Noël selon Marc

(écouter l'enregistrement)  (voir la vidéo)

Culte du jour de Noël 2013 à l'Oratoire du Louvre
prédication à deux voix par les pasteurs James Woody &Marc Pernot

Sur cette page :

  1. Noël, l'espérance active (Marc 1:1-3), par James Woody
  2. Que Jésus se convertisse (Marc 1:4-13), par Marc Pernot

1. Noël, l'espérance active
(Marc 1:1-3)

prédication du pasteur James Woody

Chers frères et sœurs, juifs et chrétiens ont en commun d’attendre la venue du Messie. Le judaïsme attend la première venue tandis que le christianisme attend son retour. Dans les deux cas, deux écoles s’affrontent. La première considère que c’est le retour du Messie qui provoquera le surgissement de ce que la Bible appelle le Royaume de Dieu ; la seconde école considère que c’est l’instauration d’un temps de paix universelle qui suscitera l’advenue du Messie, ou du Christ, si nous le nommons dans la langue grecque.

L’attente passive

La première école est une attente passive. Elle pose que la grâce divine l’emportera sur toutes nos résistances, sur toutes nos bassesses. Le Messie viendra à l’improviste, tel un voleur (Luc 12/39-40). La venue du Messie est une action irrésistible qui emportera nos volontés rebelles et imposera son Shalom, sa paix, sans que nous ayons fait quoi que ce soit de déterminant pour cela.

Cette attente passive a le mérite d’insister sur l’action divine, sur le rôle prépondérant de la grâce et relativise la part de l’homme qui pense être l’acteur principal de cette histoire du salut qui doit nous conduire à ce matin éternel où chaque homme verra dans celui qui s’approche un frère, une sœur. Sur le plan éthique, cette attente passive déresponsabilise l’homme puisque celui-ci est supposé tout recevoir de Dieu. L’attente passive conduit plutôt à se croiser les bras qu’à retrousser les manches, ce qui, en certaines occasions peut s’avérer une bonne chose tant nous sommes capables d’entraver le travail d’humanisation de notre monde. Sur le plan historique, nous pouvons nous interroger sur le bien fondé de cette posture théologique : les siècles passent et notre espérance a de quoi être déçue au regard de notre monde où tant d’horreurs continuent à être commises, où le Shalom de Dieu est loin d’être une réalité universelle, où l’action bienveillante de Dieu n’a rien d’éclatant.

L’attente active

L’Evangéliste Marc en son temps, déjà, était affronté à cette question lancinante : l’avènement du Royaume de Dieu dépend-elle, ou non, de l’action des hommes ? C’est sur cet aspect qu’il ouvre son évangile, en se référant à une double annonce proclamée par les prophètes Malachie et Esaïe : un homme qui crie dans le désert pour frayer le chemin du Messie et qui appelle à préparer les chemins du Seigneur. En se référant à ces deux prophéties, Marc se positionne en faveur de la seconde école, celle qui valorise une attente active. Oui, le Messie doit venir, mais il ne pourra advenir sans que nous lui ayons fait une place pour l’accueillir.

Marc ne sous-estime pas l’action décisive de la grâce, mais il révèle que la grâce peut être mise en échec si nous ne nous impliquons pas personnellement pour qu’elle prenne chair dans notre histoire. « Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa voie ! » lance-t-il à la face des croyants qui s’imagineraient exempts de toute responsabilité. Marc ne fait pas référence explicitement à l’événement de Bethléem, mais Noël au sens de la naissance d’une histoire où Dieu fraye son chemin au milieu des hommes est bien au cœur de ce début d’évangile. Et nous pouvons songer à ce qui serait advenu si Marie avait été stérile, si elle avait fait une fausse couche, si le nouveau-né n’avait pas été arraché à la violence aveugle d’un Hérode malade de savoir qu’un concurrent venait de voir le jour. L’intervention de Dieu dans notre histoire est marquée par la vulnérabilité. Jésus aurait pu ne pas naître ; il aurait pu ne pas grandir. Il est d’ailleurs possible qu’avant Jésus, d’autres Messie en puissance n’aient pas pu exercer leur ministère parce que tués dans l’œuf, empêchés d’accomplir leur vocation. Aujourd’hui encore, cette menace existe. Contre ceux qui préfèrent se croiser les bras en attendant que des jours meilleurs arrivent, par je ne sais quel acte surnaturel, Marc affirme que le Messie et le Royaume de Dieu ne peuvent advenir que là où des individus espèrent activement que Dieu s’implante, qu’il fasse histoire, qu’il renouvelle de fond en comble notre existence. C’est la grâce qui coûte de Dietrich Bonhoeffer, c’est l’exigence éthique de ces héros de la foi dont les temps modernes ont reconnu l’action par l’attribution de prix Nobel de la paix, c’est nous, à chaque fois que nous nous levons pour défendre la cause de l’Eternel, à chaque fois que nous rendons praticable la voie divine.

