Réponse de Jésus au sujet de la résurrection(Luc 20:27-38)(écouter l'enregistrement - culte entier - voir la vidéo ci-dessous) Culte du dimanche 6 novembre 2016 L'évangile de Luc ne relate qu’une seule fois une discussion sur la résurrection des morts. C’est le texte d’aujourd’hui, qui nous fait part d’une discussion entre Jésus et les Sadducéens, qui étaient à l’époque à la tête du pouvoir religieux. On remarque d’ailleurs qu’ils commencent leur récit par dire « ce que Moïse a prescrit pour nous » ce qui est déjà une manière de s’approprier les Ecritures. Dans leur théologie ils étaient très conservateurs et ne reconnaissent que les cinq premiers livres de l’Ancien Testament, le Pentateuque. Il est intéressant de voir la divergence de point de vue entre les deux interlocuteurs étant donné que les Sadducéens ont une vision plus concrète de la résurrection en la voyant simplement à travers la descendance. Leur approche est donc assez actuelle et facilement appropriable à notre époque. Cependant nous remarquons qu’ils s’adressent à Jésus en l’appelant « Maître ». Il ne s’agit pas de créer une polémique ou d’imposer leur point de vue. Ils présentent leur problématique sous la forme d’une histoire. Est-ce qu’ils tendent un piège à Jésus ou désirent-ils véritablement approfondir leur lecture et leur foi ? Nous voyons que Jésus répond de manière habille en s’appuyant de nouveau sur Moïse. Mais avant tout, qui sont les Sadducéens ? Ils se réclament de Sadoq, qui est décrit comme l’un des principaux prêtres sous le règne de David. C’est un des quatre grands courants du judaïsme antique avec les pharisiens, les esséniens et les zélotes. Dans ce texte les représentants de ce courant s’interrogent uniquement sur l’après en commençant leur question par « À la résurrection… ». A l’inverse, Jésus considère que la résurrection reflète le vécu en ce temps présent. Les Sadducéens s’appuient sur ce qu’on appelle la loi du lévirat dans Deutéronome 25, versets 5-6 : « Lorsque des frères habitent ensemble, si l’un d’eux meurt sans laisser de fils, la femme du défunt ne se mariera pas au dehors avec un étranger ; son beau-frère ira vers elle, il la prendra pour femme et il remplira envers elle son devoir de beau-frère. Le premier-né qu’elle mettra au monde portera le nom de son frère défunt, afin que son nom ne soit pas effacé d’Israël. » Cette loi reflète que la préoccupation principale est de laisser une trace dans l’histoire par sa descendance et ainsi prolonger le destin d’une famille, d’un peuple. Aucun des sept frères laisse une descendance et par ce fait l’histoire des Sadducéens s’inspire aussi de l’histoire de Tamar dans Genèse 38 : Er, qui est le fils de Juda, épouse Tamar et meurt sans laisser d’enfants. A sa mort Juda dit à son fils Onan « Va vers la femme de ton frère. Agis envers elle comme le proche parent du mort et suscite une descendance à ton frère. » Ce dernier refuse sous prétexte que l’enfant ne portera pas son nom à lui, et il désobéit ainsi à la Loi et à son père. Derrière ces références bien connues au temps de l’évangile se cache la préoccupation de voir une descendance sans sortir du cercle familial. L’exemple proposé par les Sadducéens est assez exagéré. On peut difficilement s’imaginer une série pareille où sept frères meurent après avoir tenté d’offrir une descendance à un nom. Derrière leur question se cache une idée précise : Ce qui vient après la mort est un monde des ombres, le domaine sans vie du Shéol. Ils ne reconnaissent pas d’autre résurrection que celle décrite par la Torah, la Loi qu’ils prennent pour leur propriété et leur héritage. Les Sadducéens sont réputés pour avoir une approche objective et littérale du texte et ils en font une injonction du fait de «susciter une descendance » à son frère. Le texte de l’évangile met justement un contraste entre les mots « susciter » (au verset 28 exanastēsē) et « ressusciter » (au verset 35 anástasis). Et dévoile ainsi deux conceptions