Pâques selon Marc

( Marc 16 )

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Culte du jour de Pâques 2014 à l'Oratoire du Louvre
prédication à deux voix par les pasteurs James Woody &Marc Pernot

Sur cette page :

  1. Pâques : le redressement de la nouvelle économie du salut (Marc 16:1-8) , par James Woody
  2. Quelle crédibilité ont nos expériences de foi ? (Marc 16:9-20), par Marc Pernot

1. Pâques : le redressement de la nouvelle économie du salut (Marc 16:1-8)

prédication du pasteur James Woody

Chers frères et sœurs, elle avait pourtant bien commencé la petite entreprise de Jésus. Après l’inscription sur le registre, au bord du Jourdain par Jean le Baptiste, une activité de publicité tous azimuts, des œuvres de bienfaisance… c’était la croissance, une croissance que rien ne semblait pouvoir arrêter. Son activité croissait de façon miraculeuse et le nombre de clients se multipliaient. En chef d’entreprise prévoyant, il avait diversifié l’activité : aussi bien le médical que la politique, la philosophie, la justice, l’alimentaire, l’agroalimentaire, le bâtiment. La concurrence avait fort à faire avec lui qui ne laissait rien passer, pas même un iota. Les trois ou quatre autres sociétés présentes sur le marché commençaient à se faire du souci : le Jésus en question leur prenait des parts de marché.

Depuis que ses parents l’avaient présenté à la bourse de Sion, sa valeur n’avait cessé de progresser dans le tout-Israël. Cette start-up commençait à faire de l’ombre. Cela ne pouvait plus durer. Une OPA non-amicale devait être lancée. Elle aurait lieu un vendredi, avant la fermeture du marché. Elle allait conduire à un vendredi noir, véritable crash.

Les actionnaires allaient lâcher l’affaire. Judas, tout d’abord, qui allait vendre ses actions pour une somme modique. Et puis Pierre, l’héritier, allait se récuser, par trois fois. Cette opération allait conduire inexorablement au dépôt de bilan, dépôt qui allait se faire dans un rocher creusé, clôt par une pierre. Les tenants de la vieille économie du salut avaient réussi leur coup : le temple des sadducéens était sauf. La loi des pharisiens était sauve. L’un des zélotes, Barrabas, était sauf. La pureté des Esséniens était sauve. La paix des Romains était sauve. La nouvelle économie du salut est morte, vive l’ancienne économie !

C’est dans ce contexte que des femmes prennent, peut-être, la rue du mur du Temple, la célèbre « Wall street » et se rendent à la sépulture toute fraîche. La suite, vous la connaissez, nous venons de la relire dans l’évangile selon Marc. Un consultant leur dit : « Jésus de Nazareth vous précède en Galilée ; c’est là que vous le verrez comme il vous l’a dit ».

Ne soyez ni déçus, ni désespérés. Rendez-vous en Galilée, là où Jésus a accompli l’essentiel de son activité ; agissez comme il le faisait, et vous le verrez, dans le moindre de vos gestes, dans la moindre action que vous ferez en faveur de vos frères et sœurs. Car la nouvelle économie du salut n’est pas morte. Elle est redressée. A chaque fois que nous empruntons le chemin de la Galilée, à chaque fois que nous nous dirigeons symboliquement vers ce lieu où Jésus a exercé le principal de son entreprise en incarnant, nous aussi, l’Evangile, nous pouvons voir qu’il est encore possible d’entreprendre selon cette économie-là. Oui, Pâques est un appel, un appel qui nous est lancé à sortir de tout ce qui a l’allure d’une tombe, de tous ces comportements mortels qui consistent à reproduire ce qu’il y a d’ignoble chez les autres ou encore qui consistent à reporter sur d’autres la cause de notre malheur. C’est un appel à sortir de cette attitude qui consiste à entretenir le malheur, à entretenir la mort, à embaumer la mort. C’est un appel à sortir des comportements mimétiques, ces cercles vicieux de la violence collective qui, de nos jours, peuvent se traduire par ce qu’on appelle le bashing, l’art de la flagellation. C’est un appel à prendre ses responsabilités et se rendre en Galilée, soi-même, c’est-à-dire là où l’on prêche l’Evangile, là où l’on guérit, là où l’on manifeste l’amour de Dieu par des signes tangibles, là où la vie prend la tonalité des béatitudes.

