L’enseignant, le marcheur et l’ami(Colossiens 4)(écouter l'enregistrement - culte entier - voir la vidéo ci-dessous) Culte du dimanche 21 août 2016 Texte de la prédication (vidéo ci-dessous)Nous connaissons l’apôtre Paul comme un théologien et comme un héros donnant sa vie pour témoigner de ce qui l’anime : l’Évangile du Christ. Mais la personne de Paul ne nous est souvent pas trop sympathique, je ne suis pas certain que nous aimerions tellement l’idée de partir en vacances avec lui, ou même seulement un week-end ? Pourquoi est-ce que Paul n’est pas tellement aimé alors qu’il est admiré ? À cause de ses diatribes morales, assez redoutables et parfois dangereuses si elles sont utilisées sans discernement. Peut-être que ce qui ne nous rend aussi pas trop sympathique l’apôtre Paul c’est simplement qu’il met la barre très haut en terme d’engagement personnel, et dans ses développements théologiques bardés de science talmudique, philosophique et rhétorique. Paul mérite mieux que cela. Nous le voyons dans ce chapitre final de cette lettre aux Colossiens, Paul est un véritable ami : il sait pardonner, il sait faire confiance, il sait dire du bien, il sait mettre ses amis en relation les uns avec les autres. Il met de la chaleur et de l’amitié, de la fidélité dans ses relations. Contrairement à ce que nous pensons parfois, Paul n’est pas qu’un formidable théologien, il est profondément humain. Il a un vrai don, une passion pour l’amitié. La preuve, c’est que dans cette lettre aux Colossiens qui ne fait que 4 chapitres, la première partie du chapitre 1 et tout le chapitre 4 ne sont que des salutations, des amitiés, des pensées, des félicitations, des encouragements à aller vers les autres, passant par dessus les rancœurs et les esprits de castes. Mais nous passons souvent sur ces paroles de salutations du début et de la fin des lettres de Paul, comme nous ne lisons pas vraiment le « Veuillez agréer l'expression de ma considération distinguée » qui est en usage dans notre culture. ThéologieLes Colossiens avaient besoin de conseils et d’une petite remise à niveau théologique, Paul remplit cette mission en quelques pages magistrales. Dans cette église, apparemment, quelques chrétiens très actifs et un peu trop autoritaires veulent imposer leurs opinions, leurs rites, leur pratiques chrétiennes, leur théologie, leur façon d’interpréter la Bible... Paul montre que vouloir imposer cela est prendre la place du Christ, alors que c’est lui qui doit être « le chef, la tête par qui tout le corps, est soutenu et solidement assemblé par des jointures et des articulations, grandit d’une croissance qui vient alors de Dieu » (Colossiens 2:19). En pratiquePaul fait donc de la théologie et il donne ensuite des conseils, qui se terminent pas un court résumé en trois points qui ouvre la conclusion de sa lettre. Vous allez voir, ce n’est plus vraiment de la théologie, c’est une hygiène de vie, quelque chose que l’on peut ruminer chaque jour, méditer pour que cette façon d’être qui est celle du Christ infuse en nous. Le premier point essentiel proposé par Paul ici (v. 2-4) est de persévérer dans la prière, plus précisément dans l’action de grâce. C’est comme une invitation à voir ce qui est déjà génial dans notre vie, c’est une façon de lâcher un petit peu prise, de faire tomber la pression de notre impatience, de notre exigence, celle de nos manques. Le second conseil essentiel que Paul donne ensuite est de « se comporter avec sagesse avec ceux que l’on considère être du dehors, et de valoriser l’instant » (v. 5) Pour ces chrétiens trop raides, ce que Paul place ainsi comme attention prioritaire, après la prière, c’est de chercher à faire quelque chose avec ceux « du dehors », tisser des liens, huiler des articulations là où le corps se délite, comme celui d’un lépreux ? Ils se croient purs, en étant « du dedans » et les autres des mécréants mais en pensant ainsi ce sont eux qui sont lépreux. Paul nous appelle à un travail tout en souplesse et en réactivité, où aucune règle absolue n’est possible, il faut « valoriser l’instant ». Ce n’est pas une sagesse de recettes mais de la débrouillardise, avec le sens pratique du paysan capable de réparer son tracteur avec du bric à brac de récupération. Cela demande de regarder, d’aimer, de réfléchir, d’inventer. Le 3e et dernier point essentiel proposé ici par Paul : «Que votre parole soit toujours pleine de grâce et assaisonnée de