Le roi, le prêtre, le prophète et le soldat(2 Rois 1:2-17 ; Matthieu 5:43-45) (écouter l'enregistrement) (voir la vidéo) Culte du dimanche 21 octobre 2012 à l'Oratoire du Louvre Une histoire choquanteChers amis, le texte que je vais vous lire raconte une histoire absolument horrible, j’aime autant vous prévenir tout de suite, avec Dieu qui tuerait plein de gens. Mais vous devinez bien que si je vous en parle c’est qu’il existe une façon de lire cette histoire qui soit cohérente avec l’Évangile du Christ, et qui nous aide à recevoir cet Évangile, et à en vivre. L’Évangile, c’est que Dieu est source de vie, partout et toujours, c’est ce que Jésus montre par bien des gestes et des paroles, comme quand il l’Évangile que Dieu aime et fait du bien même à ses ennemis (Matthieu 5:43-46). Nous allons donc chercher comment comprendre comment cette théologie peut s’appliquer dans l’histoire qui est à la fin du 1er livre des Rois et au début du 2e. o0o Il faut reconnaître que cela se passe mal pour le roi Achazia. Il est au sommet de la puissance, il monte même dans la plus haute terrasse de son palais, qui domine la ville. Mais sa vie sera une véritable dégringolade. Qu’est-ce qui n’a pas marché ? Est-ce que c’est Dieu qui l’a puni avec un accident ? Est-ce que c’est Dieu qui tue ses soldats et qui le tue à la fin de l’histoire ? C’est impossible. Dieu ne blesse pas, il ne fait pas tomber, il ne tue pas. Au contraire, il cherche à guérir, à relever et à faire vivre. Jamais, il n’abandonne un seul de ses enfants. Alors comment lire ce texte ?À la base, il y a probablement une histoire vraie d’un mauvais roi d’Israël. Mais cette histoire est si ancienne (2900 ans) et dans un pays si lointain que cela n’a pas beaucoup d’importance pour nous de savoir ce qui est arrivé à ce roi. Mais à l’occasion de cette histoire, un prophète a écrit ce texte pour témoigner de sa foi et comment vivre en ne passant pas à côté du salut de Dieu comme ce roi stupide et méchant. Mais plutôt de progresser, de nous élever dans l’ordre de la bonté, de grandeur de nos idéaux et de nos actions… plutôt que de dégringoler, devenant de plus en plus mauvais, devenant néfaste pour les autres autour de nous, et nous détruisant nous-mêmes comme Achazia. Cette histoire est donc à comprendre comme une prédication, ou comme un conte théologique. Comment interpréter cette histoire ? Regardons les personnages de cette histoire pour voir en quoi ils parlent de nous et de notre vie.
Chacun de nous est tout un peupleComme souvent, dans la Bible, la lecture la plus intéressante est de considérer que chacun des personnages de l’histoire représente une facette de notre personnalité. En effet, nous ne sommes ni tout à fait le méchant roi Achazia, ni tout à fait le génial prophète Élie. Nous sommes l’un et l’autre. Nous sommes à la fois un roi ou une reine qui doit prendre de bonnes décisions, nous sommes prêtre et théologien, nous avons de la force comme les soldats, pour faire le bien ou pour faire le mal, et nous sommes prophète. Tout cela est très bien. Il n’y a, à priori, que des bonnes dimensions dans ce royaume, dans le peuple d’Achazia, sauf que… le roi n’est pas en forme, il est mal orienté. Et quand notre centre de décision ne va pas c’est tout notre être qui régresse, comme quand dans une équipe constituée des meilleurs joueurs, si l’entraîneur décide n’importe quoi. Il y a d’abord une bonne nouvelle dans ce texte, c’est que même dans ce peuple qui est gouverné par un roi stupide et méchant, il reste quelque part un petit prophète sur sa montagne. Même dans un homme stupide et méchant faisant souffrir tout le monde et refusant Dieu, même dans cet homme-là, nous dit ce texte, il reste quelque chose comme une étincelle de présence de Dieu qui sans cesse essaye de réveiller en nous le meilleur, de réorienter notre visée, de remettre sur pied notre roi. Et que ce soit plutôt par le cœur, par l’idéal, par la foi et par la bonté qu’il soit grand. Il y a donc un roi en chacun de nousComme Achazia, nous sommes rois de notre vie. Nous faisons des choix tous les jours, des petits choix et