Car la nouvelle économie du salut est sortie des limbes. Elle est bel et bien ressuscitée. Le temple des sadducéens a fait son temps. La loi des pharisiens a fait son temps. La révolte des zélotes a fait son temps. La pureté des esséniens a fait son temps. La paix romaine a fait son temps. Toutes ces composantes de la vieille économie, marquées par le cynisme de ceux qui opèrent par petits arrangements entre frères ennemis, s’avèrent être les véritables victimes de la croix qui les révèle incapables d’empêcher la violence de masse, incapables d’inscrire le bien dans la durée, d’accomplir des œuvres de justice. Et le temps s’ouvre, comme ce tombeau, pour cette nouvelle économie qui pose que ce qui est capital est la possibilité qu’il y ait des interactions charitables entre les personnes, entre les sociétaires de cette entreprise animée par l’esprit de service. Oui, il est encore possible d’aimer et d’être aimé.

C’est une économie qui nous rappelle que ce qui importe ce n’est pas d’entretenir le temple, ce n’est pas de respecter la lettre de la loi, de se maintenir en état de pureté rituelle, autant de d’attitudes qui ankylosent la vie, mais c’est adhérer à ce qui donne de l’entrain à la vie. C’est une économie qui valorise l’investissement dans l’humain et qui libère les initiatives individuelles qui encouragent l’épanouissement de nos frères et sœurs en humanité. Là où la vieille économie cherchait à conserver les choses en l’état, la nouvelle économie suscitée par Jésus nous invite à développer tout ce qui concourt à l’éclosion des talents personnels. L’Evangile dit que nous en sommes capables. Certes, une telle responsabilité a de quoi faire peur, à l’image de ces femmes qui sortent du tombeau ; l’expérience de la liberté est terrifiante car un monde nouveau s’ouvre devant nous. Mais elles est aussi fascinante : quelle belle perspective qu’un monde où il est possible de rendre la vie vivable et d’être l’artisan du bonheur de son prochain.

Amen

2. Quelle crédibilité ont nos expériences de foi ?
(Marc 16:9-20)

prédication du pasteur Marc Pernot

Jésus reproche aux disciples « de ne pas avoir cru ceux qui l’avaient vu ressuscité » (v.14). Mais à vrai dire, quelle était la crédibilité de ces témoignages de personnes disant que Jésus leur était apparu ? S’il n’est pas bon d’être incrédule et de passer ainsi à côté de quelque chose d’essentiel, il n’est pas bon non plus d’être crédule et de se laisser embarquer par n’importe quel illuminé ou pire, par n’importe quel manipulateur déguisant son entreprise en église vivante et sympa. Alors, est-ce qu’il y avait de bonnes raisons de croire ou de ne pas croire ces prétendus témoins du Christ ressuscité ?

La cohérence entre la parole et l’être

C’est vrai que leurs témoignages pourraient être ceux de personnes ayant des hallucinations. Mais si c’était le cas, cela ne produirait que peu de résultats positifs, et serait source de souffrance pour eux-mêmes ou pour leur entourage. Au contraire, après un moment de stupeur, ce qui leur est arrivé les mobilise, les rend plus vivants et les fait s’intéresser aux autres, aller vers eux pour partager ce qui les a eux-mêmes en quelque sorte ressuscités. Et ils ne se scandalisent pas que les autres ne les croient pas, il y a une douceur dans leur attitude, et en même temps un enthousiasme et une force. Alors peut-être ont-ils rêvés en pensant voir Jésus ressuscité, peut-être ont-ils présenté d’une curieuse façon ce qu’ils ont vécu, mais ce qui est certain c’est que cela a été pour eux ressuscitant.

La diversité de ces expériences

Le 2ème indice positif pour la crédibilité de ces témoignages est bien relevée dans le texte. Il nous est dit que Jésus apparaît sous des « formes » différentes (v.12), et non pas toujours de la même façon. Cette diversité assumée entre les témoins est clairement assumée dans les textes du Nouveau Testament. Entre les récits où Jésus apparaît sous « forme » d’un corps de chair qui mange (Lu 24:43), les récits où il a la forme d’un jeune homme habillé de blanc (qui n’a donc rien à voir physiquement avec Jésus avant Mr 16:5), Paul qui exprime cette expérience comme une lumière et une voix(Actes 9:3), et Pierre qui dit que Christ est mort en ce qui concerne la chair, mais rendu vivant en ce qui concerne l’Esprit (1 Pierre 3:18)… Cette diversité nous autorise à avoir notre propre  opinion sur le mode de résurrection de Jésus, et cette diversité est un signe positif quant à la sincérité des témoignages. Ceux qui ont vu quelque chose ne se sont pas sentis obligés de dire comme les autres. Quand on a vraiment le sentiment de dire la vérité, on a moins peur de la diversité des témoignages, et on peut dire : ben, moi, j’ai vu ça comme ça, c’est tout, si d’autres ont vu autre chose, pas de problème.

