers l’avenir imprévisible, et du « délier » avec le pardon qui rompt avec le passé irréversible pour rouvrir un présent nouveau, inattendu et inédit. Il n’est pas usuel de faire du pardon un thème de déliaison et de la rupture, et pourtant c’était déjà le titre du volume que j’avais consacré à ce thème aux éditions Autrement en 1992 : Le pardon, briser la dette et l’oubli. L’idée est qu’il faut pouvoir rompre avec une mémoire excessive, maladive, obsédante, un perpétuel ressentiment du passé, comme il faut pouvoir rompre avec un oubli excessif, le refoulement et le déni du passé. Ce double pouvoir, qui n’a rien de magique, est celui du pardon, qui est d’abord et simplement une parole. Le pardon, tant demandé qu’accordé, rompt avec le silence.

Tant d’une part que l’on n’a pas brisé le couvercle de l’amnésie, du « faux oubli », les crimes passés ne sont pas finis, les plus vieilles blessures sont prêtes à se rouvrir. Peut-on oublier l’irréparable? Le passé oublié est toujours présent, il se répète, il se reproduira encore. Nous sommes ici sur le versant freudien de l’analyse des échecs de la mémoire et de l’oubli. L’horreur n’est pas finie parce qu’elle est « oubliée », elle se poursuivra infiniment tant qu’une parole n’aura pas rompu avec l’oubli et accepté de faire mémoire. Le pardon est un acte historique parce qu’il arrête la continuation du passé dans le présent. C’était déjà la remarque d’Hannah Arendt que le pardon réintroduit de l’imprévisible face à l’irréversible.

Mais d’autre part il faut rompre avec la « fausse mémoire » comme on a rompu avec le « faux oubli », parce qu’il y a un point à partir duquel la mémoire n’est plus que ressentiment, comme l’oubli n’était qu’amnésie. Peut-on vraiment se souvenir de l’irréparable ? Dans la logique de la dette perpétuelle apparaît une mémoire malade, incapable d’oublier ni d’effacer, et donc incapable de se souvenir d’autre chose, ni de voir venir les nouveaux périls. Nous sommes ici sur le versant nietzschéen et deleuzien de l’analyse des échecs de la mémoire et de l’oubli. Le ressentiment fait que l’on réagit à tout comme s’il s’agissait toujours de la même chose, que tout réactive. Il rend incapable de réagir à autre chose ; il rend incapable d’agir, simplement, à nouveau. Le pardon est alors un acte historique, parce qu’il fait que le monde ne soit pas fini.

Les deux faces du problème se tiennent en respect, et il faut pratiquer et penser cette double déliaison, ce délicat zigzag entre les deux difficultés. Le pardon n’est pas magique, disions nous, et suppose un certain nombre de conditions : 1) Nul ne peut se pardonner à soi-même.

2) Il ne peut être pardonné qu’à "celui qui" a reconnu son tort, et personne ne peut se repentir à sa place. 3) Celui qui pardonne doit être "celui qui" a subi le tort, et nul ne peut usurper cette place. 4) On ne peut pardonner que ce qu’on peut punir, etc. Mais il n’est pas automatique non plus, on n’est jamais sûrs que cela marche. Même quand on a réuni toutes ces conditions (qui sont d’ailleurs discutables), on n’est jamais assurés que la parole va se frayer un chemin et bouleverser la situation. On le voit, il n’est pas si facile de « délier ». Le pardon est une parole résistible, incertaine, et confiée aux autres qui peuvent la relever ou la laisser se perdre. Mais quand cette parole d’ailleurs discrète, presqu’inaudible parfois, introduit son zigzag entre nos mémoires et nos oublis, elle embrouille les partages trop faciles et nous laisse bouleversés de reconnaissance, libérés d’un passé qui ne parvenait pas à passer, et capables à nouveau du présent. Capables de promettre et d’accueillir les promesses.

Olivier Abel

 

Lorsque l’équilibre entre mémoire et oubli est rompu…

Certaines personnes se souviennent de tout, comme Funes dans le conte de Borges. Tout ce qu’elles ont vécu, tout ce qu’elles ont fait, tout ce qu’on leur a fait….et ces personnes ne peuvent pas vivre, leur mémoire encombrée n’a plus de place pour de nouvelles expériences. D’autres ne se souviennent plus de rien, les faits récents ne s’impriment plus, les très anciens disparaissant ensuite…Ce sont ces troubles de la mémoire qui nous montrent, par excès ou par défaut, que nous vivons d’un accordage perpétuellement en mouvement entre ce dont nous nous souvenons, et ce que nous oublions.

