Pas de publicité mensongère( Matthieu 21:28-32 ) (écouter l'enregistrement) (voir la vidéo) Culte du 20 septembre 2009 à l'Oratoire du Louvre Chers frères et sœurs, cette histoire de famille que Jésus raconte aux responsables du temple de Jérusalem sonne à la fois comme un avertissement, un encouragement et une promesse. Pas de publicité mensongèreL’avertissement se trouve dans l’attitude de ce fils qui dit oui à son père mais qui ne tient pas parole. Rapporté à un autre contexte, nous pourrions penser à notre cher protestantisme et à ses Eglises. Des personnes nous rejoignent parce qu’elles ont entendu que les protestants ont un esprit d’ouverture, de tolérance. Des personnes nous rejoignent parce qu’elles ont entendu que les protestants ont le souci de dépoussiérer la religion de ce qui fait obstacle à une relation directe entre Dieu et le croyant. Des personnes nous rejoignent parce qu’elles ont entendu ou lu que les protestants ont le goût de la simplicité en matière de foi, qu’ils ont aussi le souci de l’égalité, qu’il n’y a pas de croyants de deuxième zone en protestantisme. Des personnes nous rejoignent parce qu’elles ont lu des réflexions de protestants en matière d’éthique, qui leur font dire qu’il y a là un écho à ce qu’elles comprennent de l’évangile et à ce qu’elles vivent au jour le jour. Bref, il y a des personnes qui ont été intéressées par la publicité qui leur a été faite de l’expression protestante du christianisme et elles ont décidé de venir voir comment cela se passe concrètement dans une paroisse. Alors, autant le dire franchement, il n’y aurait rien de pire pour ces personnes qui nous rejoignent que de constater, en voyant de près à quoi ressemble notre vie d’Eglise, qu’elles ont été victimes d’une publicité mensongère ! Cela signifierait que nous sommes comme ce fils de la parabole qui dit « oui, oui, pas de problème » mais qui ne donne aucune consistance à son oui. « Oui, oui, c’est cela que vit notre Eglise », alors qu’en fait ce n’est pas cela du tout. Quand nous disons que le protestantisme c’est la liberté de conscience, la générosité du cœur, l’esprit d’ouverture, l’esprit critique également ; lorsque nous disons que c’est l’engagement social, la mixité des âges, des sexes, des classes sociales… il ne faudrait pas qu’on nous rétorque que nous avons de bien beaux discours mais que nos actes ne sont pas en cohérence avec ces belles paroles. Et cela relève de la responsabilité d’un Conseil presbytéral : veiller à ce que notre vie d’Eglise soit à la hauteur de ce que nous prétendons être ; veiller à ce que derrière la jolie vitrine des belles intentions, de ce protestantisme tellement séduisant, ce ne soit pas le désert ou la morne plaine remplie d’ossements desséchés. L’Evangile intégralCette histoire de famille racontée par Jésus n’est pas seulement un avertissement contre le risque de publicité mensongère. Elle est également un encouragement à vivre ce que l’un de mes illustres prédécesseurs nommait « l’Evangile intégral ». Wilfred Monod, puisque c’est de lui dont il s’agit, s’est évertué à expliquer qu’il ne suffit pas d’avoir un credo pour être chrétien : encore faut-il avoir un programme sans lequel notre foi, notre théologie, risquent de n’être que de beaux sentiments, de beaux discours, sans aucune prise avec notre vie. Le christianisme social est ce programme qui a été mis en œuvre par la création de la Clairière, ce centre d’action social, aux Halles, qui est aujourd’hui un pôle de référence en matière d’aide, d’accompagnement, d’insertion. Le Christianisme social est ce programme qui a été soutenu en particulier par les pasteurs Loriol, Ducros et, plus proches de nous, Laurent Gagnebin, programme dont nous sommes fiers et qui, aujourd’hui encore, est un élément essentiel de ce que notre Eglise veut être. Les diacres de notre Eglise, qui forment le conseil d’Entraide, ont cette responsabilité que, jamais dans notre Eglise, le christianisme social ne soit mis en veilleuse. Parce que le Christ nous rend attentif au fait que c’est celui qui agit qui fait véritablement la volonté de Dieu le Père, nous considérons que l’entraide n’est pas accessoire dans la vie chrétienne mais qu’elle en est le cœur. Cela explique la place que les diacres occupent, avec les conseillers presbytéraux, dans ce temple de l’Oratoire. Voilà pourquoi, également, nous nous reconnaissons dans le libéralisme théologique et non dans un esprit d’orthodoxie : c’est que le service de l’autre, l’amour du prochain, sont, à nos yeux, toujours supérieurs à un discours éloquent, à l’exactitude de la doctrine sur Dieu. Cela, nous pouvons le dire parce que nous ne lésinons pas sur l’importance que nous accordons à la recherche théologique ; nous pouvons le dire parce que nous investissons dans l’étude, la réflexion de niveau universitaire. La présence du président de l’Institut protestant de théologie, aujourd’hui, notre participation au développement du fonds Ricœur, expriment cela, non pas seulement en belles paroles mais en actes, en vérité ! nous pouvons dire que l’amour du prochain a plus d’importance à nos yeux qu’une formule de catéchisme qui sonne bien parce que nous ne lésinerons jamais sur la part que l’intelligence doit prendre en matière de vie spirituelle, parce que la foi ne sera jamais considérée comme l’ennemi de la raison. L’Evangile intégral, c’est à la fois l’évangile spirituel et l’évangile social, c’est à la fois la prière et le travail. La foi, si elle est déconnectée d’une action en faveur de nos frères et sœurs en humanité, ce