Le mobile

Le 3ème indice positif me semble être le mobile. Les personnes qui disent avoir vécu cette expérience en témoignent mais ne cherchent à en tirer aucun pouvoir sur les autres, ne fondent pas une nouvelle secte pour autant. Cette idée de résurrection ne vient pas non plus d’un groupe qui imaginerait cette mise en scène après la mort de son leader, ou qui réagirait ainsi pour tenter d’explique la surprise du tombeau vide. Au contraire, le groupe des disciples s’oppose à cette idée de résurrection qui vient de quelques individus isolés, et qui est plutôt contre-productive. Car ces récits de résurrection ne semblent convertir personne, au contraire. Par exemple, l’apôtre Paul, ce ne sont absolument pas les témoignages de centaines de personnes qui vont à le convaincre de la vie qui est en Christ, cela ne fait que l’énerver encore un peu plus contre les chrétiens. Ce n’est que quand lui-même en fait personnellement l’expérience qu’il changera. Ces paroles de rencontre avec le Christ vivant partent d’expériences d’individus indépendants qui en témoignent. Car finalement c’est cela qui semble se passer. La résurrection n’est pas quelque chose qui arrive au Christ qui deviendrait puissant à la face du monde, mais l’événement de Pâques arrive toujours à une personne qui cherchait quelque chose mais pas ça.

La foi et la souplesse d’esprit

Alors qu’est-ce qui empêche les apôtres de croire les personnes disant que Jésus leur était apparu ? D’après le texte, ce sont deux choses : leur manque de foi, et la dureté de leur cœur. A priori, il ne leur est pas reproché de ne pas avoir senti la présence du Christ vivant, beaucoup ne l’ont pas senti. Ce n’est pas non plus obligatoire maintenant, même si l’Evangile annonce que Jésus « est avec nous chaque jour jusqu’à la fin du monde », personne n’est obligé de le ressentir. Ni Marc qui a écrit cet évangile que nous lisons, ni Luc ne disent avoir expérimenté la présence du Christ ressuscité, ni auprès d’eux, ni dans leur cœur. Alors que d’autres, oui, en témoignent, hier et aujourd’hui. Ce n’est donc pas grave si l’on n’expérimente pas ce genre de choses soi-même, mais Jésus nous dit que si l’on a un peu de foi et un peu de souplesse d’esprit, on devrait pouvoir croire celui qui en témoigne de façon crédible. Et bénéficier de cette connaissance qu’il existe d’autres dimensions que celles qui nous sont familières. Et voir les effets positifs chez cette personne qui en témoigne sans en être jaloux pour autant. Comme un aveugle qui fait confiance au voyants qui lui disent qu’il y a quelque chose à voir. Et qui peut s’en réjouir de toute façon.

Mais effectivement, cela demande de la foi, celle que Dieu est plus grand que ce que moi seul peut en saisir et que c’est par bien des dimensions qu’il s’adresse à l’humain. Cela demande de la souplesse pour accepter d’évoluer et accepter la diversité des modes de relations au Christ, à Dieu, et au monde. Ce qui est aussi une question de foi, en réalité. Et cela rend service à la foi chrétienne, car cette diversité même est un signe de la Vérité de ce qui l’anime, et renforce donc sa crédibilité. La « tunique du Christ » n’est pas déchirée par cette diversité, mais elle tire son unité du tissage de fils qui vont dans des sens radicalement différents.

Expériences de foi, sincérité et courage

Tous, chacun, nous avons des expériences de foi, que nous les exprimions ou non comme telles, et quelle que soit « la forme » que peuvent prendre nos contacts avec la source ultime de la vie.

Comme ces femmes, nous pouvons avoir peur de ces ouvertures vers ce qui nous dépasse, peur de ce qu’elles recèlent d’inconnu, peur de perdre le contrôle. Mais non, l’expérience mystique, comme l’intuition philosophique peut-être, est fugace, cela passe comme le Christ ressuscité qui disparaît après un geste, après quelques mots, nous laissant avec une expérience et avec une faculté nouvelle. Quelque chose qui nous donne envie d’en vivre et d’en témoigner, car toute belle chose vécue est encore plus belle quand on en parle à ceux que l’on aime.

