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La prière de A à Z
Priez sans cesse ! (I Thess. 5:17)
Sans prétendre épuiser
tous les vocables qui permettent de cerner cette activité
essentielle de la foi qu'est la prière, nous commençons
aujourd'hui une petite chronique alphabétique sur ce sujet.
A... COMME APPEL, ATTENTE, ATTENTION ET AMOUR
S'il n'y avait pas en l'homme une attente autre que celle du lever
du jour, de la nourriture et de la sécurité matérielle,
il n'y aurait pas de prière. Certes, dans ses formes les
plus primitives, et en même temps les plus constantes, elle
est appel... Appel à la nature, appel au compagnon le plus
proche, appel à l'Etre invisible, pressenti sans pouvoir
encore le nommer.
Mais en marge des cris qui la portent et qui en font une demande,
n'est-elle pas l'attente diffuse de ce qui peut, de ce qui doit
arriver à l'homme de meilleur, de plus conforme à
son destin, de mieux à même de l'accomplir ?
Avant d'être l'expectative anxieuse du retour - " Anne,
ma sur Anne, ne vois-tu rien venir ?... " - elle est
l'attente de Quelqu'un dont les traits et la volonté ne sont
peut-être pas encore connus : " Heureux celui qui attendra...
! " (Daniel 12:12) et aussi la certitude du psalmiste: "
Mon âme attend l'Eternel, plus que les gardes n'attendent
le matin... " (Psaume 130:6)
Rien de plus triste que celui qui n'attend rien ni personne; c'est
le drame des solitaires dont les journées ne sont ponctuées
par aucune visite, des travailleurs qui ne voient que monotonie
dans leur quotidien, et, surtout, de ceux qui ont cessé de
prier.
Mais que se réveille l'attente, cette amorce de l'espoir,
cette première lueur de l'aube, ce signe de vie donné
à Qui peut nous combler, alors recommence la vie spirituelle.
L'attente cependant peut être aveugle. Elle doit se compléter
comme ce mot, attente, qu'on corrigerait en écrivant... attention.
L'attention c'est l'attente qui se prolonge, qui persévère,
qui scrute l'instant et l'avenir. L'attention, c'est aussi bien
la lucidité du savant qui cherche, que la sensibilité
de l'artiste qui crée: au premier sera révélée
une portion nouvelle de la réalité, au second une
parcelle de beauté. L'attention de l'homme à la vie
et à ses promesses c'est ce qui fait le croyant et le début
de sa vision de Dieu. L'attention à ce qui lui est dit, -l'observation
de ce qui est fait, à côté de lui et, souvent,
pour lui, prépare l'Homme à la Parole et à
la Geste de Dieu.
Sous une autre lettre nous serons amenés au contenu de cette
prière, mais ici il suffit d'en appeler à un certain
mystère et de dire avec Maurice Blanchot: " L'attention
est l'accueil de ce qui échappe à l'attention, ouverture
sur l'inattendu... "
Les visites qui font le plus plaisir sont parfois celles qui nous
surprennent. La prière peut devenir soudain ce rendez-vous
non prévu avec le Dieu qui (re)vient chez nous. Enfin, celui
ou celle dont l'attente est la plus fidèle et l'attention
la plus soutenue, n'est-ce pas quiconque aime, n'a pas cessé
d'aimer, veut aimer encore ? Or il y a en l'homme un amour caché
de Dieu - il y a dans le chrétien même un peu détaché
un amour non-éteint pour Christ -, il y a, en dépit
des pesanteurs de la matière et du doute, un appel et un
amour de l'Esprit.
C'est pourquoi il est donné à chacun d'épeler,
comme une langue toute neuve et comme un langage plein de promesses,
l'alphabet de la prière.
Et personne, connaissant le besoin d'aimer et d'être aimé,
ne saurait se priver d'appeler, d'attendre et d'accueillir le grand
Amour dont nous sommes l'objet de toute éternité.
La prière commence et recommence sans cesse sur le fondement
et dans la constance de cet Amour-là.