des grands choix. Nous avons comme lui des moyens à notre disposition, une intelligence, une force, du temps libre, des personnes qui nous aiment, des moyens matériels aussi... Comment choisir ? Ce n’est pas toujours facile de facile de choisir, et pas facile de bien décider dans sa vie. Je peux choisir quelque chose aujourd’hui, mais est-ce que cela fera avancer mon Royaume, c’est-à-dire mon être, ma vie, et ceux qui me sont confiés, ceux que j’aime ? Et ces choix d’aujourd’hui, quels risques comportent-ils que je me casse la figure comme Achazia. Et qu’est-ce qui fait qu’il reste ainsi coincé, incapable de rebondir, incapable de réorienter ses choix comme une mouche qui s’acharne à vouloir traverser une vitre ? Achazia désire s’élever, progresser. C’est un bon point. Mais tout dépend de ce que l’on entend par là. Il y a s’élever et s’élever. Achazia choisit d’adorer le dieu Baal, le dieu de la force et de la possession. Est-ce que c’est une bonne idée ? Oui et non. Il est bon d’avoir de la force, il est bon de posséder des moyens d’agir. La force et les possessions sont formidables comme des outils peuvent être formidables pour faire le bien mais peuvent être aussi néfastes si on en fait n’importe quoi. La force et la possession sont un peu comme un marteau. C’est un bon outil, mais il peut servir aussi bien à construire une maison pour abriter une famille que pour assassiner quelqu’un. Il est donc bon de posséder un marteau mais que son usage soit déterminé par un beau projet. Et que ce soit ce bon projet qui oriente nos choix. La foi, ce prophète que Dieu nous donne pour habiter au plus profond de nous est un bon conseil pour conseiller le roi, mais encore faut il que le roi veuille bien l’écouter. Dieu est vivant, il est un idéal vivant qui dépasse ainsi des idéaux figés que permettent d’avoir de bonnes valeurs, une bonne morale. Dieu nous aide à nous adapter, à inventer du jamais vu, à avoir un chemin personnel et libre. Mais l’erreur d’Achazia est plus bête que cela, et pourtant son erreur est très fréquente, aussi bien il y a 3000 ans qu’aujourd’hui. Achazia choisit d’avancer en adorant la force et la possession. Ça semble naturellement une bonne idée car ces choses peuvent être tr !s utiles, elles augmentent les possibilités de choix…. Mais elles ne disent pas du tout comment choisir bien. En adorant le dieu de la puissance, c’est comme s’il adorait un marteau. C’est comme s’il avançait les yeux fixés sur un un joli marteau qu’il tient au bout de son bras sans regarder la carte, sans savoir où il veut aller, juste en adorant son marteau, sa puissance, hyper content de son beau marteau. C’est comme s’il prenait des décisions dans sa vie en parlant à son marteau. C’est absolument ridicule, et c’est dangereux pour sa vie. C’est pour cela qu’il tombe. Parce que sa vie n’a pas de visée supérieure. Et donc même si nous ne sommes pas très théologiens, pas de très bon philosophes, au moins cherchons un idéal supérieur qui ne soit pas rien, qui ne soit pas la simple adoration de la puissance, de la richesse et de la force. Il y a un prêtre en chacun de nousComme Achazia, nous pouvons choisir notre adoration. Et en ce sens nous sommes tous prêtres. Achazia envoie des serviteurs pour interroger Baal, après s’être cassé la figure du haut de cette pauvre grandeur dont il était si fier. Drôle d’idée d’aller interroger le dieu Baal. L’auteur de cette histoire rigole en appelant le dieu d’Achazia Baal-Zéboul, le puissant Seigneur des mouches. C’est bien vu, ces bêtes avancent complètement au hasard dans leur vie, elles ont le type même de celui ou celle qui suit le seul hasard, ou le seul désir de l’instant. Mais Dieu, incroyablement, envoie avec bonté son prophète vers ces serviteurs, ils vont littéralement « se convertir » et revenir vers Achazia en lui donnant l’adresse de celui qui peut l’aider à se relever et à enfin avancer sur le chemin de la vie et non de la mort. N’hésitons donc pas à prier, même faux, même si nous ne savons pas bien qui est Dieu, ni même s’il existe, au moins prions. Cherchons, espérons. Dieu, avec douceur, essayera