« L’Éternel est avec toi, vaillant héros »(L’histoire de Gédéon, Juges 6)(écouter l'enregistrement - culte entier - voir la vidéo ci-dessous) Culte du dimanche 2 octobre 2016 Texte de la prédication (vidéo ci-dessous)Mardi dernier a eu lieu l’inauguration d’une plaque fixée à l’extérieur de notre église, au 1 rue de l’Oratoire, plaque qui nous a été donnée en l’honneur des vaillants héros de notre église en faveur d’enfants juifs pendant la 2nde guerre mondiale. Ces vaillants héros étaient des personnes et des familles tout à fait comme nous, qui ont juste fait un petit peu ce qu’elles ont pu à un moment donné. Vous allez me dire que oui, bon, mais que c’était des circonstances exceptionnelles, et que nous ne voyons pas trop comment changer le monde aujourd’hui dans notre situation. Mais précisément, c’est là qu’est la leçon de morale, si je puis dire, morale toute basique dans la théorie mais si complexe en réalité. Toute période de l’histoire est compliquée parce que nous sommes empêtrés dedans, parce que les forces en présence nous dépassent infiniment, l’empire nazi hier, l’économie mondiale, le populisme, l’intégrisme, l’individualisme d’aujourd’hui... o0o Nous ne sommes pas des héros et nous n’avons absolument pas envie de l’être. Ce que nous voulons depuis toujours, c’est tout simplement être bien tranquille « habitant en sécurité, chacun sous sa vigne et sous son figuier » comme le dit joliment l’expression biblique (1 Rois 5:5). Sous sa vigne et sous son figuier« Habiter en sécurité, chacun sous sa vigne et sous son figuier », c’est effectivement le projet de Dieu pour chacun de nous, pour chaque famille, pour chaque peuple... La vigne étant l’image de notre existence produisant de bons fruits grâce à une harmonieuse collaboration de l'homme et de Dieu. Le figuier, quant à lui, étant l’image de la recherche de sens dans l’interprétation des Écritures. Image donc d’une vie équilibrée dans l’action et dans la réflexion, l’une comme l’autre de ces deux dimensions étant irriguées en profondeur par Dieu, appelées par Dieu avec espérance. Voilà le projet de Dieu, en quelques mots. L’histoire de Gédéon montre la patience de Dieu pour construire ou reconstruire la vie quand ça déraille. On a pu faire de cette histoire celle de la providence de Dieu pour venir à notre secours, c’est un peu vrai mais c’est un peu court aussi, car cette histoire est aussi celle de la faiblesse de Dieu qui peine à réaliser ce projet de paix entre les hommes et dans le cœur de l’homme, pour que chacun puisse ainsi habiter en sécurité, bien en forme avec sa vigne et son figuier florissants. On a pu faire de cette page de la Bible une petite histoire morale, appelant chacun à prendre sa vie et l’avenir du monde avec responsabilité, c’est vrai également, mais c’est très court, car dans la suite de l’histoire, en réalité, ce ne sont pas les petits actes de Gédéon qui vont faire avancer quoi que ce soit, mais c’est bien l’équipe constituée par Gédéon et Dieu, ou plutôt l’équipe constituée par l’Éternel et Gédéon, ce qui n’est pas la même chose. Le mot « Dieu », désignant précisément un être transcendant agissant dans le monde avec puissance, alors que le mot traduit par « l’Éternel » désigne la transcendance comme source de l’être, comme source d’inspiration, comme source de pardon et d’accompagnement, d’élévation, de croissance, de résurrection de l’être. Une équipe, c’est bien ce que dit cette fameuse phrase « L’Éternel est avec toi, vaillant héros ». Ce n’est pas simplement « L’Éternel est avec toi » et donc de le laisser faire. Ce n’est pas non plus simplement « Toi, vaillant héros » comme si l’homme seul pouvait être la solution. Mais toute la question posée ici est celle de construire ou de reconstruire cette équipe divino-humaine comme source de paix. Le problèmeAlors, qu’est-ce qui ne vas pas dans la vie au début de cette histoire de Gédéon ? En fait, rien ne va et les problèmes s’entraînent mutuellement, comme souvent :
Quatre problèmes couvrant tous les champs de l’humain, toutes les dimensions de l’existence humaine tant physique que relationnelle, spirituelle et psychologique. Malheureusement, c’est souvent le cas car l’être humain n’a pas de cloisons étanches l’empêchant de couler (bien que les cloisons étanches du Titanic n’ont pas suffi non plus). Tout est lié. Parfois ce sont des avalanches d’ennuis externes qui nous cassent le moral, qui font vaciller même notre foi ou qui nous aigrissent contre notre prochain. Parfois c’est une vie coupée de sa source qui nous conduit à tricher avec la morale élémentaire, et nous devenons nocif, troublant le monde autour de nous... Par conséquent, quelle que soit l’origine du problème, il nous faut travailler sur tout l’homme et non seulement sur un seul pan de son