En nous réjouissant tous ensemble pour cette belle fête de Noël, nous déclarons que notre espérance n’est pas morte ; nous déclarons que notre foi nous conduit à traduire l’Evangile éternel en actes, en projets, là, maintenant, car chaque action que nous menons selon l’Esprit de Noël est un nouveau « commencement [possible] de la bonne nouvelle de Jésus-Christ, Fils de Dieu ».

Amen

2. Que Jésus se convertisse
(Marc 1:4-13)

prédication du pasteur Marc Pernot

Nicodème était un chef des Juifs, un pharisien remarquable, qui n’avait probablement plus grand-chose à prouver. Il avait un niveau de connaissance digne des meilleurs théologiens, mais ce savoir restait à la surface de sa vie. Tout ce qu’il pouvait savoir sur Dieu, sur la vie en plénitude, tout cela ne le touchait pas au cœur, cela ne l’avait jamais changé de fond en comble. Il savait, mais il n’y croyait pas. C’est ainsi que j’explique que Nicodème, tout respectable qu’il était aux yeux des hommes, n’eut pas le courage d’aller à la rencontre de Jésus en plein jour. C’est au cœur de sa nuit qu’il vint auprès de Jésus pour s’entretenir des questions qui lui tenaient à cœur. C’est de cet épisode qu’est née l’expression « nicodémite » pour désigner ceux qui n’osent pas vivre leur foi au grand jour.

N’avoir ni peur ni honte de vivre

Jésus l’invite immédiatement à naître de nouveau, à naître d’en haut. Il lui fait comprendre qu’il faut arrêter de vivre seulement en fonction de ses peurs, jamais de ses désirs. Jésus lui explique qu’à vivre à hauteur d’homme on ne s’élève jamais plus haut que ce que nous sommes capables par nos propres moyens.

A quoi bon fêter Noël si, toi, tu ne viens pas au monde, si tu restes enfermé dans ton tourment intérieur ? Car Noël, n’est pas l’histoire d’une naissance qui reste dans l’ombre, cachée au cœur de la nuit. Noël, dès le départ, va connaître ce que nous appellerions aujourd’hui un buzz, un bruit médiatique assez important pour que la nouvelle gagne de proche en proche toute la région et plus tard le monde entier. Fêter Noël, c’est donc fêter la fin de la vie cachée, de la vie avec la peur au ventre, de la vie avec la honte vissée au creux des reins. Fêter Noël, c’est participer à cette publicité de la vie ; c’est mettre en lumière la beauté d’une naissance et la grandeur d’une existence. A quoi bon fêter Noël si c’est pour rester enfermé dans ses craintes, ses obsessions, si c’est pour ne vivre qu’un bout de ce que Dieu nous permet ?

Etre libre

A quoi bon fêter Noël si toi, tu ne viens pas au monde, si tu n’es pas libre de ta parole, de tes choix, de ton éthique ? L’Esprit qui te porte, l’Esprit qui est ton souffle, nul ne peut le maîtriser, nul ne peut le prévoir. Il échappe à nos pronostics, aux prédictions des Mayas, des analystes, au FMI, au gouvernement, aux professeurs ronchons. L’Esprit qui est notre capacité à nous mettre en relation avec autrui et à produire du fruit, ne peut pas être mis en équation, il est indéterminé, libre comme l’air qu’il remue sans cesse.