B... COMME BALBUTIER, BENIR, BATIR
Tout langage est d'abord imprécis, suite incompréhensible
de consonnes, puis de voyelles, vagues bruits qui sur les lèvres
de l'enfant prennent petit à petit forme et sens. La prière
aussi commence par des balbutiements ; n'est-elle pas cri avant
d'être phrase, élan avant de devenir élocution,
appel avant de grandir en acclamation ?
Connaissant mal encore son objet, incertaine de sa destination,
désireuse et inquiète tout à la fois de recevoir
un écho à sa voix, elle s'essaye, des lèvres
et du cur, à chercher un contact.
Parce que rencontrer c'est nommer, elle teste le destinataire de
sa quête, et puisque, pour être entendu, il faut bien
dire qui l'on est, l'homme qui prie s'annonce à son dieu
et se désigne tour à tour comme juste ou coupable,
fort ou misérable.
Mais tout ce domaine ne peut jamais rester que dans l'approximation,
cet autre nom de l'approche. Qui dira toute la grandeur de Dieu,
qui épuisera non seulement la liste, mais le sens de ses
" attributs " ? Ainsi le livre de Job avoue: " Nous
ne saurions parvenir jusqu'au Tout-Puissant,... " et place
cette réponse dans la bouche de l'Eternel : " Qui est
celui qui obscurcit mes desseins par des propos dénués
de connaissance ?... " (Job 37 : 23, et 38 : 2).
Et quel portrait authentique de lui-même l'homme fera-t-il
? Tantôt séduit par le Serpent il voudra " être
comme Dieu " (Genèse 3 : 5), tantôt accablé
comme tel psalmiste il gémira " ... tout homme est un
souffle... " (Psaume 39: 12).
Ainsi le contenu de la prière ne sera jamais " exact
", ne fera jamais le tour de cette vie avec Dieu qu'on s'efforce
de dire, mais il sera toujours " vrai " si l'homme qui
la compose et l'exhale cherche sincèrement...
Notre vocation est donc d'améliorer chaque jour notre alphabet
de la prière, son style, son rythme, mais en sachant qu'elle
demeurera toujours humble et hésitante, tremblante et confiante
et qu'à toutes ses faiblesses une promesse est faite: "
... l'Esprit lui-même intercède (en nous) par des soupirs
inexprimabl.es " (Romains 8: 26).
" Dieu soit béni, - me disait ce vieil homme -, je
ne me porte pas trop mal... " et l'une des plus fréquentes
prières de table, dans la tradition de la famille protestante,
n'est-elle pas " Mon âme, bénis l'Eternel, et
n'oublie aucun de ses bienfaits ! " ? Nous savons tous que
la prière a pour but, notamment, de remercier Dieu, d'attester
de son grand oeuvre pour son peuple, de célébrer son
honneur et sa bonté.
Il arrive cependant qu'un enfant, ou même un adulte, s'étonne,
demande " Mais n'est-ce pas, avant tout, Dieu qui bénit
?... " Un même verbe, dans l'Ancien Testament, en hébreu,
puis, en grec, dans le Nouveau Testament, exprime cette double réalité.
De fait, dès les plus anciens temps l'homme se sait porteur
de certains pouvoirs et se voit capable de les transmettre. Ainsi
la transmission de l'autorité paternelle, et la responsabilité
sur un patrimoine, précisément, est-elle fréquente
; elle est illustrée par des épisodes bien connus
de la vie de patriarches. Très vite la piété
juive en appelle à Dieu pour conférer ces énergies
et ces trésors, ainsi, à la fin de la Genèse,
Jacob prononce une bénédiction prophétique
sur ses fils où action divine et action humaine sont étroitement
liées :
" Par le Dieu de ton père, qui sera ton père,
qui sera ton secours, avec le Tout-Puissant qui te bénira,
des bénédictions du haut des cieux, des bénédictions
du fond de l'abîme, des bénédictions des mamelles
et du sein maternel,... " (Genèse 49: 25).