peuple de Dieu symbolisé par l’image biblique de la vigne, si la foi n’est qu’un oui sans conséquence, sans suite, alors elle n’est rien d’autre qu’un chèque sans provision. Et pour un protestant, il n’est pas envisageable de ne pas être solvable. Evangile de l’autre chanceUn avertissement contre le risque de publicité mensongère, un encouragement à l’Evangile intégral, cette parabole est aussi une promesse qui s’adresse à nous tous qui sommes des croyants en devenir, qui avons encore à progresser. A côté de ce fils qui dit oui mais qui ne fait pas, il y a donc ce fils qui commence par dire non et qui va finalement faire ce que son père lui avait demandé. On pourrait bien sûr y voir le bon protestant, bien « réboussier », fort de ces racines cévenoles ou drômoises, qui proteste avant même de savoir de quoi il s’agit. Mais Jésus l’explique bien, il ne s’agit pas du huguenot dont les ancêtres ont tracé le sillon que nous empruntons de nos jours. Ce fils qui dit non mais qui agit quand même, symbolise toutes ces personnes qui, dans un premier temps, gardent leurs distances avec Dieu, avec son projet. Collecteurs d’impôts, prostituées… curieux couple qui récapitule tous ceux qui étaient en marge de la société de l’époque, ceux dont la réputation n’était pas très glorieuse, ceux dont les responsables du temple pensait que le salut était tout sauf acquis, pour le dire avec un vocabulaire religieux. Ce sont aussi ceux qui, délibérément, veulent garder une certaine distance avec les choses spirituelles. Ce sont ceux, peut-être, qui dénigrent les questions de foi, trouvant cela puéril, inutile, d’un autre âge… mais voilà qu’ils rencontrent une personne (ici Jean le Baptiste qui invitait à la repentance c’est-à-dire à changer son regard sur la vie, sur l’importance des chose, qui invitait à relativiser certaines institutions, certaines valeurs), et cette personne qu’ils rencontrent ouvre leur regard, les aide à mieux observer le monde, à mieux se comprendre et ils changent finalement d’avis, reconsidèrent leur point de vue. Et ils finissent par réaliser que ce que nous appelons l’Evangile est un bon programme de vie, un chemin intéressant pour rendre le monde meilleur, un peu plus vivable, un peu plus habitable. Et du coup ils retroussent les manches et se mettent au travail. Ceux-là, dit Jésus, sont plus proches de Dieu que ceux qui ont peut-être fait les bons croyants en disant « oui » immédiatement mais qui se sont révélés être un croyant sans consistance, un chèque sans provision. Ceux-là sont proches de Dieu alors que tout les prédisposait à en rester loin jusqu’à la fin de leurs jours. Ce changement, cette transformation, c’est ce que j’appelle l’Evangile de l’autre chance. Celui que les responsables du temple seraient enclins à condamner, à considérer à première vue comme irrémédiablement fichu, celui-là a une autre chance ; non pas seulement une seconde chance comme cela est parfois proposé, en matière d’éducation par exemple, mais une autre chance. Une chance de plus pour échapper à un échec ; une chance de plus pour se sortir d’une mauvaise passe. Une chance de plus pour changer sa vie, pour l’améliorer, pour la rendre utile, pour la rendre plus belle. Cet Evangile de l’autre chance nous sensibilise au fait qu’il y a de la place dans notre histoire pour faire demi-tour quand c’est nécessaire, pour changer de comportement, pour passer à autre chose. Et c’est pour cela, que dans cet esprit libéral qui nous caractérise, nous ne sommes pas seulement tolérants à l’égard des personnes qui peuvent se sentir en marge, exclus ou au ban de la société, mais accueillants, considérant qu’un mieux leur est toujours promis et permis. C’est la raison pour laquelle, toujours dans cet esprit libéral que nous affectionnons, celles et ceux qui ne pensent pas comme nous, celles et ceux qui ne disent pas « oui » à ce que nous disons, sont aussi les bienvenus. Ils sont d’autant plus les bienvenus qu’il n’est pas du tout sûr que nous soyons plus fidèles à Dieu qu’ils ne le sont, comme Jésus nous le fait comprendre dans cette parabole. En ce sens, nous sommes fidèles à cette déclaration des pasteurs, des conseillers presbytéraux et des diacres de cette Eglise qui, le 15 février 1905, alors que la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat se profilait, stipulait, je cite : « les membres de la paroisse de l’Oratoire se regardent comme des frères, alors même qu’il existe entre eux des divergences théologiques qu’ils ne songent pas à dissimuler. Ils sont étrangers à une conciliation diplomatique, obtenue par d’habiles formules susceptibles d’interprétations diverses, et maintenues par un silence prudent sur les points qu’ils n’entendent pas de même ; mais ils pratiquent l’union des cœurs, le respect mutuel, et l’entière loyauté dans la parfaite liberté chrétienne ». Frères et sœurs qui aujourd’hui formez cette assemblée, ayez conscience en vous-même, et dites autour de vous, qu’ici, en ce lieu chargé d’une histoire multiséculaire qui nous oblige, on y pratique l’Evangile de l’autre chance. Et vous, chers diacres, aidez-nous à ce que ce soit toujours l’Evangile intégral qui nous mobilise, en faveur de tous. Quant à vous, Mesdames et Messieurs les conseillers presbytéraux, de grâce, veillez à ce que, jamais, cela ne soit publicité mensongère. C’est ainsi que nous ferons la volonté du Père céleste. Amen No misleading advertising
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Pasteur dans la chaire de
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