Mais comment être crédible en ce domaine ? Peu importe nous dit cette page d’Évangile, il suffit d’être simplement soi-même, sincère et doux, l’essentiel est que cela sorte, s’exprime dans un mouvement vers les autres, vers le monde. Le reproche de Nietzsche est injuste quand il reproche aux chrétiens de ne pas avoir une tête de ressuscités. Nous pouvons avoir la tête que nous voulons, la joie que donne la foi n’est pas nécessairement celle qui donne envie de se tordre de rire, nous n’avons pas à afficher nécessairement de grands faux sourires, mettant en scène une apparence de joie et de vie.

Il ne s’agit pas non plus de jouer un rôle, prétendant avoir une puissance surnaturelle comme de chasser des démons et guérir des maladies d’un seul geste de bénédiction, ou alors, si on prend ce passage à la lettre (Marc 16 :18) il faut aussi être capable d’assimiler la morsure de 12 cobras et 1 litre de ciguë sans aucune peine.

Accompagnés de Dieu, donc de miracles

Et pourtant oui, nous dit ce texte, quand nous avons le courage de vivre notre foi, d’en témoigner simplement comme nous l’avons vécu, nous pouvons aller dans le monde, nous frotter à lui, nos paroles seront accompagnées de cette puissance de résurrection qu’est Dieu lui-même, vraiment présent et laissé libre d’agir par notre sincérité et notre simplicité. Les démons de la folie, le poison de l’indifférence, les serpents de la tentation, et la maladie qu’est le péché tremblent. Bien des morts se relèvent alors.

Amen.

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Pasteur dans la chaire de l'Oratoire du Louvre - © France2

Pasteur dans la chaire de
l'Oratoire du Louvre
© France2

Lecture de la Bible

Marc 16

Lorsque le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques, et Salomé, achetèrent des aromates, afin d’aller embaumer Jésus.
2 Le premier jour de la semaine, elles se rendirent au sépulcre, de grand matin, comme le soleil venait de se lever.
3 Elles disaient entre elles: Qui nous roulera la pierre loin de l’entrée du sépulcre?
4 Et, levant les yeux, elles aperçurent que la pierre, qui était très grande, avait été roulée.
5 Elles entrèrent dans le sépulcre, virent un jeune homme assis à droite vêtu d’une robe blanche, et elles furent épouvantées.
6 Il leur dit: Ne vous épouvantez pas; vous cherchez Jésus de Nazareth, qui a été crucifié; il est ressuscité, il n’est point ici; voici le lieu où on l’avait mis.
7 Mais allez dire à ses disciples et à Pierre qu’il vous précède en Galilée: c’est là que vous le verrez, comme il vous l’a dit.
8 Elles sortirent du sépulcre et s’enfuirent. La peur et le trouble les avaient saisies; et elles ne dirent rien à personne, à cause de leur effroi.

(Ici se termine l'Evangile selon Marc dans les plus anciens manuscrits.
D'autres manuscrits ont une finale plus longue, ajoutant les versets 9 à 20 )

9 Jésus, étant ressuscité le matin du premier jour de la semaine, apparut d’abord à Marie de Magdala, de laquelle il avait chassé sept démons.
10 Elle alla en porter la nouvelle à ceux qui avaient été avec lui, et qui s’affligeaient et pleuraient.
11 Quand ils entendirent qu’il vivait, et qu’elle l’avait vu, ils ne le crurent point.
12 Après cela, il apparut, sous une autre forme, à deux d’entre eux qui étaient en chemin pour aller à la campagne.
13 Ils revinrent l’annoncer aux autres, qui ne les crurent pas non plus.
14 Enfin, il apparut aux onze, pendant qu’ils étaient à table; et il leur reprocha leur incrédulité et la dureté de leur coeur, parce qu’ils n’avaient pas cru ceux qui l’avaient vu ressuscité.
15 Puis il leur dit: Allez par tout le monde, et prêchez la bonne nouvelle à toute la création.
16 Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé, mais celui qui ne croira pas sera condamné.
17 Voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru: en mon nom, ils chasseront les démons; ils parleront de nouvelles langues;
18 ils saisiront des serpents; s’ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur feront point de mal; ils imposeront les mains aux malades, et les malades, seront guéris.
19 Le Seigneur, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel, et il s’assit à la droite de Dieu.
20 Et ils s’en allèrent prêcher partout. Le Seigneur travaillait avec eux, et confirmait la parole par les miracles qui l’accompagnaient.