Mais ni l’un ni l’autre ne sont des mécanismes automatiques et faciles. Si la Bible est parsemée de « Zakhor » (souviens-toi), c’est qu’elle cherche à aider les Juifs en inscrivant leur histoire. Car seuls les événements inscrits avec des mots, dans la mémoire des hommes, des familles et des peuples peuvent être assimilés puis oubliés, digérés, pourrais-je dire, afin que leur représentation ne prenne pas trop de place dans la mémoire, tout en les enrichissant, les maintenant à disposition en cas de besoin.

Ce qui nous encombre, c’est ce qui ne peut pas être « oublié ». Les événements traumatiques, qui ne peuvent se raconter avec des mots, ce sont ceux-là qui encombrent les mémoires des individus et des familles. Des violences ont attaqué le corps de l’individu, lui faisant « voir la mort en face », et /ou des trahisons ont attaqué son psychisme, dégradant soit sa dignité individuelle, soit la dignité de sa famille, du groupe auquel il appartient. La psychanalyste Françoise Davoine paraphrase ainsi Wittgenstein : « ce qui ne peut se dire, on ne peut pas le taire ». Car « ça » s’exprime autrement, sans mots, mais de façon agie, éternellement répétitive. Et, essayant de dépasser les éléments traumatiques, le psychisme les remet en scène de façon plus ou moins masquée, ou évite cette zone infiniment douloureuse. Cela se traduit par des comportements qui paraissent étranges, dénués de sens aux individus eux-mêmes, justement car le sens en est insoutenable. Le résultat en est une déperdition, un appauvrissement psychique, une rigidité qui empêche individus et familles de s’adapter, de jouir du moment présent, tout en regardant l’avenir avec confiance : ils ont « La tête à l’envers » (R.Neuburger)

La solution ? Elle passe toujours par la mise en mots, avec l’aide d’un autre humain ; car ce qui a été effondré dans la dignité de l’individu, ou de ses ascendants, ne pourra être restauré qu’avec l’aide d’un « Therapon », dans le sens premier de ce mot grec, « l’autre », le compagnon de route, Patrocle pour Achille, Don Quichotte pour Cervantès, les autres anciens combattants pour les guerriers, souvent un psy aujourd’hui, où le tissu social s’est distendu. A condition que ce psy connaisse bien les deux conditions de la prise en charge des traumatismes, d’abord reconnaître et dire qu’il constate qu’il y a eu trauma, soutenir la personne dans ce très éprouvant travail de mise en images et en mots de ce qu’elle a vécu. Puis, l’inscription faite, lui permettre de repartir dans une vie normale (et non une survie) avec ce chapitre clos, donc rangé, voire oublié.

Anne-Catherine Pernot-Masson,
pédopsychiatre.

 

Se souvenir est vouloir vivre
Bicentenaire du temple de l’Oratoire

Wilfred Monod

Un ouvrage accompagnera l'exposition, afin d'illustrer par le texte et l'image l'histoire de l'édifice et celle du protestantisme parisien, qui y est installé depuis 1811 : un monument exceptionnel dont l'architecture a été récemment reconsidérée, une heureuse affectation de l'édifice qui consacre les nouveaux rapports institutionnels entre les Réformés et l'Etat, un bilan de deux siècles de protestantisme parisien, de la Révolution jusqu'à nos jours : l'évolution qui va du Consistoire à la création des paroisses, l'évocation de grandes figures pastorales, l'axe majeur du libéralisme, à la fois réflexion théologique et christianisme ouvert sur le monde : l'ouvrage abordera l'histoire de l'enseignement primaire, traitera des œuvres sociales, en particulier de la Clairière créée en 1911 par le pasteur Wilfred Monod et qui célèbre son centenaire ; il évoquera les mouvements de jeunesse, les activités paroissiales, les manifestations culturelles, où la musique joue un rôle essentiel. Une vingtaine d'auteurs ont apporté leur contribution à ce livre, qui paraîtra en septembre 2011 aux éditions "Labor et Fides".

 

Philippe Braunstein

Ce livre peut se lire comme le révélateur de réalités multiples qui s’emboîtent les unes dans les autres, se contredisent parfois, s’appellent et se répondent. Nous sommes en France assurément, dans sa ville capitale et son cœur même. En son centre géographique et symbolique, entre Louvre et Halles. Il s’est joué là bien des drames et des tragédies, il s’y est donné bien des fêtes, des célébrations et cérémonies.