différentes. Avec leur exemple ils imaginent que le contrat et la convenance sociale qui nous lient dans la vie va nous lier également après la mort, ce qui dans l’évangile apparait comme une absurdité. Jésus ne répond pas directement à leur question. Il n’envisage pas de trancher entre ces sept frères. Il propose finalement une lecture, une interprétation, qui part d’une obligation pour aller vers une libération. Il est vrai que Jésus par ailleurs a un avis un peu tranché sur la vie de famille, quand il demande qu’on quitte ses parents et sa fratrie pour le suivre, par exemple. Ici il projette l’image du mariage comme une préoccupation bien terrestre ; Jésus est critique envers ses interlocuteurs qui ne reconnaissent pas une tradition orale, mais se lient à la lettre de la Loi. Leur lecture est empreinte d’un certain matérialisme. Le Dieu qu’ils imaginent intervient finalement peu dans la vie des hommes, et ainsi les humains se retrouvent entièrement responsables de leur salut. C’est ce que reflète la règle du lévirat (Dt 25,5 et Gn 38,8). Il est possible aussi de placer le récit dans son contexte historique dans une période où la monogamie s’instaurait. Jésus renverse des rôles traditionnels, l’homme ne prend plus la femme. Il a une vision plus moderne de la femme en disant « Les enfants de ce siècle prennent des femmes et des maris », littéralement « se marient et sont mariés » (v. 34). Un autre exemple est la polémique sur la viande sacrifié selon des meurs païens, si les premiers chrétiens de Rome peuvent en manger ou pas. Dans la lettre aux Romains Paul demande de ne pas juger les autres selon ce qu’ils mangent. Ce n’est pas la viande que nous mangeons qui nous sépare du Seigneur. Si nous excluons l’Eternel de nos vies ce n’est pas l’obéissance aux règles qui nous approche de lui. Paul exprime sa conviction qui rappelle la réponse de Jésus aux Sadducéens, et il est bien de méditer ses paroles. Au chapitre 14 v. 7 à 9 Paul proclame : « En effet, nul de nous ne vit pour lui-même, et nul ne meurt pour lui-même. Car si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur ; et si nous mourons nous mourons pour le Seigneur, Soit que nous vivions, soit que nous mourions, nous sommes au Seigneur. Car Christ est mort et il est revenu à la vie pour être le Seigneur des morts et des vivants. » Il me semble qu’il y a un lien avec la discussion sur la résurrection. Jésus remplace la procréation par une nouvelle naissance. Et la question devient alors – comment ressusciter dans l’accueil de l’Eternel ici et maintenant ? Il y a certains mots et thèmes qui dominent : l’homme, la femme, la mort, l’enfant, le manque d’enfant. Jésus renverse plusieurs de ces catégories : de l’enfant qui porte le nom de son père biologique Jésus met l’accent sur l’enfant de ce siècle, des siècles à venir pour enfin évoquer « les fils de la résurrection ». Ici le terme de fils est probablement figuratif. La femme n’a pas la même place dans le premier récit que dans la suite. Et la mort n’est plus le début du sujet débattu. Comment arrive Jésus à dire que les morts ressuscitent ? Il interprète et il donne un sens profond à cette question qui est loin d’être superficielle. Et donne une forte actualité à ce texte. Beaucoup de nos contemporains ont la même conception que les Sadducéens, et pensent que la mort est une limite au-delà de laquelle il n’y a qu’obscurité. Ainsi pour parler d’une vie après la mort Jésus répond que l’essentiel est de répondre au Dieu vivant et ainsi devenir enfants de la résurrection. Un déplacement de perspective se produit quand Jésus rappelle la vocation de Moïse devant le buisson ardent dans le Livre de l’Exode 3. Quand il a été appelé par le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob Moïse répond présent : « Je suis là ». Moïse reçoit ensuite l’autorisation d’appeler par le nom « Je suis celui qui est » autrement dit « le Dieu vivant ». Au lieu de focaliser l’homme sur sa fin ou son immortalité