La prière de reconnaissance
et la prière de demande

( Matthieu 6:7-13, 25-34 ; Matthieu 13 :31-33 ; Psaume 27 :1-4 )

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Culte du 7 décembre 2008 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur Marc Pernot

La semaine dernière, j’ai commencé en remarquant que Jésus ne nous dit presque rien sur Dieu, sauf cette prière où Jésus nous propose cette définition de Dieu très condensée : il est notre Père qui es aux cieux. En deux mots, Jésus nous dit l'essentiel sur Dieu, suffisamment en tout cas pour commencer à s'adresser à lui dans la prière :

Que ton nom soit sanctifié,
Que ton règne vienne
Que ta volonté soit faite sur la Terre comme au Ciel

Jésus passe donc très vite sur la connaissance théorique de Dieu pour passer aux travaux pratiques en priant Dieu. Les deux premiers mots « Notre Père qui est aux cieux » sont déjà une prière, même si cette prière ne demande rien à Dieu. La prière la plus fondamentale est donc de se tourner vers Dieu et de penser à lui. Un jeu de mots amusant nous permet de qualifier cette première prière de reconnaissance, car en français, le mot de reconnaissance a deux sens très différents, et ces deux sens résument bien la première prière que Jésus nous propose ici :

  • en reconnaissant ce que Dieu est pour nous
  • et quand nous avons de la reconnaissance pour ce qu’il a déjà fait pour nous.

Cette double prière de reconnaissance est ainsi la prière la plus fondamentale, la porte de la foi. La prière de demande vient ensuite. Cette prière-là fait sans doute partie des choses les plus naturelles pour l’être humain, depuis que l’homme n’est plus une sorte de singe, tous les peuples ont une certaine expérience de l’aide de Dieu, même si l’homme peine à comprendre comment cela marche. C’est probablement ce qui fait peindre l’homme préhistorique des bisons sur les parois d’une grotte, et commencer à rendre un culte, dans l’espérance de nouveaux secours.

La prière de demande est naturelle, mais Jésus, là encore, nous aide. Spontanément, nous avons envie de prier pour nous-mêmes et pour ceux que nous aimons. Cela viendra après dans le Notre Père, mais Jésus nous propose de commencer par une autre demande : il nous propose de prier pour Dieu. Nous n’y aurions pas pensé, mais c’est bien plus essentiel. Cela donne de la joie à Dieu, si je puis dire (Luc 15 :7), mais ce n’est pas le but principal à mon avis, c’est surtout parce que cela nous fait un bien fou de prier ainsi.

En effet, dans le Genèse3:1-6, il est question du péché d’Adam et Ève. Je ne crois pas que cette histoire parle d’un péché originel, c’est-à-dire un péché qui appartiendrait au passé, mais c’est plutôt le péché fondamental, une manière d’être qui est commune à tous les humains et qu’il est bien utile de repérer. Cette attitude consiste à se prendre soi-même pour Dieu, ou plutôt à prendre son propre désir comme étant la plus importante des choses au monde. Ce n’est pas notre faute si nous avons cette tendance, aucun bébé ne partage bien volontiers son biberon et sa maman, mais le problème c’est d’en rester là.

Comment faire pour évoluer ? Ce n’est pas facile de se créer soi-même un cœur capable d’aimer. D’ailleurs Jésus ne nous fait pas la leçon en disant : « attention, ce n’est pas bien d’être égoïste », mais il nous propose comme solution de prier pour nous ouvrir à l’action de Dieu en nous.

  • Il nous propose de prier d’abord Dieu dans la reconnaissance de ce qu’il est et dans la reconnaissance pour ce qu’il a fait.
  • Jésus nous propose ensuite de prier Dieu pour Dieu.

