L'amour de Dieu et les catastrophes

( Lettre de Paul aux Romains 8:28-39 )

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Culte du dimanche 24 janvier 2010 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur Marc Pernot

 

Qui nous séparera  de l'amour de Christ ?
Sera-ce la souffrance,  ou l'angoisse,
ou la persécution, ou la faim,
ou la pauvreté, ou le danger, ou les armes ?

Et bien oui, malheureusement, il y a là des raisons de perdre la foi. Mais ce n'est pas l'Évangile qui est en cause, c'est plutôt une certaine théologie qui peut nous faire perdre la foi. Certains font le rêve d’un dieu qui règlerait les misères de l'homme sur la terre, un dieu qui nous protègerait quand on le prie ou qu’on se sacrifie pour lui, un dieu qui donnerait la santé et la richesse à qui est généreux pour l’Église et assidu au culte... Le problème de cette théologie est qu'elle cadre mal avec la réalité. Comme le dit l’apôtre Paul, et il est bien placé pour le savoir, les chrétiens ont aussi des malheurs. La souffrance, l'angoisse, les violences volontaires, la faim, la pauvreté, les catastrophes en tout genre frappent avec une sereine injustice les hommes et les femmes, croyants ou incroyants, chrétiens ou non.

Et ceux qui ont choisi de ne pas chercher Dieu ont beau jeu de nous dire face aux catastrophes « Où est votre Dieu ? » (Psaume 115) Et bien, ces athées ont raison sur ce point : ce dieu-là n'existe pas. Dieu ne pilote pas la nature comme un marionnettiste ses poupées, il y a une importante par de hasard et d’arbitraire dans l’univers. Cela ne nous plait pas trop. Nous pouvons prendre certaines précautions pour faire face, mais cela n’est pas une garantie à 100%. Certaines personnes croient avoir plus de chance avec des pratiques irrationnelles, grâce à une patte de lapin dans la poche ou en fonction de la date de naissance. D’autres croient ou font croire qu’en faisant partie de telle église ou avec telle médaille on aura plus de chance... Mais cela ne résiste pas à l’analyse : parmi les gens qui sont frappés par une même catastrophe, il y a des gens qui avaient des gris-gris et d’autre pas, des gens qui allaient à l’église et des athées, des personnes du signe du capricorne, de la pâquerette ou de la souris…

Paul ne joue pas ce jeu de la superstition ou jeu de ces sectes qui attirent de pauvres gens par de fausses promesses de protection et de guérisons. Paul nous dit que l’amour de Dieu est bien réel, mais que ce n’est pas cela qui empêchera que nous subissions, malheureusement, la souffrance, l'angoisse, la violence et autres catastrophes.

Certains chrétiens ont soutenu l’idée que Dieu tiendrait toutes choses dans ses mains, la pluie comme le soleil, la santé et la maladie, les tremblements de terre… Jean Calvin était un ardent défenseur de cette idée que rien n’arrive sans que ce soit déterminé par Dieu, et que le hasard n’existe pas. Certains textes bibliques peuvent être compris dans ce sens, mais cela ne rend pas cette théorie meilleure. Elle est souvent une souffrance supplémentaire pour les victimes, et elle a fait perdre la foi à un nombre incroyable de gens. Ils perdent la foi en un dieu qui n’existe pas. C’est plutôt une bonne chose, en soi, de perdre une illusion, c’est comme cela que l’on devient un petit peu plus adulte, mais la désillusion peut être si cruelle que l’on en sort blessé.

Dieu nous aime pourtant d’un amour infini, nous dit Paul. Et s’il nous arrive une catastrophe, ce n’est pas parce qu’il nous aurait rejeté. C’est la première chose à savoir, et elle est essentielle. La seconde c’est que Dieu peut vraiment nous aider quand nous sommes dans la souffrance, que ce soit une souffrance psychologique, ou le résultat d’une agression, ou une catastrophe. Il y a une telle puissance de création en Dieu, que nous pouvons être, nous dit Paul, « plus que vainqueurs par celui qui nous a aimé ». Ce n’est pas un vague rêve, au contraire, c’est une expérience. Et cette semaine encore j’ai rencontré deux personnes qui sont venues me voir à l’Oratoire, deux personnes qui, indépendamment l’une de l’autre ont vécu des choses très difficiles mais qui toutes les deux en sont sorties plus que vainqueurs.

