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L'étoile allait devant eux.
Prédication de M. le Pasteur Christian Mazel à l’Oratoire du Louvre
Dimanche 26 décembre 1980
Chants :
Cantique 100/1, 2, 3
Cantique 103/1, 2, 3
Cantique 109/1, 3
Lectures bibliques :
Galates 4:4
2 Corinthiens 8:9
Le Christianisme a marqué ses anniversaires essentiels selon la marche des étoiles (Noël, Pâques, Pentecôte), selon les grandes cadences sidérales. Les étoiles sont toujours fidèles aux rendez-vous.
Les hommes risquent d’oublier le passé dont ils sont porteurs. Mais les astres n’oublient pas. C’est tous les jours Noël, comme le soleil se lève tous les jours. Mais il est bon de marquer le temps : minuit, midi, solstice…
Il y a toujours eu une fête au solstice d’hiver. Le moment où la nuit cesse de grignoter le temps de jour. C’est le moment où le soleil gagne sur la nuit.
Jésus a remplacé Mithia. Les réveillons ont remplacé les festins et bacchanales antiques. Le 25 décembre n’a été adopté par les chrétiens qu’assez tardivement.
Aujourd’hui, les étoiles nouvelles se multiplient : spoutniks, navettes spatiales, fusées, satellites. Des centaines de satellites tournent autour de la terre. Centres extraordinaires d’observation, repaires d’espionnage, ces étoiles n’invitent pas à la bonté, à la marche avec des cadeaux. D’abord elles vont trop vite…
Quelles étoiles suivent dont les chrétiens à Noël ?
Que célèbrent les chrétiens pour Noël ?
Souvent, pour nous, la poésie de Noël n’est que le chatoiement de guirlandes, de boules étincelantes, de lumière sur un arbre, conifère arraché au sol natal et blessé à mort. Noël ! Apparat éphémère sur une verdure en sursis !
Dans notre monde angoissé, nos foyers souvent en difficulté, dans la jungle des affaires (où griffes et dents sont sans cesse sur le « Qui vive »). Noël n’est-il qu’EVASION d‘un conte de fée ? La foi n’est-elle qu’un luxe superflu, surajouté de temps à autre sur une vie dont nous voulons cacher la lente flétrissure et l’inexorable mort.
Dans ses « Souvenirs de mon enfance », le Dr Albert Schweitzer raconte qu’à l’âge de 8 ans son père lui donna un Nouveau Testament. Parmi les histoires qui l’intéressaient le plus, il y avait celles des Rois-Mages. Mais = se demandait-il = « Qu’est-ce que les parents de Jésus ont bien pu faire de tout l’or et de toutes les pierres précieuses que ces hommes leur avaient apportées ? Comment se fait-il qu’ils restèrent pauvres ? Pourquoi ne se sont-ils plus jamais souciés de cet enfant ? »
Il y a lieu de faire la part de l’histoire et la part du légendaire. Le jour où Jésus est né est le plus beau jour du monde. L’imagination populaire a brodé sur cette naissance comme elle a brodé sur Bouddha : né sous une pluie de fleurs, sa mère debout tenant dans sa main une branche qui s’incline vers elle. Bouddha est né sur le côté sans blesser sa mère, qui avait été conçue par l’approche du petit éléphant blanc.
C’est toujours en poète qu’on parle de l’amour, qu’on évoque Noël. Les étoiles qui font marcher les mages, et les bergers qui obéissent aux anges. L’expression de notre foi a toujours recours au symbolisme et à l’allégorie. Le langage lui-même n’est qu’un système de signes. Les mots sont des conventions. La psychologie et la linguistique l’ont découvert récemment. L’étoile et les Mages appartiennent au genre des paraboles. Il importe en ces domaines de distinguer « la lettre et l’esprit ».
Est-ce qu’au temps du premier Noël les hommes étaient meilleurs ? Les anges plus proches ? Les rêves plus faciles ? Les étoiles plus amicales.
Ne parlons pas d’époques privilégiées où les cieux chantaient, où les étoiles marchaient du pas assuré d’un montagnard.
… « Au temps du Roi Hérode »…
C’était un sinistre tyran.
Il fit noyer un de ses fils, fit étrangler 3 autres de ses fils. Il fit couper à la hache la tête de Marianne, sa propre femme. Il fit torturer et exécuter des familles entières et jusqu’à sa mort à Jéricho.
Car il avait ordonné de tuer tous les notables de la ville dans les arènes de Jéricho à l’heure même de sa mort.
« Pour que =disait-il = quelques uns au moins se désolent de sa disparition ».
Ne regrettons pas d’avoir manqué le « temps du Roi Hérode » et des Etoiles. Ne parlons pas comme si Dieu se rapprochait ou s’éloignait, se montrait ou se cachait pour ses enfants. Le Père n’a jamais fui ses Fils même prodigues, surtout prodigues.