Cette prière que nous propose Jésus nous aide à être libéré du péché fondamental. En effet, qu’attendons nous, réellement de la vie et de notre entourage ? Nous attendons, et c’est bien normal, d’être reconnu comme ayant de la valeur, nous espérons avoir les moyens d’agir en ce monde, et d’arriver ainsi à faire ce que nous voulons. Si nous traduisons cela en termes bibliques, ce que nous attendons de la vie et de ceux qui nous entourent c’est : que notre nom soit sanctifié, que notre règne vienne et que notre volonté soit faite. La prière de Jésus est présentée de façon un peu amusante, en grec, et probablement aussi dans l’hébreu ou l’araméen de Jésus. Contrairement au français qui place l’article possessif au début, le grec le place à la fin. Jésus commence : Notre Père qui est aux cieux, que soit sanctifié le nom de… intérieurement, nous aurions envie de dire : Ah, oui, vraiment, que soit sanctifié le nom de Moi-Même, que vienne le règne de Moi-Même, que soit faites la volonté… oui, de Moi-Même, Amen, Seigneur, que cela se réalise ! Et bien non, ce ne serait pas formidable du tout, ni pour moi ni pour les autres autour de moi. Jésus nous accompagne, il éduque notre soif d’être servi, notre soif de succès pour l’orienter vers Dieu.

Mais attention, il n’y a là rien d’abaissant pour nous. Si Jésus nous aide à replacer Dieu au centre c’est parce qu’il n’y a rien de tel que Dieu pour nous élever, il n’y a rien de tel que Dieu pour nous ouvrir les yeux sur le frère ou la sœur qui est à côté de nous, et pour devenir alors un peu source de vie ou de vraie qualité de vie. Cela me semble particulièrement utile au moment où commence une crise économique, écologique et sociale des plus dures, pour vivre nous-mêmes cette crise sans oublier nos frères et sœurs.

Oui, il est essentiel pour chacun de replacer Dieu au centre. Jésus ne nous abaisse pas en nous proposant de renoncer à être Dieu, il ne nous invite pas à nous sacrifier, nous et notre propre désir, pour satisfaire une divinité dont le rêve serait d’être adoré par des milliards d’individus transformés en carpettes. Au contraire, nous voyons en Christ que Dieu devient notre serviteur, il se place comme en dessous de nous pour nous élever. C’est pour cela que j’aime tant cette phrase de bénédiction tirée du livre des Nombres6:26 qui dit : « Que l’Éternel lève son visage vers toi et te donne la Paix ». Oui, Dieu lève son visage vers nous parce qu’il s’est abaissé pour nous élever.

Jésus nous propose trois demandes pour que Dieu soit au centre de notre espérance.

Notre Père qui est aux cieux,
que ton nom soit sanctifié !

Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire ? En quoi est-ce la première de toutes les choses à demander à Dieu ? La sainteté est dans le langage courant une qualité morale, mais dans la Bible cela veut dire tout autre chose. Dans la Bible, c’est Dieu qui sanctifie l’homme, c’est lui qui a fait de chacun de nous un saint, cela veut dire qu’il reconnaît en nous une personne unique, essentielle, et en qui il espère.

Dieu est ce qu’il y a de plus unique, de plus essentiel, et il est la seule source d’espérance transcendante. Il est donc ce qu’il y a de plus saint. Jamais nous ne pourrions pourrions-nous le sanctifier encore plus. Par contre nous pouvons « sanctifier son nom ». Le nom représente l’idée que nous nous faisons de quelqu’un, la place qu’on lui réserve dans notre pensée, et c'est par son nom que nous appelons quelqu’un quand nous voulons entrer en relation avec lui. C'est tout cela que Jésus nous propose de vouloir sanctifier : notre rapport avec Dieu, notre recherche de Dieu et la place qu'il a pour nous. Jésus ne nous propose pas de supprimer tout ce qui compte dans notre vie pour ne penser plus qu’à Dieu seul, ni de penser à Dieu en plus de tout le reste. Mais ce que Jésus nous propose, c’est de placer notre espérance en Dieu à un autre niveau que le reste, comme hors-concours par rapport à nos désirs (Matthieu 6 :33). Car Dieu seul peut faire que nos désirs ne soient pas source de souffrance et de mort mais de vie. La même famille, le même conjoint, les mêmes collègues, les mêmes loisirs, les mêmes désirs… seront alors des réalités que nous verrons tout autrement. Dieu peut donner vie à notre vie.