La souffrance peut démolir quelqu’un. La souffrance n’est jamais voulue par Dieu, jamais tolérée par Dieu, il travaille sans cesse pour améliorer la situation et il nous appelle à lutter de tout notre génie créateur pour faire reculer les souffrances dans le monde. Pour Dieu, la souffrance est un mal, mais, il n’empêche, même de ce mal Dieu peut faire sortir du bien. Tant qu’à faire de subir un problème, faisons en sorte d’en sortir grandi, d’en sortir bonifié. Mettons-y nos propres forces, faisons appel à la solidarité, laissons Dieu nous aider… et sortons plus que vainqueur de la souffrance, des agressions, des trahisons, des calomnies, de la maladie, du chômage, des catastrophes.

Paul ne s’interroge pas sur les responsabilités du mal qui arrive à quelqu’un. Dans l’urgence, il faut d’abord faire face, et la souffrance peut effectivement nous couper de ce que l’on pourrait appeler une bonne dynamique de vie. Et puis même si la victime était responsable de ce qui lui arrive, mériterait-elle qu’on la laisse tomber ? Dieu n’est pas comme ça, nous dit Paul. Et si Dieu a choisi de nous aimer, de nous justifier (c’est à dire de nous reconnaître comme digne d’être aimé, reconnu, encouragé, soutenu), si Dieu lui-même prend notre défense qui oserait dire que nous n’en vallons pas la peine ? Derrière cette magnifique tirade de l’apôtre Paul, on sent une colère, on sent un défi contre des personnes haineuses qui sous-entendrait que telle personne ne serait pas digne d’être soutenue, qu’elle a bien cherché ce qui lui arrive… Qui prétendez-vous être, nous dit Paul ? Vous vous croyez peut-être au-dessus de Dieu pour désespérer de vous-mêmes alors que lui vous voit déjà vainqueur ? Vous vous croyez peut-être supérieur à Dieu pour être l’ennemi des coupables, pour être source vous-mêmes d’une violence que vous croyez juste ?

Réellement, il existe une façon de traverser les difficultés sans en sortir aigri, diminué, abattu… mais au contraire bonifié et grandi… peut-être un peu boiteux à la hanche comme le Jacob dont nous parlait James dimanche dernier, mais grandi quand même dans notre qualité d’être, dans notre capacité à aimer et à espérer, dans notre capacité à être sensible à la souffrances des autres.

Paul commence par citer l’angoisse, cette souffrance qui est peut-être la pire puisque notre ennemi est une part de nous-mêmes. Paul évoque ensuite les agressions, les trahisons, les conflits avec les autres. La souffrance peut venir de catastrophes naturelles ou d’accidents stupides… Dans tous les cas, nous dit Paul, Dieu ne nous abandonne pas, rien ne diminuera l’amour qu’il nous porte. Et même si nos propres forces nous abandonnaient, ou plutôt, précisément quand nos forces ne suffisent plus, Dieu peut ressusciter ce qui est mort en nous, réveiller nos propres forces, rétablir des connexions, ouvrir de nouvelles pistes, et nous rendre plus que vainqueur.

Et c’est ainsi que Paul dit cette incroyable maxime : « toutes choses coopèrent au bien de ceux qui aiment Dieu ». Ce n’est pas une superstition, ce n’est pas pour justifier le mal qui nous arrive comme si c’était pour notre bien que Dieu nous faisait souffrir ou nous laissait souffrir. Mais, avec Dieu, même le mal qui nous arrive peut coopérer à notre bien. Dieu ne veut pas le mal, jamais, c’est un principe absolu. Mais comme le dit Joseph, le fils de Jacob, dans la Genèse : de ce mal que lui avaient fait ses frères, Dieu a fait sortir un plus grand bien. Dieu peut aussi faire sortir un bien des bonnes choses qui nous arrivent et des bonnes choses que nous faisons. Bref, Dieu peut faire que tout concourre au bien. Si Dieu a une telle puissance de résurrection, qui pourra s’y opposer ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Personne d’autre, en fait que nous-mêmes, nous dit Paul : toutes choses coopèrent au bien… de celui qui aime Dieu. Paul ne dit pas que toutes choses coopèrent au bien de ceux qui vont à l’église, ou de ceux qui adhèrent sans restriction à telle ou telle doctrine, ou qui donnent de l’argent, ou qui sont gentils… Non. La question, c’est simplement de se laisser aimer par lui.

Paul nous dit que toute personne est aimée par Dieu, appelée, justifiée, glorifiée. Paul nous invite à considérer ce qui arrive à la lumière de cette réalité spirituelle. Cela change la façon dont nous pouvons vivre toute chose. Cet amour dont nous sommes aimés nous dit que chaque existence a une valeur infinie. Même blessée, même malade, même coupable ou seulement inactive, même au plus profond de l'angoisse ou de la souffrance, l’existence de chaque personne est légitime, parce que Dieu l'a aimée, parce qu’il l'aime et l'aimera. On ne peut abandonner, on ne peut baisser les bras.