sel, pour que vous sachiez comment vous devez répondre à chacun » (v. 6), au cas par cas, là encore. Cela demande d’abord d’écouter ce que dit l’autre, sinon ce n’est pas lui répondre, évidemment, puis de plonger cela dans une grâce qui cherche à comprendre, à pardonner et à servir. Alors il est peut-être temps d’une parole, mais Paul propose qu’elle soit assaisonnée de sel, une parole qui n’est pas dupe de la mauvaise part qui existe mais qui saupoudre la situation de sel, comme on le fait sur du jambon ou du fromage pour neutraliser les germes et garder le meilleur. La prière persévérante et positive, l’action ouverte et pleine de bon sens, la parole pleine de grâce et assaisonnée de sel. Voilà une théologie pratique, concrète, que nous propose Paul. Mais là encore, il ne s’agit pas d’un devoir, mais d’une source d’inspiration, une source de méditation. Nous avons l’habitude d’entendre Paul sur ce registre, nous étudions, discutons souvent ses conseils, et c’est fécond « à condition que nous le mettions en pratique », comme le dit souvent Jésus (Jean 13:17). De la chaleurC’est justement le problème. C’est pourquoi l’apôtre Paul ajoute autre chose à ces bons conseils qui ne suffiront pas à faire progresser qui que ce soit, il le sait bien (Rom. 7:19). Vient alors cette longue série de salutations chaleureuses et d’invitations à tisser des liens. Cela nous encourage à mettre un peu de chaleur dans notre façon de vivre. Sinon, rien n’avancera. Les gens qui sont autour de nous ne sont pas que arbres, ce ne sont pas que des machines qui remplissent une fonction, ce ne sont pas que des personnes parfois agréables et parfois pénibles... elle sont un cœur, même s'ils est bien caché et sujet à de l’arythmie. Ce sont des personnes qui ressentent, qui espèrent, qui pensent... mais en plus, que nous le voulions ou non, nous dit Paul nous faisons partie d’un même corps. Et pour que le corps marche il faut des liens et des articulations, une fidélité et une liberté. Pour établir cela, l’intellect aide grandement, l’exercice quotidien y travaille, mais il y faut des sentiments. De bons sentiments. L’Evangile c’est tout cela. Et Paul suit les traces du Christ en étant à la fois l’enseignant, le marcheur et l’ami. Les chrétiens de Colosse ne sont pas mal du tout, en tout cas selon Paul qui sait mettre en avant le bon côté des gens, et ce n’est pas par flatterie car il sait aussi leur dire ce qui ne va pas. C’est ce que l’on peut faire avec un véritable ami. C’est peut-être la base même de l’amitié que de pouvoir être ainsi dans une relation à la fois pleine de grâce et assaisonnée de sel. Mettons : beaucoup de grâce et une pincée de sel (l’inverse rend la soupe un peu difficile à avaler). Cette longue liste de salutations est chaleureuse, pleine de grâce. Ce jour là, il a mis de côté le sel, ou plutôt il l’a mis dans la partie théologique de sa lettre. Dans cette partie chaleureuse, il n’y a point de sel. Comme pour dire que ce qui ne va pas entre nous : on en discute mais que cela n’atteint pas l’amitié, le respect. C’est particulièrement flagrant pour quatre personnes citées parmi les douze. Paul s’était senti cruellement trahi par Marc et Barnabé quelques années auparavant (Actes 15:36-41), au point de rompre avec eux alors qu’ils étaient si proches avant. Un énorme grain de sel dans leurs relations. Mais au moment de cette lettre, la grâce a finalement pris le dessus. Paul associe Justus à Marc et Barnabé, tous les trois étant dans la sensibilité chrétienne qui considérait que l’on devait absolument continuer à suivre les préceptes religieux très stricts de la Loi de Moïse. Paul était au contraire favorable à ne pas imposer cela à ceux qui viennent de l’athéisme ou aux juifs libéraux comme lui. Nous avons donc là deux sensibilités très contradictoires sur un point essentiel de religion, sur la définition de ce qu’est un chrétien, sur le statut de la Bible et la façon de l’interpréter, mais encore sur ce qui compte pour Dieu, la place de la grâce, celle de la religion, celle des œuvres. Il y a largement de quoi se disputer. Au contraire, Paul dit que ces trois hommes, ont été pour lui un grand réconfort (v. 11). L’œcuménisme ne date pas d’aujourd’hui. Même s’ils ne sont que quelques uns à transgresser ainsi les frontières pour travailler ensemble pour le Royaume de Dieu, il y a là un grand renforcement. Paul parle d’être « co-ouvriers » (sunergoï), travaillant