Mais là encore, Jésus ne nous dit pas : « mettez Dieu au cœur de votre espérance, faites de Dieu votre préoccupation ultime ». On fait ce que l’on peut et il est presque impossible de mettre de l’ordre dans ses propres désirs. Pour cela, Jésus nous propose de prier Dieu pour qu’il nous aide à le mettre, lui, Dieu, au cœur de notre espérance et de notre évolution. Même si nous doutons de Dieu, même si nous sommes faibles, même si nous sommes préoccupés à juste titre par les soucis… nous pouvons demander à Dieu qu’il soit Dieu pour nous, nous pouvons demander à Dieu de nous sauver en venant au cœur de notre espérance, d’insuffler une part de ce que le monde appellerait de la folie et que Dieu, lui, appelle la grâce, un zeste de pardon, de bienveillance, un regard neuf sur notre propre valeur et sur celle de notre frère, et l’envie d’agir pour que les choses avancent…

Après la prière de reconnaissance, la prière qui demande à Dieu de devenir le centre de notre espérance est l’essentiel. C’est une ouverture à son action en nous. Une ouverture vers la 2e demande que nous propose Jésus :

Notre Père qui est aux cieux,
que ton règne vienne !

Car si l’on permet ainsi à Dieu d’être au cœur de notre espérance, il pourra alors agir comme du levain dans la pâte de notre existence tout entière, selon une image peut-être moins trompeuse que celle de la venue du règne ou du royaume de Dieu. En effet, nous pourrions penser que cette prière « que ton règne vienne » revient à attendre que Jésus revienne comme Superman dans les films. Mais non, Jésus dit que le Royaume de Dieu n'est pas ici ou là ni ailleurs, mais qu’ il est au-dedans de nous ou au milieu de nous (Luc 17:21). Jésus tente de nous faire sentir par de petites histoires comme celle de la graine jetée en terre ou du levain mis dans la pâte que le Royaume (ou le Règne) de Dieu est une réalité d'un autre ordre qui vient dans la profondeur de notre existence. C'est pour que les choses évoluent dans le bon sens que l'on demande à Dieu que son règne vienne.

Et puisque ce « règne est au-dedans de nous », cela revient d'abord à accepter qu'il agisse un peu plus en nous, et que nous grandissions ainsi un peu plus.

Et puisque le « Royaume de Dieu est au milieu de nous », nous pouvons effectivement le prier pour que de vraies relations puissent s’établir avec les autres humains.

Ce règne est spirituel, il est en chacun de nous et dans les liens entre nous, mais Jésus nous propose, dans la demande suivante, de penser à ce qui se passe sur terre, et pas seulement à ce qui est de l’ordre du spirituel ou du ciel en nous :

Notre Père qui est aux cieux,
que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel !

On ne peut voir dans cette demande une sorte de fatalisme se rapprochant de l'insh’Allah musulman. Ce genre de théologie existe aussi dans le christianisme, comme dans cette histoire que l’on raconte d’un pasteur de l’Oratoire qui avait enfermé par distraction la bougie qui l’éclairait dans un placard et qui, croyant être devenu subitement aveugle s’était mis à prier Dieu en pleurant avec ces paroles inspirée du livre de Job : « J’ai perdu la vue, le Seigneur me l’avait donnée, le Seigneur me l’a reprise, que le nom du Seigneur soit béni ! C’est une foi admirable mais injuste vis-à-vis de la bonté de Dieu.

La prière que Jésus nous donne ici ne ferme pas les yeux sur les choses qui ne vont pas sur terre, et Jésus n’en rend pas Dieu responsable, au contraire. Ce n’est pas la volonté de Dieu que quelqu’un perde la vue, la santé ou son travail. Ce n’est pas la volonté de Dieu que nous mourrions du péché fondamental ni que laissions mourir notre prochain, mourir par suite de catastrophes, ou mourir par manque de pain, de considération, de foi ou d’espérance.

