Tout homme n’est-il pas « de Dieu ? n’existant que par Dieu, que pour Dieu »
Que cette situation de chacun de nous (vous, moi, chacun) soit connue ou ignorée ou contestée, il n’empêche que nous sommes hommes, femmes, enfants … de Dieu.
Dans la boue, les ordures sociales, les parfumeries ecclésiastiques, quelle autre dignité portons-nous ?
N’oublions jamais que salie, piétinée, effacée, la pièce d’or que nous sommes porte l’effigie de Dieu.
Mais il est des hommes sans profession, sans métier, serviteurs à plein temps de Dieu, qui n‘ont d’autre autorité que celle que leur donne leur Maître.
Il en est d’eux comme de la Bible.
D’où la Bible tire-t-elle son autorité ? C’est une des grandes questions de la Réforme,
par une espèce d’évidence intérieure,
par une puissance de conviction,
par une illumination de notre esprit par l’Esprit,
par « le témoignage du Saint-Esprit » (Calvin).
Luther parle de «l’harmonie de l’Ecriture Sainte avec les aspirations et le besoin de notre âme et l’approbation que lui donne notre conscience ».
Les « Hommes de Dieu » et la Bible ont la même source d’autorité.
Le Pape peut vouloir assurer son infaillibilité sur la tradition ou le consensus général, la puissance ecclésiastique, le pouvoir monarchique divin de l’Apôtre, il peut se proclamer Vicaire (=remplaçant) du Christ et Parole de Dieu d’une institution.
L’homme de Dieu, prophète du VIII è siècle avant Jésus-Christ, comme Esaïe, missionnaire, pasteur d’aujourd’hui, évangéliste ou même gourou, s’offre à la contestation et à la confiance, au doute et à la foi. L’homme de Dieu n’a aucun droit, mais un lourd devoir.
Ce qu’il dit, et ce qu’il est, s’efface devant la Parole qui le traverse, le transperce. Il est la corde vibrant sur le doigt de Dieu, le vitrail qui n’a de couleurs et de formes que par le soleil.
L’Apôtre Paul parle « d’esclave de Dieu », de possession par Dieu.
C’est justement cet esclave à l’égard de Dieu qui assure sa liberté, nécessaire, à l’égard des hommes.
Certes il est homme : il a ses appartenances de nature ou d’élection (famille, amitiés, pays, Eglise). Il n’esquivera aucune de ses obligations. Mais il est d’abord l’homme de Dieu. L’homme de la vérité, de justice, de la miséricorde, de l’amour.
Cette obligation est première. Quand il y a conflit, c’est Dieu qui passe d’abord. Si cette exigence de Dieu semble parfois aller contre les intérêts de ses amis, de sa classe sociale, de son peuple, de son Eglise, l’homme de Dieu sait qu’en réalité, l’exigence de Dieu sert amis, classe, peuple, Eglise.
La volonté de Dieu sauve et bénit ceux sur qui elle s’étend.
C’est les soustraire à l’exigence de Dieu qui les maudit et les perd.
On voit assez ce que l’exigence de Dieu peut comporter de sacrifices, de risques, de solitude pour l’homme de Dieu.
Chacun de vous est, en un certain sens, homme de Dieu, femme de Dieu, pour enfants, parents, amis compagnons de travail ou de vacances.
A notre humble mesure, nous somme de « la race des prophètes ».
Esaïe c’est toi, c’est moi dans la mesure de notre obéissance à la mission reçue de Dieu, acceptée et vécue.
Esaïe et les prophètes d’Israël (Amos, Michée, Osée, Jérémie) vivaient 26 siècles en avant de Jésus.
Pourtant nous ne les avons pas rattrapés, ni Esaïe ni les prophètes de la Bible. Ils étaient en avance sur l’histoire des hommes, comme le Décalogue donné par Moïse il y a 33 siècles n’a pas été encore atteint.
Mal connus ou méconnus aujourd’hui, les prophètes d’Israël sont confondus avec Nostradamus, Madame Soleil, les 30 000 diseurs (ou diseuses) de bonne-aventure qui vivent à Paris de leur industrie.
Le prophète n’est pas un devin de l’avenir, mais le porte-parole de Dieu. Prophète au sens étymologique vient du grec : pro-phemi, c’est-à-dire rendre visite, exprimer sa pensée par la parole. Le prophète est annonciateur de la vérité de Dieu, mainteneur de la Loi de Dieu, avant coureur des promesses de Dieu.
Le Christ qui seul a dépassé les prophètes d’Israël par sa stature de Crucifié et de Ressuscité a déclaré qu’Il était « venu, non abolir, mais accomplir les prophètes ».
Quelle est la Mission de prophète-homme de Dieu ?
Il rappelle le Message de toujours, de toute la Bible, de la Genèse à l’Apocalypse : ceux qui se détournent de Dieu, peuple et individus, courent inexorablement à la perdition.
Le Péché c’est la Mort.
Se soustraire à la Loi de Dieu, c’est se soustraire à la vie.
Le Bien c’est la vie. Accepter la volonté de Dieu c’est vivre pleinement.
Le message de Dieu est d’autant plus douloureux, à délivrer, (la parole prophétique est un « cri libérateur » à partir d’un bouillonnement intérieur irrépressible) que le prophète sait que le peuple ne l’écoutera pas, que l’avertissement ne servira à rien, qu’il ne fera qu’exaspérer la révolte des contemporains et hâter finalement la ruine, comme si Dieu les rendait sourds, aveugles, stupides. (Lauriol)
Le prédicateur que n’environne pas une cour de courtisans sans flatteurs, ou un engouement organisé, ou une claque inconditionnelle, connaît ce drame intérieur intraduisible pour les autres.