de convertir notre prière pour l’exaucer d’une bonne façon, nous invitant à réorienter notre espérance vers la source de la vie. Il y a donc un prophète en chacun de nousSa parole, la Parole de Dieu au plus profond de nous, venant au détour de notre prière ou de la lecture de la Bible, ou d’un événement de notre vie, ou d’une parole de quelqu’un… Cette parole est souvent douce, éclairante, réconfortante. Mais parfois cette parole peut nous déranger comme elle dérange Achazia qui la reçoit comme une menace contre lui-même, alors qu’elle dérange seulement cette fausse idée de grandeur à laquelle nous sommes parfois si attachée, ou celle folie d’adorer n’importe quel seigneur des mouches. Jamais, pourtant, nous dit Jésus-Christ, Dieu n’est autrement que bienfaisant et bénissant. La voix de Dieu en nous n’est jamais menaçante, la Bible n’est jamais à lire comme une menace, mais elle est souvent un miroir qui nous révèle à nous-mêmes. Et oui, c’est parfois franchement dérangeant, mais c’est comme cela que l’on peut avancer. Car en même temps que le problème nous découvrons par Dieu la solution à nos faiblesses. Il est là pour nous. C’est ce que sait Élie, lui qui a expérimenté Dieu comme puissance de secours dans la détresse, de pardon dans la faute, comme le Dieu qui n’est pas dans les ouragans terribles mais dans la douceur d’un souffle léger qui caresse notre joue et nous montre une présence et une invitation. Nous avons des forces pour agirMais encore une fois, le roi Achazia prend alors une mauvaise décision. Il envoie ses forces armées pour faire tomber le prophète qui le dérange. Ces bonnes forces qui pourraient servir à faire vivre, à soigner, à arracher le mal et à inventer de bonnes choses. Une fois, deux fois, trois fois Achazia s’acharne à vouloir entraîner l’étincelle de vie divine vers le bas. Vague après vague, les bataillons de 50 soldats cherchent à faire dégringoler Élie du haut de sa montagne, du haut de sa proximité avec Dieu. Mais non. Comme la mauvaise prière avait progressé et s’était convertie, la force de négation de Dieu en nous sent que cette étincelle spirituelle est la racine même de l’amour et que notre vie est vraiment précieuse à ses yeux. Ce qui permet cette conversion, c’est symboliquement ce feu descendant du ciel. ce n’est pas n’est pas une mort qui viendrait de Dieu pour tuer des personnes, mais ce feu est comme la puissance d’Esprit que Dieu donne aux disciples de Jésus à la Pentecôte. C’est une force de purification pour éliminer une mauvaise puissance qui nous ronge de l’intérieur, étouffant le jaillissement de vie dans notre personnalité profonde. Élie accompagne alors les soldats auprès du roi malade. Oui, le souffle de vie de Dieu nous accompagne alors dans les profondeurs de notre détresse, dans ce qui est en train de mourir en nous-mêmes. Élie accompagne les soldats vers le roi. Nous pouvons mettre nos forces, même si c’était nos dernières forces, pour aller chercher au plus profond de nous mêmes, cette étincelle de vie qu’est Dieu. Une puissance de vie qui n’attend qu’un gesteComme dans toutes les histoires de prophète, il aurait suffi d’un geste d’Achazia pour qu’il passe de la mort à la vie. Sa prière commence à se convertir, ses forces commencent à sentir que sa vie est infiniment précieuse aux yeux de Dieu, mais il reste obstinément fermé à l’aide de Dieu. Il a tout pour être quelqu’un de génial : il a une capacité à décider, il a la volonté d’avancer, il a une recherche par la prière, il a des forces pour agir et l’Esprit de Dieu est là, près de lui, en lui... Il suffit de remettre en ordre ces bonnes dimensions plutôt qu’en vrac. Il suffisait d’un geste, d’un regard bien orienté. Pour le reste, le prophète que Dieu a mis en nous peut réaliser ce miracle de mettre dans le bon ordre les bons éléments : nos prières et notre réflexion éclairant nos décisions, nos décisions mettant nos moyens et nos forces au service de la vie, et pas de n’importe quelle vie de mouche, mais la vie belle, bonne et si précieuse par l’amour. Amen
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