Il y a d’autres étoiles que les « stars » du cinéma. Des étoiles passent aussi dans notre ciel.
Qui que vous soyez, sachez que les « MAGES », comme vous n’étaient pas des Israélites avertis, mais des païens méprisés !
Si vous avez jamais rencontré sur votre chemin quelqu’un qui ait souffert, tordu de douleurs, torturé de peines, dans son corps et qui vous ait fait partager sa foi sereine, quelqu’un qui regardait plus loin et avançait confiant dans les déserts, dites « Il y a des étoiles ».
Si vous avez jamais retrouvé sur le visage d’une mère, avec sa main posée sur le front brûlant de fièvre d’un enfant, un reflet de lumière céleste, dites « Il y a des étoiles ».
Si vous avez jamais surpris sur le visage d’un bébé, dans les yeux plein d’affection d’un enfant, un peu d’amour quémandé, dites « Il y a des étoiles ».
Des éclipses ! Il y en a même pour le Noël de l’an 6 avant Jésus-Christ, date probable de la naissance de Jésus. Dans la ville, la grande ville, la capitale, la ville qui tue les prophètes, il y eut éclipse de l’étoile. Les Mages ne la virent plus.
Et toi Paris, « ville-lumière ». Que d’obscurités tu caches ! Que de chemins tu as enchevêtrés ! Que de clartés pures tu voiles !
Nos multiples activités quotidiennes effacent nos visions. Les uns se lèvent à 5 h et tombent d’épuisement à 9h du soir, au moment où d’autres comment leur jour noir de 9h du soir à 5h du matin.
Harassés comme nous le sommes, courbés de fatigue, comment regarderions-nous au ciel ?
Que d’élan de foi, d’enthousiasme ont été englouti par la ville, dévoreuse d’étoiles.
Que d’âmes éteintes par l’appât de l’argent (ou sa nécessité). Que d’étoiles perdues par les convoitises de rang, de préséance, de gloriole. En vous, rien ne s’est-il éteint ?
Les Mages sont l’image de la Science qui ne sait pas vers où aller ? Dans quel but ?
Pour un travail que vous vous êtes proposés, vous avez avancé.
Pour un ami que vous avez voulu aider, vous avez avancé.
L’Evangile nous appelle à accrocher notre vie à une étoile en marche.
Si un homme n’a pas trouvé quelque chose qui vaut qu’on lui sacrifie sa vie, il ne mérite pas de vivre. (Martin Luther KING).
Saurions-nous voir le s étoiles qui passent ?
Où le vieux livre nous fera-t-il courir ? Noël n’est pas derrière nous, il est devant.
Les visions de Bethlehem nouvelle, du Royaume de Dieu, nous les portons en nous. Noël est un chant de création nouvelle.
Un mendiant était assis chaque jour dans une rue de Londres, de l’autre côté du studio d’un artiste. Un jour l’artiste décida de peindre le portrait de ce mendiant. Et il l’invita à venir voir le tableau.
D’abord le mendiant ne se reconnut pas. « Qui est-ce ? » ne cessait-il de répéter. Quand soudain il s’identifia, il demanda « Est-ce moi ? Est-ce que ce peut être moi ? » « Eh bien ! dit le peintre avec un sourire, c’est l’homme que je vois ».
Et le mendiant, dans un acte de foi, essaya de devenir celui que l’artiste avait vu.
Pour marcher à l’Etoile personnelle de notre vie, il faut avoir envie de donner quelque chose : Or, encens, myrrhe.
- L’or qui brille est « la chair des idoles » comme disaient les anciens Egyptiens. Il représente la puissance, le pouvoir. Le mage a donné l’or en disant : « Ta présente est la vraie richesse ».
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- La myrrhe, parfum de luxe, parfum des courtisanes d’Assuérus, de la Sulamite du Cantiques des Cantiques est le charme de la vie.
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Mais la myrrhe embaume les morts aussi. Et nous sommes inquiets, nous avons peur de ce narcotique. Le Mage fit don du charme en disant : « Tu es notre paix ».
- L’encens était peut-être apporté par un prêtre : l’encens de la prière. Mais que s’évaporent les incantations et les rites parce qu’il avait trouvé la réalité de la présence de Dieu, le Mage partit remportant le sourire et le visage de Dieu.
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Un poète contemporain a écrit :
« C’est une erreur de croire qu’il faut naître pour vivre.
C’est exactement le contraire. Il faut vivre pour naître.
Car vivre, c’est accoucher de soi-même.
Beaucoup de gens meurent avant d’être pleinement nés.
Vivre c’est vouloir vivre, c’est choisir, c’est délier les lèvres de ses verrous, fracturer ses propres portes, franchir ses murs, lever les ancres de son ombre, et sortir enfin de l’impasse où nous nous terrions, prisonniers volontaires de nous-mêmes ».
(Jean Debruynne).
(Merci à Mme Monique Ngontamack pour la numérisation de ce texte)
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