Le pasteur Tommy Fallot (1844-1904)
peut être présenté comme le fondateur du christianisme
social. Il donne en 1878 dans son église de la Chapelle
du Nord à Paris onze prédications sur le Notre Père
qui marquent l'apparition, pour le protestantisme français,
du christianisme social. On trouve là déjà
les grands thèmes du mouvement : le combat pour la réalisation
du Royaume de Dieu, l'importance d'une réflexion théologique
consacrée aux questions sociales, la volonté d'une
lutte contre les injustices, l'influence et le retentissement
du milieu social sur l'univers religieux. Il sera président
de l'Association protestante pour l'étude pratique des
questions sociales, association qui deviendra en 1888 le mouvement
du Christianisme social.
À la suite de Tommy Fallot et dans sa foulée,
on reconnaîtra trois pionniers du mouvement. Tout d'abord,
l'économiste Charles Gide (1847-1932). Il est un représentant
et un témoin du Christianisme social pendant une cinquantaine
d'années. Il sera le vice-président (1888) puis
le président (1922) du mouvement. Ensuite, le pasteur Wilfred
Monod (1867-1943) (père de Théodore) dont la vie
et l'uvre sont entièrement dominées par la
réalité du Royaume de Dieu auquel il a consacré,
entre autres, sa thèse de doctorat. Il est le fondateur
de La Clairière, centre social dans le quartier des Halles
à Paris. W. Monod a été pasteur à
Condé-sur-Noireau, Rouen et à Paris (Oratoire),
professeur de théologie pratique à la Faculté
de théologie protestante de Paris (1909-1937). Et, enfin,
le pasteur Elie Gounelle (1865-1950). Paul Ricur sera pendant
plusieurs années le président du mouvement à
partir de 1957. Comme l'a été le pasteur de l'Oratoire
Pierre Ducros.
La revue du Christianisme social, aux intitulés divers
à travers son histoire (dernier en date : Autres Temps),
a été fondée en 1887 par le pasteur Gédéon
Chastand ; elle a cessé de paraître en 2004.
L'appellation " christianisme " social, et non pas
" protestantisme " social s'inscrit dès l'origine
dans une perspective cuménique et souligne l'idée
selon laquelle si les dogmes et les rites séparent les
chrétiens, les actions d'ordre social peuvent et doivent
les rassembler par-delà les divisions doctrinales et liturgiques.
C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre la Conférence
cuménique (Stockholm 1925) et son mouvement "
Vie et Action ".
Le mouvement du Christianisme social est aujourd'hui en panne.
Pour quelles raisons ? Elles sont difficiles à cerner :
crise de confiance envers la politique, le politique et les politiques
? Impression que le Christianisme social est une réalité
dépassée au profit d'actions et d'engagements propres
à l'humanitaire, retour et recomposition d'un religieux
essentiellement spirituel ? On peut aussi suggérer que
si le mouvement est en panne, un christianisme social en tant
que tel ne l'est pas. N'est-il pas vivant et à l'uvre
à travers l'existence des Centres d'Action Sociale (CASP,
Paris et Montpellier), celle de la Cimade, de la MIRP (Service
protestant du monde professionnel), des diaconats, souvent très
importants, de nos paroisses, sans oublier la Fédération
de l'Entraide protestante regroupant 350 associations et fondations
en France, représentant 600 établissements et services
?
Laurent Gagnebin
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