Si le temple de l’Oratoire est au cœur de Paris, le protestantisme a aussi pris une place essentielle au cœur de l’histoire de la France : il l’a prise au temps des Valois, quand le culte réformé fut célébré au Louvre dans la salle des Caryatides. Certes, la monarchie ne tint pas longtemps la balance égale entre des confessions antagonistes et, par delà l’atrocité des guerres religieuses, elle se fit fort de garantir la paix civile au prix d’un combat constant contre la liberté de penser et de croire. Mais lorsque la Révolution affirma plus tard que « la loi est l’expression de la volonté générale », c’est pour une part l’esprit de la Réforme qui était passé avec la foi dans les Lumières.

Il est désormais libre à chacun de consulter son cœur et l’Ecriture, mais nul ne peut prétendre imposer à tous une loi divine ni abolir l’écart entre la quête spirituelle et le droit. La loi que les hommes se donnent n’a pas le caractère d’un dogme, car elle est toujours à réformer : cette idée, loin d’être acquise partout dans le monde, peut susciter encore de beaux combats à livrer !

En 1811, la Révolution est close, mais elle est sauve dans quelques principes fondamentaux qu’elle a inspirés une fois pour toutes. Même s’il faut attendre la fin du siècle pour que la France trouve enfin sa stabilité dans la République.

L’Oratoire entame à cette date sa carrière protestante et va traverser tous les âges de la présence publique d’un culte en France. Culte reconnu par l’Etat, et dans un lieu de mémoire où s’élèvent des controverses théologiques, où se livrent des luttes d’influence, où se développent des initiatives éducatives, culturelles et sociales. Ce livre en traite largement, ainsi que la séparation des Eglises et de l’Etat et de l’épreuve des deux guerres ; de notre temps enfin, auquel une belle place est ici faite.

Pour rappeler, bien sûr, que se souvenir est vouloir vivre, mais aussi que le culte est et demeure plus que jamais un bien public. Les prédications qui se donnent à l’Oratoire fortifiant le cœur croyant, mais aussi l’esprit critique, invitent à lire l’Ecriture comme un lieu de rencontre mystique, mais aussi comme un appel à la connaissance et à l’interprétation. L’édification du croyant édifie l’homme : et l’on voudrait nous faire croire qu’elle n’édifie pas le citoyen ? Les concerts qui s’entendent à l’Oratoire, les conférences qui s’y déroulent, les soutiens qui s’y dispensent, les repas qu’on y partage, tout cela ne ferait pas vivre et mieux vivre notre cité ?

« Il faut une maison pour mettre la prière », écrit Victor Hugo ; le nom même de l’édifice où les protestants ont succédé aux Oratoriens nous convient fort bien ; paradoxe cependant, car le protestant ne connaît de temple que son for intérieur et le cercle fraternel de la Cène partagée. Mais l’Oratoire d’aujourd’hui accepte avec gratitude l’héritage du passé, à commencer par ce monument qui n’aurait pas vu le jour sans l’énergie des Oratoriens au début du XVII° siècle et qui ne lui aurait pas été accordé en 1811 sans le soutien du préfet Frochot.

Lieu d’une mémoire renouvelée, puisqu’il n’est pas séparable de la figure de Coligny, dont la statue, à son chevet, demeure songeuse entre la Religion et la Patrie, la piété et la force.
Ce qu’exprime l’Oratoire dans la magnificence de son architecture, c’est un style classique dans l’ordre du culte, c’est un lieu où l’on ne se sent prisonnier d’aucune famille étroite, en raison de sa diversité sociale étonnante ; un lieu profondément libéral parce qu’il est évangélique, ouvert à tous, si ouvert et si public qu’il est aussi secret et propice au recueillement. Aujourd’hui, l’Oratoire va au-devant de quiconque se présente dans cette nouvelle forme d’Eglise, c’est-à-dire d’appel, que peut constituer internet et qui se passe bien des pierres !

Gaspard de Coligny

Président du Conseil Presbytéral de l’Oratoire du Louvre au moment de son bicentenaire réformé, je ne peux que remercier nos pasteurs et tous ceux qui ont fait de ce passage un moment de vie renouvelée par les expositions et les manifestations. Grâce aux auteurs de ce livre et à Philippe Braunstein qui les a rassemblés, quelque chose restera, relancera le goût de la recherche comme celui de l’engagement.

Oui, si l’Oratoire est au cœur de Paris, comme le protestantisme est au cœur de l’histoire, souhaitons qu’il contribue, avec d’autres, à être le sel de la terre qui donne le goût de vivre.

Philippe Gaudin

Témoignages

"  Register "... toujours!

On l'appelait Desubas, son nom était Mathieu Majal. Il était pasteur, il fut pendu le Ier Février 1746  à Montpellier.