existence. C’est un des points essentiels de l’anthropologie chrétienne et donc de l’action chrétienne, de l’éducation à l’entraide, à la santé, à la vie du couple, à celle de notre société, et même de notre église. Un travail qui construise ou reconstruise brique après brique, les fondamentaux. Les équilibres. On pourrait se demander quelle est la cause première du désastre du début de cette histoire ? Ce n’est pas une si bonne question, en réalité. Peu importe. Le texte semble dire que la faute en incombe au hébreux eux-mêmes qui du coup auraient bien mérité ce qui leur arrive : « Les Israélites firent ce qui est mal aux yeux de l'Éternel » Mais pourquoi celui qui fait du mal se comporte-t-il ainsi ? Ce n’est en réalité qu’un symptôme qui peut avoir de multiples raisons. Des causes externes ou des troubles internes, et la façon que nous avons eu, ou pu, de les gérer. Il n’est pas toujours utile de creuser la question des causes et des responsabilités. Mais au moins, déjà, d’avoir la sagesse de constater qu’il y a un problème, et de le prendre comme un appel à trouver une solution. C’est un des points de base de l’Évangile du Christ, qui permet de comprendre sa façon d’être, sa théologie, sa philosophie même dans son incroyable amour des ennemis. Un jour, les disciples de Jésus rencontrent un aveugle de naissance, ils demandent alors à Jésus la cause de cette maladie, quelle faute a été commise pour qu’il soit frappé de ce malheur ? Jésus répond que ce n’est pas la question mais que de toute façon ce malheur est une occasion pour nous de faire les œuvres de Dieu (Jean 8). Déjà se rendre compte qu’il y a un problème. Parfois, c’est une évidence, par exemple en ce qui concerne le mal extérieur. C’est moins facile quand le problème est en nous, c’est un domaine où la clairvoyance est difficile. Tantôt nous nous culpabilisons injustement. Souvent nous sommes spécialistes pour ne même pas voir nos fautes, nous justifiant nous-mêmes avec une déconcertante cécité. Et c’est le premier point de l’aide de Dieu, avec cette patience, ce calme de Dieu que nous voyons ici. Gédéon ne comprend rien, il accuse Dieu, il demande des preuves, des signes et des prodiges avant de faire un peu confiance... Dieu est et reste effectivement avec lui. Et même, il se rapproche toujours plus de Gédéon. Au début Dieu attend, calme et tranquille, d’avoir une ouverture possible afin de les aider. Quand enfin ils espèrent son aide, il envoie un ange, puis il se présente lui-même face à face, il va enfin jusqu’à toucher et bénir, donner des signes, accompagner, aider. Dieu patiente. Il patiente sept ans nous dit le texte, avant que les hébreux ne l’appellent à l’aide. 7 ans c’est le temps d’une création complète, jusqu’à la bénédiction. C’est de cela dont nous avons besoin pour ressusciter, rien de moins qu’une création ou d’une résurrection de notre être. Et déjà ce chiffre nous dit que sans Dieu, sans le créateur, ils en seraient restés à l’état premier. Sans cela, du chaos il ne sort jamais autre chose que du chaos. C’est dit ici d’une manière imagée avec ces hébreux affamés qui cherchent leur en s’enfonçant toujours plus profondément sous terre. Cela aussi nous parle en ce temps d’intégrisme, de populisme, de repli sur soi... Le salut ne passe jamais par le moins bien. C’est pourquoi Dieu n’est jamais source de mal. Les hébreux s’en souviennent enfin et au lieu de creuser encore, ils se souviennent de Dieu. Mais ils n’en sont qu’au stade où ils ne voient qu’un problème externe à leur situation. La première chose que leur apporte Dieu est d’apprendre qu’il leur faudra aussi et même d’abord travailler sur leur propre façon d’être. On ne peut pas progresser en continuant à vivre n’importe comment, et les 10 paroles données par Moïse ne sont pas faites pour nous casser les pieds mais pour nous aider à avancer. Oui Dieu est source de libération, il est bon de le prendre pour Dieu et de lui faire une place. Et puis, nous dit Moïse, il est bon d’arrêter un peu de tuer son prochain, de le calomnier, arrêter de trahir ceux qui nous aiment, arrêter d’être jaloux du voisin, d’avoir plutôt de la gratitude sur ceux qui nous ont apporté quelque chose... Dieu rappelle qu’il est bon de travailler sur ces fondamentaux du savoir vivre, du savoir être. D’abord se rendre compte que nous avons besoin d’avancer sur ce plan là. Qu’avant même de se lever et combattre le mal nous devons d’abord être en forme et pour cela travailler avec Dieu pour créer ou recréer notre être dans sa dimension morale et spirituelle. Être assez en forme en soi-même, bien avec les autres et bien avec Dieu. Après nous verrons bien comment faire, de toute façon, le mal pourra commencer à trembler. « Mais vous n’avez pas écouté ma voix » leur dit l’Éternel par la bouche du