On comprend mieux, à partir de cette constatation, que l'usage
du mot se soit inversé, en quelque sorte, et désigne
aussi un mouvement de l'homme vers Dieu. Et si les bénédictions
de Dieu ont pu être invoquées aussi bien au travers
du culte que de la prière personnelle: " Sauve ton peuple
et bénis ton héritage!... " (Psaume 28: 9), c'est
au cur de l'oraison intime comme des célébrations
communautaires que cette bénédiction de l'homme envers
son Dieu va se développer.
Et même en nous limitant à une étymologie toute
simple, bénir c'est " dire du bien " ou encore
" bien parler". Or s'il est juste de rappeler, avec Pascal,
que Dieu seul parle bien de Dieu, Dieu seul peut aussi nous apprendre
à bien lui parler, à être heureux en lui balbutiant
notre amour
Et quelle langue plus universelle que celle d'une mutuelle reconnaissance,
d'une réciproque bénédiction ?
Quand nous parlons, notre pensée est au travail, et quand
s'élabore notre réflexion, tout notre être se
prépare à l'action. Il y a un entraînement simultané
de toutes nos fonctions et ce n'est jamais isolément qu'elles
contribuent à notre croissance.
La prière, dans ce sens, est un bâtir ; elle trace
les plans de notre vie spirituelle comme elle esquisse les chemins
de notre service; elle envisage, comme David et Salomon, le temple
du rassemblement autour de la Présence, et elle construit
patiemment, et comme dans l'ombre, le sanctuaire intérieur.
Attentive à la Parole du Seigneur, la prière ne peut
que s'identifier à la volonté de " mettre en
pratique ", et ainsi permet à l'homme de bâtir
sa " maison sur le roc " (Matthieu 7 : 24).
Et après avoir développé l'image des constructeurs
successifs pour comparer son apostolat à celui des autres
- " ... j'ai posé le fondement et un autre bâtit
dessus... personne ne peut poser un autre fondement que... Jésus-Christ
" (I Corinthiens 3: 10-15) il indique bien le suprême
Architecte - non pas de l'univers seulement mais de la personne
humaine, de l'individualité croyante surtout :
" Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu,
et que ]'Esprit de Dieu habite en vous ?... " (I Corinthiens
3 : 16).
C... COMME CATECHUMENES
Demandant à un groupe de catéchumènes ce que
leur suggérait la lettre C pour désigner la prière
j'ai obtenu en quelques minutes les réponses suivantes que
je me fais une joie de commenter et développer.
CHOISIR. - Celui qui prie sait à qui il s'adresse;
il ne rêve pas, il ne baille pas aux corneilles, il fait un
choix, il parle à Quelqu'un. Peut-être le cherche-t-il
encore, peut-être souffre-t-il parfois d'un sentiment d'absence
- " Celui qu'il faut aimer est absent ", Simone Weil - mais
il a choisi, et ce choix le libère d'une quête désordonnée.
C'est à renouveler ce choix que toute l'Ecriture invite,
c'est à renforcer ce choix que la prière nous aide,
c'est par ce choix que nous nous distinguons de l'athée ou
de l'idolâtre.
CHERIR. - Bien sûr, nous avions déjà
parlé du rôle de l'amour dans la prière et nous
venons de le rappeler ci-dessus. Mais c'est l'expression "
chérir " qui, venue du cur, est montée
aux lèvres de la catéchumène. Il y a là
un sens profond de la tendresse de Dieu, présente si souvent
dans les pages de l'Ancien Testament déjà. Car l'histoire
de l'Eternel avec son peuple est une histoire d'amour, traversée
certes de toutes les violences et de tous les déserts de
l'amour. Ce n'était probablement pas une coïncidence
si, au cours du même entretien de catéchisme, le livre
d'Osée était au programme: * ... je veux l'attirer
au désert et là je parlerai à son cur...
" (Osée 2 :16).
Dans le Cantique des cantiques, la traduction cuménique
de la Bible traduit le * bien-aimé ", " la bien-aimée
" par " J'entends mon chéri, le voici, il vient...
" et le plus beau serment d'appartenance mutuelle des époux,
mais aussi, des croyants et de leur Seigneur n'est-il pas dans ces
mots " Mon chéri est à moi, et je suis à
lui... " ? (Cantique 2 : 16). La prière est le chant
de cet amour, l'hymne de ce don réciproque.