Il est donc essentiel d'apprendre à saisir cet amour de Dieu. Cela se travaille, cela s'entretient, se cherche. La question n'est pas de gagner cet amour, ni même d'aimer Dieu en retour, nous l'aimerons si nous voulons, c'est une autre question. L'essentiel est de prendre conscience de cet amour, de se sentir aimé, appelé, justifié, glorifié par le créateur de la vie, comme le dit Paul, car alors rien ne pourra nous abattre, pas même la souffrance, ou l'angoisse, ou la persécution, ou la faim, ou la pauvreté, ou le danger, ou les armes. Là est la providence de Dieu, et elle est d’une puissance inestimable. C'est pourquoi Jésus nous déconseille de prier Dieu pour lui demander d’arranger nos affaires (Matthieu 6:8), comme s’il nous négligeait. Ce que Jésus nous propose de chercher dans la prière, c'est plutôt de nous ouvrir à son action créatrice (à son Esprit (Luc 11:13) ou à son Royaume et sa justice (Luc 12:30-31)) car c'est comme cela que Dieu nous sauve.

Mais en définitive, même si nous n’aimions pas Dieu, nous dit Paul, la détresse restera peut-être une simple détresse, l’angoisse restera seulement angoissante, la blessure ne sera qu’un handicap… Mais cela n’empêchera pas Dieu de nous aimer.

Paul donne ensuite une deuxième série de choses qui pourraient nous couper de Dieu. Cette fois-ci il ne s'agit plus de choses purement négatives comme dans la première série, mais de choses qui sont comme des outils à double tranchant qui font chacune de nos existences, des puissances tantôt utiles et tantôt néfastes. C'est pourquoi elles sont plus dangereuses que les maux de la première liste que nous pouvons combattre sans hésiter.

La mort et la vie forme la paire la plus redoutable. Nous avons pour vocation d’être en évolution et d’être vivant selon de multiples dimensions. Cette évolution suppose que l’on meure en partie à ce que nous étions hier pour vivre, sans sacrifier aucune des bonnes dimensions de notre vie.

Les anges et autres réalités spirituelles peuvent nous couper de Dieu, paradoxalement, la religion peut nous couper de Dieu ou nous en rapprocher.

Notre rapport au présent et à l'avenir est également un point essentiel, pour vivre dans l’espérance mais sans quitter le temps présent.

Les puissances. Nous sommes chaque jour émerveillés par les capacités de l’humanité, mais épouvanté aussi.

Paul mentionne enfin la hauteur et la profondeur : nos victoires et nos échecs, nos moments de plénitude ou de vide, d'élévation ou d'approfondissement, de fascination ou d'angoisse... nos hauts et nos bas peuvent être utiles ou nous rendre Dieu invisible.

Notre existence est ainsi un processus complexe dans lequel jouent notre liberté et le hasard. Les circonstances, les actions humaines et celles de Dieu, tout cela s'entremêle en tout et à tout moment. Ces tensions font de la vie ce qu'elle est, merveilleuse et tragique. La providence de Dieu, c'est-à-dire son amour, nous rend capable d'accepter la vie, il nous permet d'assumer le caractère ambigu de toutes ces puissances formidables citées par Paul et d'en user comme nous le pouvons avec courage et créativité.

Rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur.

Amen.

 

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Pasteur dans la chaire de l'Oratoire du Louvre - © France2

Pasteur dans la chaire de
l'Oratoire du Louvre
© France2

Lecture de la Bible

Romains 8:28-39

Nous savons que toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein. 29 Car ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être semblables à l’image de son Fils, afin que son Fils soit le premier-né de plusieurs frères. 30 Et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés; et ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés; et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés.

31 Que dirons-nous donc à l’égard de ces choses? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous? 32 Lui qui n’a point épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi toutes choses avec lui? 33 Qui accusera les élus de Dieu? C’est Dieu qui justifie! 34 Qui les condamnera? Christ est mort; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous! 35 Qui nous séparera de l’amour de Christ? Sera-ce la tribulation, ou l’angoisse, ou la persécution, ou la faim, ou la nudité, ou le péril, ou l’épée? 36 selon qu’il est écrit: C’est à cause de toi qu’on nous met à mort tout le jour, Qu’on nous regarde comme des brebis destinées à la boucherie. 37 Mais dans toutes ces choses nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés.

38 Car j’ai l’assurance que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni les choses présentes ni les choses à venir, 39 ni les puissances, ni la hauteur, ni la profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ notre Seigneur.