En tout temps le prophète sent brûler en lui le feu de Dieu.
Pascal, dans une nuit tragique et bouleversante s’écrie : « Feu … Dieu d’Abraham ».
John Wesley lisant l’Epître aux Romains ressent tout d’un coup le « Feu intérieur qui consume ses os ».
Le prophète ne fait que porter la douleur même de Dieu, la flamme de Dieu qui veut sauver malgré tout, qui – comme le Père de la Parabole des Vignerons – dit : « Peut-être respecteront-ils mon fils », qui nous fait confiance.
Non. Ce n’est pas Dieu qui rend sourd, aveugle, stupide.
Le Christ a discerné.
- Les conséquences du péché, « les parents boivent et les enfants trinquent » ; les désordres moraux conduisent aux chaos ; les injustices amènent à l’explosion de la violence.
- Le châtiment, décision personnelle dans tous ses détails et ses raffinements. Certains voudraient imputer à Dieu ce besoin de châtiment.
Esaïe et ses contemporains, et beaucoup de croyants aujourd’hui, semblent confondre conséquence et châtiment.
Par l’Evangile, la Croix et la Résurrection, nous savons que Dieu est Amour, sa méthode est l’Amour, son éducation est l’Amour.
« Esaïe homme de Dieu » n’est pas moins homme du VIII è siècle avant Jésus.
Sa vocation dans le Temple se situe en 750 époque de la fondation de Rome, quelques années après les poèmes d’Homère, mais les grandes orgues du prophète d’Israël convient le pipeau du chantre aveugle.
Esaïe est prêtre.
Fils d’Amots, il est né à Jérusalem vers 765.
Il appartient à l’aristocratie sacerdotale de Juda.
Il vit heureux et insouciant dans un pays prospère, où règne le Roi OZIAS.
Il se marie, a plusieurs enfants.
Il a ses libres entrées auprès des Rois de Juda.
Et voici la mort d’OZIAS. C’est une catastrophe pour le Royaume, son fils Jotham ne lui succèdera que quelques mois. Achaz, fils de Jotham (petit-fils d’Ozias) n’a que 20 ans au moment de son accession au trône. Il se laissera mal conseillé par sa mère, les dames de la cour et les nouveaux ministres. L’injustice et l’immoralité s’installent dans le Royaume.
Le trône s’écroule mais le Temple se dresse. C’est dans le Temple même de Jérusalem que le prophète est frappé par une intervention de Dieu :
Vision, audition, parfum, brûlure assaillent Esaïe.
Bien des adorateurs passent dans le Temple, dans nos Temples, dans ce Temple.
Jusqu’à l’âge de 80 ans, Siméon était venu au Temple parce que Dieu lui avait fait une promesse. Jour après jour, il semblait que ce fût pour Rien. Un jour, il trouve Jésus et ses parents et il peut s’écrier : « Seigneur tu laisses aller ton serviteur en paix ».
Esaïe, d’une famille de prêtre, est frappé dans ce lieu habituel pour lui. L’ordinaire devient l’extraordinaire. Le quotidien devient l’éternel. La Terre devient le Ciel. Pourquoi pas nous ?
Les circonstances de cet appel peuvent être imaginées ainsi :
Le bâtiment du Temple devient le Sanctuaire céleste, la foule s’est retirée après le service divin. Alors pour le prophète resté seul,
Le voile qui sépare le HEKAL (lieu saint) du DEBIR (lieu très saint) avec l’Arche de l’Alliance plongé dans l’obscurité, devient le manteau du Grand Roi de l’Univers.
Les portes JAKIN et BOAS s’ouvrent aux dimensions du monde entier.
Les parfums consumés sur l’autel sont comme une fumée épaisse.
Les êtres flamboyants (les séraphins, les anges du ciel) qui sont la décoration, la frise sur les murs intérieurs du Temple, s’animent et parlent.
Les chants du prêtre se répètent en un écho sans fin. Les chants de la foule prennent une ampleur infinie.
Tout le déroulement liturgique de notre culte est évoqué là. Le protestantisme est bien dans la tradition religieuse d’Israël et en particulier celle des prophètes.
La célébration commence par l’émerveillement et l’adoration. Ensuite la confession des péchés. Après la confession des péchés, le pardon (la cautérisation pour la purification s’opère par le charbon ardent passé sur les lèvres du prophète).
Enfin l’appel de Dieu : « qui sera mon messager ? »
Et l’ordre de mission : « Va, je serai avec toi ».
Le dialogue entre Dieu et le fidèle n’est jamais vain. Est-ce que ce sera vrai ce matin ?
Le térébinthe et les chênes de ses sécurités, … Esaïe les aperçoit abattus, par terre.
Le prophète voit le massacre de toute la forêt de ses espérances.
Rien que des troncs qui vont être déportés, plus, débités en planches utilisées pour d’autres, pour la colonisation de la Babylonie.
De la souche un rejeton naîtra, annonce le prophète. Il paraîtra 8 siècles plus tard.
Si quelqu’un ici a pleuré sur l’immoralité et la dépravation de ses contemporains, sur l’inutilité de ses paroles, qu’il s’interroge avec foi.
Qu’en sera-t-il en 2 700 ?