CONNAITRE. - Ne pas entrer en contact avec une personne
sous prétexte qu'on ne la connaît pas est une réaction
humaine fréquente, motivée par toutes sortes de raisons
: la peur, un sentiment de supériorité ou d'infériorité,
etc., mais que le bon sens suffit à juger absurde. Alors
que souvent, un moment de crainte ou d'antipathie surmontés,
on découvre des richesses insoupçonnées dans
l'inconnu enfin approché.
Prier c'est ainsi une démarche faite à la rencontre
de Dieu pour mieux le connaître. Tant il est vrai qu'avec
Lui aussi la relation suscite et augmente la connaissance.
On dira: " Ce qu'il faut, avant tout, c'est de se bien connaître
soi-même... " Pour beaucoup ce qu'ils appellent prière
sera une sorte d'introspection. Ce n'est pas faux. Devant le miroir
de la Bible, à l'écoute de sa conscience, dans le
secret de la chambre où Il nous invite à l'accueillir,
Dieu nous révèle aussi a nous-mêmes.
Prier nous conduit donc à une double connaissance, de Dieu
et de soi, et la force de cette connaissance c'est qu'elle n'est
pas de l'ordre de l'intelligence, mais du domaine du cur.
CROIRE. - Pas de prière sans la foi, cela
va sans dire, mais cela va encore mieux en le disant. Nous ne développerons
pas longuement cette évidence. Il faut pourtant rappeler
que la différence fondamentale entre la croyance vague qui
se passe fort bien de la prière et la foi authentique qui
ne peut vivre sans oraison est ceci : croire que Dieu existe n'est
rien, croire en Dieu c'est tout l'essentiel de notre passage sur
terre. CHANGER. - En proposant ce verbe, les jeunes ont
donné comme la suite logique de ce qui précède.
Que serait une prière qui, après avoir choisi le Seigneur,
avoir chanté son amour et compris sa volonté, ne changerait
pas celui qui la prononce ? Un néant, une vanité,
une hypocrisie.
Les grands priants de l'Ecriture, de l'Eglise et de la Réforme,
ceux des Renouveaux et des Réveils ont toujours attendu,
et reçu à la mesure de leur sincérité,
une mutation profonde d'eux-mêmes. Déçus ils
ont été revalorisés, - coupables ils se sont
vu pardonnés, - faibles, rendus forts, - tristes, promus
à la joie.
Voilà pour la prière personnelle. Et quand ils ont
présenté à Dieu, par leurs mots, leurs espoirs
et leurs cris, les autres, - quand ils ont remis à Dieu les
hommes et les choses, ils les ont vu aussi changer, se tourner en
leur faveur, prendre un sens en dépit de l'absurde et de
la mort.
Il faut redire souvent, et particulièrement à la
table de la Cène, ces mots souvent répétés
: " Seigneur accepte-nous tels que nous sommes et rends-nous
tels que tu nous veux. "
Il est donc juste de continuer ce vocabulaire de la prière
par le terme de
CELEBRER. -
Célébrer, c'est mettre en commun notre imagination
et notre poésie, la musique et le verbe, l'architecture et
le corps, la spontanéité et la liturgie; c'est rendre
notre culte et par lui, manifester Dieu au monde et faire de la
communauté chrétienne un véritable foyer de
vie lumineuse, chaleureuse et accueillante.
Célébrer c'est illustrer au-dehors ce que nous ressentons
au-dedans, c'est répandre dans un espace élargi des
certitudes et des convictions reçues au cur de nous-mêmes.
Célébrer c'est offrir à Dieu une audience
que la piété individuelle ne suffit pas à procurer.
C'est lui donner droit de cité, faisant de chaque lieu où
il est loué une " Jérusalem " moderne et
locale.