Naître d’en haut, agir selon l’Esprit, c’est laisser notre créativité donner toute sa démesure. C’est découvrir que nous sommes autorisés à aimer sans limite, sans frein, sans peur et sans honte. Se sentir autorisé, c’est l’œuvre de la foi, de la confiance dans notre capacité à entreprendre de grandes et belles choses. C’est aussi considérer que nous ne sommes pas nés une fois pour toutes. Dans le dialogue entre Nicodème et Jésus, quelque chose de neuf se crée. Nicodème découvre un nouvel aspect de la vie auquel son intelligence, son savoir, ne l’avaient pas rendu sensible jusque là : il n’est pas vrai que nous n’en finissons pas de vieillir ! Il est vrai que nous n’en finissons pas de venir au monde.

C’est dans cette perspective qu’il est juste et bon de fêter Noël : il s’agit de célébrer la vie qui excède tout ce qu’on en a dit jusque là, tout ce que les plus grands cerveaux ont pu concevoir. Par les nouvelles rencontres que nous faisons, par les nouvelles entreprises que nous initions, nous ne nous contentons pas de ce que nous pouvons faire individuellement, mais nous nous ouvrons à ce que nous pouvons accomplir ensemble, sur cette terre où Dieu nous donne d’évoluer.

Le monde, un lieu pour vivre toujours à nouveau

Si nous prenons au sérieux cette déclaration d’amour de Dieu pour le monde, alors notre vie, ici et maintenant, ne peut que s’intensifier, gagner en qualité. Si nous prenons au sérieux la déclaration d’amour de Dieu pour le monde, nous pouvons expérimenter d’ores et déjà cette vie éternelle qui consiste à vivre de manière absolue, sans avoir à regretter ensuite notre trajectoire. Dans notre face à face avec le divin, nous pouvons atteindre des sommets de l’existence qui seront à jamais constitutifs de notre être, que rien, ni personne, ne pourra jamais nous retirer.

A quoi bon fêter Noël si, toi, tu ne viens pas au monde ? Car le miracle par lequel le monde est sauvé, c’est la natalité, écrivait Hannah Arendt. En effet, c’est par la naissance que notre humanité est à même de produire quelque chose de singulièrement neuf, capable de sauver le monde de la reproduction stérile d’un état qui est, pour l’heure, loin d’être satisfaisant. Aimer le monde, à la suite de Dieu, c’est agir pour qu’il soit un peu plus vivable, un peu plus propice à être source de joie pour ceux qui l’habitent. Cela n’est possible qu’à la condition que nous sortions de nos tanières, que nous vivions au grand jour, que nous cessions d’être l’ombre de nous-mêmes.

Fêter Noël, c’est célébrer notre capacité à ajouter de la vie à la vie, la capacité qui nous est donnée par Dieu de renouveler l’élan qui nous attire vers la vie éternelle. 

Amen

pouvez réagir sur le blog de l'Oratoire

Pasteur dans la chaire de l'Oratoire du Louvre - © France2

Pasteur dans la chaire de
l'Oratoire du Louvre
© France2

Lecture de la Bible

Marc 1:1-13

Commencement de l’Evangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu.

2 Selon ce qui est écrit dans Esaïe, le prophète: Voici, j’envoie devant toi mon messager, Qui préparera ton chemin; 3 C’est la voix de celui qui crie dans le désert: Préparez le chemin du Seigneur, Aplanissez ses sentiers,

4 Jean parut, baptisant dans le désert, et prêchant le baptême de repentance, pour le pardon des péchés.

5 Tout le pays de Judée et tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui; et, confessant leurs péchés, ils se faisaient baptiser par lui dans les eaux du Jourdain.

6 Jean avait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins. Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. 7 Il prêchait, disant: Il vient après moi celui qui est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de délier, en me baissant, la courroie de ses souliers. 8 Moi, je vous ai baptisés d’eau; lui, il vous baptisera du Saint-Esprit.

9 En ce temps-là, Jésus vint de Nazareth en Galilée, et il fut baptisé par Jean dans le Jourdain. 10 Au moment où il sortait de l’eau, il vit les cieux s’ouvrir, et l’Esprit descendre sur lui comme une colombe. 11 Et une voix fit entendre des cieux ces paroles: Tu es mon Fils bien-aimé, en toi j’ai mis toute mon affection.

12 Aussitôt, l’Esprit poussa Jésus dans le désert, 13 où il passa quarante jours, tenté par Satan. Il était avec les bêtes sauvages, et les anges le servaient.