en équipe de façon complémentaire, et même de façon organique comme les cellules différentes dans un même corps, et donc co-ouvriers non seulement comme collègues mais comme formant un même ouvrier par Christ, en Christ. C’est important du point de vue théologique, mais pour que cette théologie s’incarne, il faut de l’amitié, de la chaleur. C’est ce que fait Paul dans un vrai travail que révèle cette longue page de salutations. Le 4e personnage cité qui demande pas mal de grâce et de sel dans le cœur de l’apôtre Paul, c’est Démas. Paul ne trouve rien à dire de bon sur lui, mais il est quand même cité alors qu’il s’éloigne déjà pour vivre en dehors de la foi, pris par les affaires de ce monde (2 Tim.4:10). C’est un geste qui coûte peut-être à Paul, mais qui est plus important qu’il ne semble. Au total douze noms sont cités dans ces salutations, c’est possible que ce ne soit qu’une coïncidence, mais sous la plume d’un grand connaisseur de la Bible comme l’est Paul, il est plausible que ce soit voulu. Sans cesse, la Bible joue sur le nombre de termes dans une liste, au point que c’était un réflexe de les compter. Douze personnes, c’est alors une figure de l’humanité tout entière, de l’humanité bénie par Dieu. C’est alors un signe important disant que ce cercle de personnes forment un ensemble, et que pour cela nous ne pouvons pas en oublier un seul, chacun étant aussi important pour former ce nombre 12, même si certains sont plus utiles et plus amis que d’autres comme Tychique ou Épaphras, même si certains trahissent ou abandonnent, comme Démas, Paul reconnaît en le citant qu’il a sa place dans le corps et que s’il venait à se séparer, sa place resterait marquée, prête pour le recevoir. Effectivement, il y a de tout dans cette liste amicale. Il y a Onésime, qui n’est qu’un esclave et dont le nom même fait de lui comme un simple accessoire, « Onésime » voulant dire « un truc utile ». Paul le décrit comme « le fidèle et bien-aimé frère ». Trois mots extraordinaires. Il est « fidèle » dans les deux sens, fidèle en amitié et fidèle à Dieu. « Frère » dit une nature, un fait irrésistible. « Bien-aimé » est plein de tendresse. Alors quand Paul dit aux Colossiens qu’Onésime est « des vôtres », c’est là aussi un fait puisqu’il est de là-bas, mais ce sont aussi les qualités d’Onésime que Paul dit reconnaître chez les Colossiens, des frères, fidèles et bien-aimés. Dans la liste, il y a aussi Nympha, une femme, chef d’église. Le fait qu’elle soit une femme a plus tard gêné et certains manuscrits ont masculinisé son nom ! Dans cette liste il y a des grecs, des juifs, des barbares. Et puis il y a ces deux hommes que Jésus couvre de louanges, ce qui nous permet de voir son émotion mais aussi ce sur quoi l’apôtre Paul compte le plus pour faire progresser le corps du Christ. Tychique est chargé de trois missions :
Une visite, de la théologie intelligente, des échanges, de la chaleur, de l’amitié encouragent donc dans tous les sens du terme. Une simple parcelle de vraie relation peut faire l’effet du Saint-Esprit tombant sur une personne. La 2e personne que Paul admire chaleureusement est Épaphras. Lui, c’est par la prière qu’il agit. La prière est un combat, un bon combat, nous dit Paul. Elle est aussi une chaleur, une affection. Il ne s’agit pas de faire bouger le bras de Dieu en priant ! Bien sûr que non, et heureusement que non. Ce serait marcher sur la tête que de le penser, il est la source ultime et nous sommes une pâquerette. Mais il s’agit de faire équipe ensemble, de répondre présent à son souffle, de faire « paraklet » ensemble sur l’ensemble. Pour le reste, Paul met en relation les uns et les autres. Il salue et transmet des salutations, il demande aux Colossiens de faire un échange de lettres avec les Laodicéens, une façon de les sortir de leur petit cercle et de faire un peu plus corps. L’idéal serait que nous soyons ainsi, les uns avec les autres, dans nos petits cercles et avec ceux qui sont hors de nos cercles, ce que Paul dit de cet excellent Tychique. « Dans le Seigneur », nous dit il, il est à la fois :
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Pasteur dans la chaire de
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Vidéo de la partie centrale du culte (prédication à 10:20)(début de la prédication à 10:20) film réalisé bénévolement par Soo-Hyun Pernot Si vous avez des difficultés pour regarder les vidéos, voici quelques conseils. |