prophète... pourtant je vous avais dit de choisir le bien et non le mal, et que je pouvais vous aider à vous en libérer pour avancer ! Toutes les histoires de la Bible parlent de vous, de la Genèse à l’Apocalypse. Vous lisez ces histoires comme parlant du passé mais elles sont des promesses pour vous, elles sont à entendre au présent (v.10). Mais « Vous n’avez pas écouté ma voix », pas compris. Dieu intensifie sa présence, et l’ange de l’Éternel est là, aux côté de Gédéon peinant et souffrant sa vie de misère. Il lui dit : « L’Éternel est avec toi, vaillant héros » « L’Éternel est avec toi » après avoir expliqué que la libération d’Égypte et l’entrée en terre promise est à vivre aujourd’hui, cette parole de Dieu, que Gédéon reçoit dans la prière, est une citation de la promesse faite à Jacob (Genèse 28:15), une promesse particulièrement libérante, encourageante, avec déjà un parfum d’Évangile. « L’Éternel est avec toi », c’est comme un roc sur lequel on peut se tenir, ferme. « Avec toi », pas seulement avec l’humanité mais avec toi. Avec moi, avec ce Gédéon enfoui dans son pressoir pour se cacher de ses ennemis, étouffant dans l’air surchargé de poussière de paille. Ce « avec toi » est déjà comme la voix de Dieu donnée au Christ «toi, tu es mon fils bien aimé en qui j’ai mis toute mon affection, aujourd’hui je t’ai engendré comme mon enfant » (Luc 3:22 ; Psaume 2:7). Et cela aussi est un don que seul la foi peut nous donner, je pense, celui de notre dignité radicale. Cela ne peut se recevoir vraiment intellectuellement. C’est quelque chose que l’on goûte un peu quand on est aimé, c’est quelque chose que l’on ne reçoit vraiment que quand on sent Dieu sans un mot, nous le mettre dans le cœur, dans notre nuit. « Toi, vaillant héros », Gédéon qui est en train de battre son blé caché dans une cave pourrait penser que c’est pour se moquer de lui, que Dieu lui dit cela, et il renvoie la balle en reprochant à Dieu de ne rien faire non plus. Ah tu affirmes que tu es avec moi, mais tu n’as rien fait ! C’est que dans sa colère Gédéon n’a pas écouté. Dieu dit « L’Éternel est avec toi ». Avec, c’est « avec », en équipe ensemble. Et comment pourrait-ce être autrement puisqu’il s’agit d’un travail de création et de recréation de Gédéon, d’abord, puis de cette équipe constituée d’abord de l’Éternel et de Gédéon, puis de Gédéon avec sa famille et avec Dieu, puis de l’union des tribus travaillant ensemble. Comment Dieu pourrait construire l’humain de force, de l’extérieur seulement ? C’est bien un travail à faire ensemble, en apprenant à se connaître, en commençant à se faire confiance, en apprenant la droiture et la fidélité. Ce travail consiste à créer ou recréer deux choses, une confiance en Dieu et une juste confiance en soi-même. Après tout est possible. Mais Gédéon doute que l’Éternel soit avec lui, et il ne pense pas du tout être jamais un vaillant héros. « L’Éternel est avec toi, vaillant héros » Mais « vaillant héros » traduit des qualificatifs un peu vagues qui affirment l’un une capacité et l’autre une valeur. Gédéon n’est certes pas encore héros mais il en a la capacité, et même s’il ne le devenait pas il garderait en tout cas sa valeur. On ne peut mieux dire la grâce de Dieu. Alors quand Dieu lui dit « Va avec la force que tu as » ce n’est pas le commandement d’un chef, mais un encouragement. Un simple mais profond encouragement. Tu peux le faire mais rien ne t’y oblige. Et pourquoi le ferais-tu ? Parce que ça sauverait Israël de la main de Madian. Pourquoi nous bougerions-nous ? Parce que le monde pourrait aller mieux comme cela. Vraiment mieux. Que nous en sommes capables. Que nous en sommes dignes. Que ça serait beau. Gédéon est ainsi passé dans un autre pressoir que celui de pierre où il s’est réfugié. Le pressoir est dans la Bible une image du jugement de Dieu, ce jugement qui garde la moindre goute de valeur qui est en nous (Ésaïe 65:8), même quand elle est profondément enfouie dans tout ce qui est madianite en nous, ce qui est Égyptien, ce qui est découragé, ce qui doute, ce qui est souffrant ou endormi, ce qui est idolâtre, ce qui trompe, calomnie, affame ou tue notre frère. Gédéon répond « Si donc, j’ai trouvé grâce à tes yeux... », c’est un tout petit « oui » plein de doutes encore, mais ça, bien entendu, on a le droit. C’est déjà un petit début de « oui » et tout devient possible. Amen Vous pouvez réagir sur cet article du blog de l'Oratoire,
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Pasteur dans la chaire de
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Vidéo de la partie centrale du culte (prédication à 16:00)(début de la prédication à 16:00) film réalisé bénévolement par Soo-Hyun Pernot Si vous avez des difficultés pour regarder les vidéos, voici quelques conseils. |