CHRIST. - Dans le droit fil de la tradition protestante
et en prononçant ce seul nom, Christ - Solo Christo - nos
adolescents ont compris simplement que la prière véritable
se ferait toujours en référence à Jésus,
en souvenir de Celui qui se retirait pour prier, en s'appuyant sur
le seul Médiateur de nos appels, en s'inspirant du modèle
qu'Il a donné par le NOTRE PERE, et confiants en la fidélité
de l'Ami qui, avant de quitter ses disciples, leur laissait cette
promesse :
" ... ce que vous demanderez au Père, il vous le donnera
en mon nom... ", Jean 16 : 23
L COMME LAMPE, LETTRE, LIVRE, LIBERTE ET LUTHER
Lampe " Que vos lampes soient allumées
" (Luc 12: 35)
La lampe que l'on allume, le matin, pour le premier recueillement,
et celle qui brille encore le soir, quand on lui remet sa journée,
signes discrets auxquels on songe, en traversant un pays la nuit,
surtout en chemin de fer...
Mais ces mots aussi, du livre des proverbes : " Sa lampe ne
s'éteint pas pendant la nuit " évoquent la vigilance
de l'épouse et de la mère, dont les travaux mêmes
attestent la pensée fidèle qu'elle entretient pour
tous les siens.
La lampe, c'est aussi l'image de la prière elle-même,
comme ce qui brille et réchauffe notre être intérieur,
quelques soient les mots prononcés, et même en deçà
ou au-delà de ces paroles.
Lucidité conviendrait également à notre alphabet,
dans le sens où Jésus, parlant de l'oeil, dit que
c'est la lampe du corps, et comment ne pas voir ici une allusion
à la conscience : la prière doit me permettre une
vision juste et claire de ce que je suis, afin de sans cesse orienter
mon existence et corriger sa trajectoire.
Lettre
" Vous êtes une lettre du Christ " (II Corinthiens
3 3)
Au moment où il s'agit de défendre et de justifier
son ministère devant ceux qui le contestent, Paul dit aux
croyants de Corinthe : " Vous êtes notre lettre, écrite
dans nos curs, connue et lue de tous les hommes ". C'est
dire que des personnalités, ou des communautés peuvent
être au cur d'une prière et comme un instrument
de communication et d'intercession. Ces vies elles-mêmes transmettent
ce qu'elles ont reçu, soutiennent et consolent et affirment
à la face du monde qu'un apostolat n'a pas été
vain.
Et puis bien sûr par le truchement de la correspondance nous
pouvons pallier l'absence des frères et maintenir avec eux
le lien d'une prière commune et mutuelle : " Vos lettres,...
vous y êtes aussi complet qu'une âme peut .se trouver
sous les plis du papier, et quand je vous lis, je vous ai à
mes ,côtés... " écrit Vinet à Fun
de ses meilleurs amis. Et comme pour éviter que l'homme ne
se croie trop important, Paul ajoute, dans le passage cité
" ... lettre écrite par notre ministère, non
avec de l'encre, mais avec l'Esprit du Dieu vivant ".
Livre, Lire, Littérature
" Prends et lis! " (Saint-Augustin)
Livre: quel livre sinon celui, par excellence, qui nous parle de
Dieu et où Dieu s'adresse à nous : la Bible~ Car le
Livre nous met en rapport avec les élans et les supplications,
avec les réponses et les exaucements qui forment le tissu
du dialogue des grands priants, - la Bible, toujours à nouveau,
nous donne des modèles, nous rappelle les noms de "
ceux qui sont inscrits dans le livre de vie de l'Agneau " (Apocalypse
21 : 27).
Quant aux autres livres, il n'en manque pas pour nous aider à
faire et à refaire sans cesse l'apprentissage de la prière,
et leurs titres, simplement, nous indiquent ce qu'est la prière,
ce qu'elle peut et doit être : " Le combat de la prière
" (Asmussen), " Prière et silence " (W. Monod),
" L'impossible prière " (J. Ellul) ou encore "
La prière d'un homme moderne " (L. Evely).