Cette mémoire, entretenue dans la famille, transmise par mon grand- père et mon grand-oncle, pasteurs en France et en Suisse, constitue un socle identitaire qui forge une certaine façon d'être au monde.

Mais attention que la commémoration, cette lutte contre l'oubli, qui reconnait le courage, la force du témoignage ,la vie risquée dans l'acte d'annoncer l'évangile, par ceux qui en sont morts, ne devienne pas une sorte de cérémonie patriotique des protestants!

La commémoration du droit d'exister et d'exercer leur liberté de conscience pour les protestants (et les juifs) au début du 19eme siècle, me donne (et nous donne) le devoir de ne pas avoir la mémoire courte, et celui de perpétuer la résistance à l'intolérance, l'indifférence et l'injustice ,au  21e siècle!

Francoise Majal

 

Le nécessaire devoir de mémoire

Commémorations, célébrations, anniversaires, jubilés, la France serait la championne du monde des cérémonies commémoratives. Des plus justifiées aux plus futiles, en passant par les plus incongrues, il faut bien l’admettre. Ainsi, cette année a-t-on échappé de justesse à la célébration quasi officielle du 50ème anniversaire de la mort de Céline, l’écrivain antisémite, laudateur du régime nazi. Mais on n’évitera pas, semble-t-il, une grosse opération commerciale destinée à fêter les 125 ans du…Coca-cola.

En revanche, le souvenir de la Shoah et de tous les massacres programmés de la Deuxième Guerre mondiale, est-il commémoré avec suffisamment de solennité ? Une journée du « Souvenir des Déportés » programmée en avril, mais fort peu médiatisée, cela suffit-il vraiment pour que toutes ces horreurs imprescriptibles ne sombrent pas dans l’oubli ? Qu’en sera-t-il lorsque les ultimes survivants auront disparu et qu’il n’y aura plus de témoins de l’indicible pour accomplir l’indispensable devoir de mémoire auprès des jeunes générations. C’est ainsi que la commémoration prend tout son sens.

Pensons-y lorsqu’en octobre prochain nous célèbrerons le 200ème anniversaire de la dévolution de l’Eglise de l’Oratoire au culte protestant. Deux siècles plus tard, nous sommes en pleine actualité car nos ancêtres, eux aussi, ont été des « sans lieu de culte ». Réduits à des assemblées intimes, clandestines et non sans danger. C’était « le temps d’une Eglise sans murs, ni toit », comme l’écrit si bien « Réforme » pour annoncer le centenaire de l’Assemblée du Désert. Le lieu de mémoire de tous les protestants auxquels même la rue était interdite pour exprimer leur foi. Il faut savoir s’en souvenir : la liberté de conscience n’a jamais été un long fleuve tranquille.

Alors, «vous ferez ceci en commémoration de moi », comme le demande Calvin dans l’ « Institution de la religion chrétienne ».

Roger Pourteau

Voici quelques mots afin de partager mon histoire familiale. Je suis une jeune femme, née en France et d'origine arménienne ...

On peut dire que chez nous, la Mémoire est une seconde nature !!
J'ai grandi dans l'environnement d'une grand-mère, Anna, qui a survécu au Génocide, miraculée. De son Arménie natale, Anna a fait un long chemin qui s'est terminé aux Etats-Unis en 1984.

Mon grand-père, Tavid, a survécu lui aussi aux massacres - et malgré les horreurs, il est tombé fou amoureux de ma grand-mère, Anna, dans un camp de réfugiés de la Croix Rouge, en Syrie ! Ils ont eu 5 enfants ensemble ! Le sens de la commémoration me permet de garder un lien avec toutes les victimes du Génocide Arménien en général

La mémoire, elle, elle m'est capitale afin de prier pour tous les membres de ma famille qui ont péri si cruellement ; prier aussi pour ceux qui nient encore aujourd'hui la réalité des faits...
Cette mémoire ne m'est pas "encombrante", elle est un véritable Trésor.

Un Trésor pour aller de l'avant dans la Vie. Cela me permet de relativiser les petits bobos du quotidien, de connaître la valeur de la vie, d'Aimer tous ceux qui me sont proches.
L'Amour de mon grand-père et de ma grand-mère est un exemple de vie pour moi. Malgré les pires horreurs et douleurs : l'Amour triomphe au-delà de tout.

Bien amicalement,

Estelle Engrand

abside de l'Oratoire du Louvre

L’Abside de l’Eglise de l’Oratoire vers 1850
Aquarelle sur traits à la mine de plomb Gallica, collection Hippolyte Destailleur

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couverture du bulletin

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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