« Que ta volonté soit faite » n’est donc pas une prière résignée. Nous ne croyons pas en Dieu malgré le mal et la souffrance, ni malgré la méchanceté de l’homme, au contraire. Nous croyons en Dieu, nous espérons en Dieu parce qu'il est la clé de la solution face à ces scandales. Il y a dans cette prière de Jésus une confiance dans la bonté absolue de Dieu, une confiance dans sa force et une acceptation de sa faiblesse, la faiblesse de celui qui aime et qui choisit d’agir en accompagnant et en aimant et jamais en exécutant et en punissant.

Il est notre Père qui est dans les cieux. Il vient pour créer en nous un cœur de chair. Les choses pourront alors avancer en nous, mais aussi entre nous, dans cette terre que Dieu aime, et dans le ciel.

Amen.

 

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Pasteur dans la chaire de l'Oratoire du Louvre - © France2

Pasteur dans la chaire de
l'Oratoire du Louvre
© France2

Lecture de la Bible

Matthieu 6:7-13, 25-34  

En priant, ne multipliez pas de vaines paroles, comme les païens, qui s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés.
8 Ne leur ressemblez pas; car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez.
9 ¶ Voici donc comment vous devez prier: Notre Père qui es aux cieux! Que ton nom soit sanctifié;
10 que ton règne vienne; que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
11 Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien;
12 pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés;
13 ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du malin. Car c’est à toi qu’appartiennent, dans tous les siècles, le règne, la puissance et la gloire. Amen!
...
24 Nul ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l’un, et aimera l’autre; ou il s’attachera à l’un, et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon.
25 ¶ C’est pourquoi je vous dis: Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps, de quoi vous serez vêtus. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement?
26 Regardez les oiseaux du ciel: ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n’amassent rien dans des greniers; et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux?
27 Qui de vous, par ses inquiétudes, peut ajouter une coudée à la durée de sa vie?
28 Et pourquoi vous inquiéter au sujet du vêtement? Considérez comment croissent les lis des champs: ils ne travaillent ni ne filent;
29 cependant je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme l’un d’eux.
30 Si Dieu revêt ainsi l’herbe des champs, qui existe aujourd’hui et qui demain sera jetée au four, ne vous vêtira-t-il pas à plus forte raison, gens de peu de foi?
31 Ne vous inquiétez donc point, et ne dites pas: Que mangerons-nous? que boirons-nous? de quoi serons-nous vêtus?
32 Car toutes ces choses, ce sont les païens qui les recherchent. Votre Père céleste sait que vous en avez besoin.
33 Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu; et toutes ces choses vous seront données par-dessus.
34 Ne vous inquiétez donc pas du lendemain; car le lendemain aura soin de lui-même. A chaque jour suffit sa peine.

Matthieu 13 :31-33

Jésus dit : Le royaume des cieux est semblable à un grain de sénevé qu’un homme a pris et semé dans son champ. 32 C’est la plus petite de toutes les semences; mais, quand il a poussé, il est plus grand que les légumes et devient un arbre, de sorte que les oiseaux du ciel viennent habiter dans ses branches.

33 Il leur dit cette autre parabole: Le royaume des cieux est semblable à du levain qu’une femme a pris et mis dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que toute la pâte soit levée.

Psaume 27 :1-4

L'Eternel est ma lumière et mon salut: De qui aurais-je crainte?
L’Eternel est le soutien de ma vie: De qui aurais-je peur?
2 Quand des méchants s’avancent contre moi, Pour dévorer ma chair,
Ce sont mes persécuteurs et mes ennemis Qui chancellent et tombent.
3 Si une armée se campait contre moi, Mon coeur n’aurait aucune crainte;
Si une guerre s’élevait contre moi, Je serais malgré cela plein de confiance.
4 Je demande à l’Eternel une chose, que je désire plus que tout :
Je voudrais demeurer toute ma vie dans la présence de l’Eternel,
Pour contempler la magnificence de l’Eternel
Et pour admirer sa présence...