Liberté
" Nous avons la liberté de nous approcher de Dieu "
La prière, nous la voyons comme le lieu privilégié
de la liberté de l'homme, nous l'affirmons et la posons comme
le premier et le dernier acte de cette liberté. Premier mouvement
de celui ou de celle qui cherche Dieu, elle est aussi l'ultime abandon
de celui, de celle qui ~n'en peut plus de vivre et qui se prépare
au dernier passage. Mais entre ces deux pôles, il y a tous
les appels, toutes les demandes et toutes les louanges, tous les
flux et tous les reflux d'une vie portée par Dieu: "
Vous cherchez bien puisque vous cherchez en priant... " écrit
encore Vinet à une correspondante.
Mais si la prière est une. démarche que nul tyran
ne peut interdire, que nul cachot ne peut étouffer, elle
a aussi pour objectif de trouver ma liberté la plus précieuse,
celle d'être vraiment moi-même et ceci dans un dialogue
où mon divin interlocuteur est le seul à m'écouter
en me comprenant tel que je suis et à me parler en me respectant
quelque je sois.
La prière, enfin, fait chanter en nous le désir que
les autres, à leur tour, soient libres. Elle vise donc la
libération de tous les prisonniers, de tous les captifs de
la société ou d'eux-mêmes, elle place au contre
de son intercession toutes les délivrances.
Luther: Comment on doit prier
Quand je sens que des occupations ou des pensées étrange
es m'ont rendu froid et m'ont ôté l'envie de prier
- ... - je prends mon petit psautier, je cours dans n-la chambre
ou, si c'est le jour et l'heure, à l'église parmi
la multitude,, et commence par réciter, de bouche, pour moi-même,
les Dix Commandements. Le symbole des apôtres et, si j'en
ai le temps, quelques paroles du Christ, de Paul ou des psaumes,
tout comme font les enfants. "
N Comme Nature, Nuit, Nourriture, Nouvelle Naissance
Nature " Eternel, notre Seigneur
Que ton nom est magnifique sur toute la terre!" (Psaume 8)
N'est-il pas naturel de prier ? C'est-à-dire de s'exprimer,
de chercher à être entendu, compris, aimé ?
Différents seront les vis-à-vis imaginés par
les hommes en prière, divers les mots utilisés, multiples
les gestes, les positions, mais toujours a nouveau un cri, des bras
levés, une main tendue montreront la créature orientée
vers son Créateur, l'être incertain en quête
de son fondement, l'être partiel aspirant à l'ultime.
Ce naturel peut aussi être un acquis ; des habitudes ont
pu être données, dans l'enfance, notamment... Qui niera
qu'il est des prières toutes simples remontant à un
berceau, à un visage de mère penché, qui ne
se souviendrait de telle chanson, de telle comptine où les
premiers accents d'une piété ont trouvé leur
source ? Or de ce naturel aussi, on peut dire qu'il revient au galop,
quand la vie et les sarcasmes ont tenté de le chasser, quand
les épreuves ou les joies savent le rappeler !
La nature aussi peut être inspiratrice de la prière;
que fait d'autre Jésus quand, pour inviter à la confiance
il nous fait observer " les oiseaux du ciel " et "
les lys des champs " (Mathieu 6).
Quelle louange plus belle que celle des psalmistes quand ils célèbrent
les grandeurs de Dieu dans la nature, - les éléments
déchaînés, puis apaisés, les déserts
qui refleurissent, les montagnes qui rassurent; " Je lève
les yeux vers les montagnes... " (Psaume 121). La nature elle-même
se fait tout entière porte-parole du croyant pour adorer:
" Louez-le, soleil et lune, louez-le, vous toutes ses étoiles
lumineuses... " (Ps 148). On dira, enfin: la nature n'est pas
harmonie seulement; la Bible le sait et le dit, bien avant les écologistes.
Que de souffrances dans un champ, dans un bois, dans une étendue
d'eau: les trois règnes illustrent, chacun à sa manière
la présence et la domination du mal. Et c'est comme une longue
et inconsciente prière qui s'élève de partout;
Paul l'a bien senti et nul ne l'a mieux dit que lui: " ...
la création attend avec un ardent désir la révélation
des fils de Dieu ... elle soupire et souffre les douleurs de l'enfantement
" (Romains 8).