Jésus déplace l’attention vers la relation rendue possible entre l’homme et l’Eternel. Ceci lui permet de répondre aux Sadducéens que pour Dieu nous sommes tous vivants. Là où on lui propose de trancher entre la mort comme une fin définitive ou comme le passage vers l’immortalité, Jésus ouvre une nouvelle porte : mettons-nous à l’écoute de l’Eternel dans nos situations ordinaires, comme Moïse en train de faire paître le petit bétail. Et nous entendrons la voix de l’Éternel, il nous dira comment l’appeler. Comme Moïse devant le buisson nous appelons Dieu de nos pères pour entrer dans la même relation. Nous espérons que ce lien dure au-delà de notre mort. Cette relation nourrit la vie et les liens avec les autres. Elle change ma vue et la manière dont j’aperçois mes limites, at ainsi elle me rend capable d’assumer ma fragilité. Les phrases qui posent le plus de difficulté sont les v. 35-36 « mais ceux qui seront trouvés dignes d’avoir part au siècle à venir et à la résurrection d’entre les morts ne prendront ni femmes ni maris. Ils ne pourront pas non plus mourir, parce qu’ils seront semblables aux anges et qu’ils seront fils de Dieu, étant fils de la résurrection » Est-ce qu’il y a un groupe d’élus qui seront trouvés plus dignes que d’autre ? Il me semble que ces versets demandent une certaine vigilance. Ils ne parlent pas nécessairement d’un futur après la mort ni après la fin des temps, mais du présent d’une vie ascétique – ne plus se soucier de ce monde mais faire partie d’une communauté qui rejette le mariage, la sexualité et la procréation. Il y a plusieurs lectures possibles : Il est possible de voir ici une référence à l’idée que la proclamation de l’évangile relativise les relations familiales. Ce qui était une réalité pour les premiers disciples et apôtres. J’y verrais plutôt, dans la suite de ce que nous avons vu précédemment, l’importance que Jésus accorde à la qualité de ce que l’on vit par la foi avec Dieu, la question essentielle n’est alors pas celle d’être marié ou non, ni même d’être mourant ou non, ni même d’être biologiquement mort ou non, tout cela étant transcendé. Ces différentes circonstances pratiques pouvant de toute façon être le lieu de la vie. Cela disqualifie la question des Sadducéens, et ce qu’ils entendent par résurrection quand ils disent ne pas y croire. Dans les pas de Jésus chacun peut appeler l’Eternel dans des moments de joie en reconnaissance ou en protestation quand l’existence fait trop mal. N’est-ce pas dommage d’attendre les derniers moments pour le chercher ? D’attendre le jour où le tapis et même le plancher sont retirés sous mes pieds ? Dieu n’est d’ailleurs même pas nommé par les Sadducéens, sont-ils athées avant l’heure ? Ou leur Dieu existe-t-il surtout dans les Ecritures ? Il ne semble pas que la femme du récit trouve une consolation quelconque. Alors que Jésus offre ses paroles d’espérance, de libération et de consolation : « Or il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants ; car pour lui tous sont vivants » (Luc 20, 38). Nous sommes invités à vivre par Dieu pour qui nous sommes tous vivants. Les Ecritures nous enseignent que la vie avec Dieu ne commence pas seulement à la limite de la vie, ni à la limite entre la vie et la mort. Dans la lettre aux Colossiens nous trouvons l’exhortation suivante : « Si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, cherchez les choses d’en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu. Pensez à ce qui est en haut, et non pas à ce qui est sur la terre. » (Col 3, 1) Amen
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Pasteur dans la chaire de
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Vidéo de la partie centrale du culte (prédication à 09:28)(début de la prédication à 09:28) film réalisé bénévolement par Soo-Hyun Pernot Si vous avez des difficultés pour regarder les vidéos, voici quelques conseils. (Cf. Traduction NEG)
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