Nuit " La nuit même, mon cur
m'exhorte ... " (Psaume 16)
La nuit est propice à la prière; si elle est pour
les uns un néant, l'oubli des travaux de la journée,
pour les autres projection sur l'écran intérieur des
images fugaces d'une intense activité, pour d'autres encore
le film passionnant, à analyser, des rêves, la nuit
est aussi le temps et le lieu de la prière de beaucoup. Le
silence et le calme, la solitude, l'antichambre du repos permettent
de faire défiler des visages, de se déplacer dans
des paysages, d'évoquer des circonstances : le vieil examen
de conscience trouvait là son heure ; mais une simple évaluation
suffit, point n'est besoin que tout soit faute ou erreur! Il est
bon de remettre ce qui maintenant est derrière, page immuable
de mon histoire; il est nécessaire surtout de présenter
ce qui est devant mon projet, mon voeu, et ceux qui demain y seront
engagés avec moi.
La nuit porte conseil " Je bénis l'Eternel, mon conseiller...
" (Psaume 16); et si nous profitions davantage de ces heures
nocturnes, qu'elles soient paisibles ou inquiètes, pour méditer,
intercéder, nous confier? Mais si la nuit devait, une fois,
nous donner le sentiment de la grande absence et de l'abîme,
alors, avec David, souvenons-nous: " Même les ténèbres
ne sont pas obscures pour toi, la nuit s'illumine comme le jour,
et les ténèbres comme la lumière " (Psaume
139).
Nourriture : Vous avez à manger
une nourriture que vous ne connaissez pas... " (Jean 4 : 32)
Nous n'avons pas parlé, sous lettre J, du jeûne comme
moyen d'approfondissement de la vie spirituelle et comme exercice
de prière; c'est une méthode connue de plusieurs religions,
y compris du christianisme, et notre intention n'est pas de développer
ici ce propos. Mais le simple fait que des croyants trouvent dans
cette pratique une bénédiction permet d'envisager
la prière comme quelque chose qui " restaure ",
" fortifie ", " alimente tout l'être ".
Inversement il n'est pas étonnant que le plus beau des signes
offert à la commémoration et à la fraternité
des chrétiens soit la Cène.
Dans l'Evangile cité, Jésus commente ainsi son affirmation
étrange: " Ma nourriture est de faire la volonté
de Celui qui m'a envoyé... " (Jean 4: 34). La préoccupation
d'être fidèle, le souci de transcrire dans le quotidien
la vérité reçue est au cur de la prière
; et s'il arrive à de grands artistes d'oublier un repas
tant ils sont attachés à l'uvre qui naît
de leurs doigts ou à des réalisateurs passionnés
par leur entreprise ou la cause qu'ils défendent de ne pas
voir passer le temps, pourquoi les priants ne seraient-ils pas,
eux aussi, ces forts et ces lutteurs auxquels, même avant
la réalisation de leurs vux, la promesse s'adresse:
" Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils
seront rassasiés " (Matthieu 5 :6).
Nouvelle naissance faut que vous naissiez
de nouveau... " (Jean 3 : 8).
Quiconque prie, aspire à un changement; en lui, chez les
autres, dans le monde; mais il sait intimement, il sent au plus
profond de lui-même, que ce renouveau doit commencer par lui.
Il pressent aussi que cette mutation viendra d'ailleurs, prendra
son origine dans une autre volonté et une autre puissance
que la sienne, qu'il lui sera donné de vivre dans un autre
état d'esp~rit et que ce sera l'uvre de l'Esprit-Saint.
La prière est cette préparation à une lente
transformation, pour certains, - à une conversion plus rapide
- datable parfois - pour d'autres.
La prière est la quête de la nouvelle naissance, "
graal " intérieur et peu spectaculaire.
La prière est l'espace - lieu et temps conjoints - où
l'on prend conscience de ce qui nous arrive, ce cadeau de la grâce.
La prière est l'adhésion, libre et volontaire, à
cette dimension nouvelle de notre vie.
La prière sera, jour après jour, le fruit de cette
naissance; elle sera l'agent dynamique de la croissance spirituelle
et de la marche vers la stature adulte de la foi.
O comme offrande, oratoire, ouverture.
Offrande " L'Eternel porta un regard
favorable sur Abel "
L'offrande qui accompagne la prière.. Toujours l'homme éprouve
de prendre soin de joindre le geste à la parole, de faire
en même temps qu'il prie. Nombreuses sont les allusions, dans
la Bible, à ce don de fruits, de fleurs, de parfums, de bêtes.
Universelle est cette démarche qui illustre et concrétise
l'élan du croyant vers son dieu.
Bientôt la prière tout entière devient offrande;
et la vie de l'orant lui-même prend la forme de l'offrande,
souvent la meilleure part du patrimoine, de la récolte, du
troupeau.
Pourtant, jamais l'offrande ne saurait servir d'alibi à
une prière qui ne serait pas sincère, à une
vie qui ne serait pas cohérente. Ainsi Jésus met-il
en garde, dans le Sermon sur la Montagne, contre toute hypocrisie
et toute inconséquence: prétendre honorer Dieu en
restant séparé de son prochain: " Si donc tu
présentes ton offrande devant l'autel, et que là tu
te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse
là ton offrande... et va d'abord te réconcilier avec
ton frère... " (Matthieu 5.23, 24).
Oratoire
" Ma Maison sera appelée une Maison de prière
pour tous les peuples. " (Esaïe 56:7)
" Chapelle de dimensions restreintes, généralement
dans une maison particulière... " voilà la définition
du dictionnaire... Devenus rares dans des logements de moins en
moins vastes et aussi de par l'abandon de la piété
personnelle ou familiale, les oratoires permettaient, au cur
du logis, que la prière ne soit pas oubliée, offraient
un lieu de méditation, un espace de ressourcement.
Et voici qu'au milieu de la cité, une église porte
ce nom, construite sur un plan tel que son axe prolongé passe
par le centre du Louvre, décrétée chapelle
royale par Louis XIII, et conçue par le Père de Bérulle
pour servir "la grandeur et la majesté divine ".
Ce sanctuaire, malgré ses dimensions accueillantes à
plusieurs centaines de fidèles, n'est pas un des plus grands
de la capitale; or, connu au-delà des frontières françaises
dans le monde protestant, il voit venir à lui, dimanche après
dimanche, des étrangers ; et ces étrangers, ici, ne
tardent pas à se sentir chez eux, proches de ceux qui écoutent,
chantent, prient, même s'ils ne les connaissent pas, ou pas
encore.
Maison de prière pour tous les peuples, que notre Oratoire
soit, de plus en plus, maison de prière où se constitue
un peuple vivant, - maison de prière où soient vécues
les idées les plus fortes, les intuitions les plus spirituelles,
- maison de prière où s'apprenne dans un même
mouvement, et l'oraison et l'action
Ouverture
Les fenêtres de la chambre haute étaient ouvertes
. dans la direction de Jérusalem. " Daniel 6: 11)
Daniel, prie, la fenêtre ouverte en direction de la ville
sainte, malgré l'interdiction que ses ennemis ont arrachée
au roi Darius : " trois fois par jour il se mettait à
genoux, il priait et louait son Dieu... ".
La prière est ouverture même sur le monde hostile,
indifférent, moqueur; c'est alors une offensive de courage,
une fidélité active qui peut ouvrir des curs
fermés.
La prière est ouverture sur le monde de Dieu, - symbolisé
par le Temple, par une église, par un oratoire improvisé,
- pour dire que cette réalité divine existe, qu'elle
seule compte face aux puissances négatives, destructrices,
- pour attester que l'humanité entière peut et doit
être entraînée dan,~ la louange du Créateur!
La prière est ouverture aux autres, qui aimeraient oser
eux aussi, l'adoration, la consécration de leur être
à quelque chose de grand, à Quelqu'un de bon.
Que l'offrande de notre prière, toujours à nouveau,
fasse de l'Oratoire une maison largement ouverte aux pèlerins
du Christ et aux messagers de l'Esprit 1
Jean-Jacques MAISON
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