Il n’a fait de mal à personne ? Pas de bien non plus.

(Jonas 1)

(écouter l'enregistrement - culte entier - voir la vidéo ci-dessous)

Culte du dimanche 16 octobre 2016
prédication du pasteur Marc Pernot

Texte de la prédication (vidéo ci-dessous)

Jonas ne veut faire de mal à personne. Il ne fait pas de bien non plus. Il veut juste qu’on le laisse tranquille. Alors cet appel de Dieu pour m’envoyer aider les autres... des méchants en plus, des ennemis qu’il faudrait aider à devenir meilleur ? Pourquoi faire ?

C’est vrai ça. Pourquoi ferions-nous le bien ?

Mais d’abord, pourquoi ne pas faire le mal ? Le personnage de Jonas a dépassé ce stade, lui. Mais nous ? Sommes-nous parfois les Ninivites méchants et ne se posant même pas la question ?

Jonas explique « Je suis hébreu et je crains l'Éternel, le Dieu des cieux qui a fait la mer et la terre ferme. » Peut-être est-ce pour cela qu’au moins il n’est pas méchant, il a, comme on dit dans la Bible, « de la crainte de Dieu ». Cette expression peut recouvrir différents sentiments face à Dieu :

  • Certains croyants ont peur d’un Dieu qui serait un juge impitoyable, et cela les conduits à essayer de se maitriser, afin de ne pas faire le mal.
  • Mais pour d’autres personnes, ce n’est pas une peur que Dieu devienne contre nous, mais plutôt devant lui comme la peur de décevoir quelqu’un de formidable et que nous admirons énormément, et à qui est a été tellement bon pour nous ?

La première façon de craindre Dieu n’est plus possible. Dieu ne devient jamais mauvais. C’est évident avec Jésus qui a passé son temps à montrer et à dire que nous n’avons pas à avoir peur de Dieu, mais déjà l’histoire de Jonas, écrite quelques centaines d’années avant, parle de Dieu comme ne punissant pas les méchants habitants de Ninive mais faisant tout pour les amener à progresser. Jonas dira ainsi à Dieu : «Je sais que tu es un Dieu compatissant et miséricordieux, lent à la colère et riche en bonté, et qui te convertit du mal. » (Jonas 4:2) Donc même si Dieu avait parfois l’envie de nous faire du mal, il ne le ferait pas, il se convertirait pour nous faire du bien.

Jonas n’a donc pas peur de Dieu. Il est un peu comme nous aujourd’hui. Nous savons très bien que Dieu ne nous aimera pas moins si nous faisons le mal et qu’il ne nous aimera pas plus si nous faisons le bien.

Alors pourquoi ne pas faire le mal ? C’est souvent si amusant, si profitable de faire le mal !

Pour un croyant, même si on n’a heureusement plus peur de Dieu, on pourrait quand même avoir honte devant lui qui nous aime et nous fait confiance, honte de lui faire honte, honte « d’attrister l’Esprit de Dieu » (Eph. 4:30).

À moins de ne pas être croyant.

Et encore ! L’apôtre Paul nous dit que, même non-croyant, même ne connaissant rien à l’Évangile, les humains ont, ou devraient avoir une conscience qui leur parle : « une conscience qui est comme une Bible naturelle qui témoigne dans leur cœur, et qui soutien ou accuse leurs pensées » (Romains 2:14-15).

Il est bon d’ausculter régulièrement notre conscience. Normalement, cette conscience a quelque chose à nous dire, du bon et du moins bon. Rien que cela devrait nous permettre de progresser un peu du point de vue moral. Alors avec l’aide du créateur de l’univers, en plus ! Par exemple, après notre journée, penser à Dieu et faire un peu le point des choses, belles et moins belles que nous avons faites ou pas faites. Espérer de Dieu une aide. Dans cet exercice de prière, la fin de la peur de Dieu permet une vraie sincérité devant lui. C’est comme devant un vrai, bon, excellent médecin, on a envie de lui demander de nous examiner. Ce serait idiot de lui mentir ou de lui cacher un trouble quelconque.

Donc, normalement, pour nous qui avons une conscience et qui sommes un peu croyants quand même, nous sommes bien équipés pour ne pas supporter de faire le mal.

Grâce à notre foi, même toute petite, Dieu a une ouverture pour que sa voix parle en nous et nous dise « Lève-toi et va ». Nous faisant prendre conscience que nous étions tombés à terre, mais sans nous le reprocher, et tout positivement, nous dire que nous pouvons nous lever, ressusciter, nous tenir sur nos pattes, et avancer un peu.

Et même si nous étions tombé au point de ne plus avoir la foi, comme le dit Paul, si nous laissions exprimer notre conscience (car nous en avons une), faire le mal devrait nous être désagréable. Le prophète Jérémie explique que normalement, quand on fait de mauvaises choses, nous devrions nous devrions sentir comme un goût « mauvais et amer » (Jérémie 2:19) Jérémie compare Dieu à une source d’eau fraiche et il dit que faire le mal donne l’impression d’avoir dans la bouche l’eau à moitié pourrie d’une vieille citerne, ou de l’eau de mer hyper salée. Donc, normalement, nous devrions trouver puant et dégueulasse de faire le mal. On devrait avoir le réflexe de recracher cela de notre vie, se relever et en sortir. Et si nous n’y arrivions pas tout à fait avec nos seules forces au moins espérer y arriver, et pour cela demander de l’aide à ceux qui nous aiment, à ceux que l’on a blessés, peut-être, et aussi demander de l’aide à Dieu.

Jonas sait cela, son Dieu n’est pas rien, c’est un Dieu actif, c’est « l’Éternel, le Dieu des cieux qui a fait la mer et la terre ferme. » Et quand Jonas se déclare « hébreu » (yrbe), il se reconnaît comme faisant partie de ceux que Dieu a mis sur pied et à aidé à franchir (rbe) des barrières infranchissables.

Nous ne sommes pas parfaits, mais nous sommes capables, normalement de faire de moins en moins de mal, être de moins en moins méchant pour les autres. Mais pourtant, allez-vous me dire, il y a des gens qui ne progressent pas. Il y a des chrétiens qui font du mal et qui n’en ont même pas honte, même pas conscience, peut-être.

Mais c’est là qu’il convient de faire une différence entre avoir de la religion et avoir la foi. La foi, littéralement, est une confiance en Dieu, c’est donc une relation avec Dieu, pas avec le concept de Dieu, mais avec un Dieu agissant, un Dieu qui peut nous faire franchir nos obstacles.

Alors qu’est-ce qui peut coincer ? Il est possible d’avoir de la religion sans avoir la foi. Ou une foi étouffée, une foi plus en notre univers qu’une foi en cette étrange source qu’est Dieu.

La religion devrait être comme un exercice pour développer et entretenir notre foi, rendre de plus en plus profonde, réelle, confiante notre relation à Dieu. Mais il est possible de bien être religieux sans avoir envie une seconde d’entrer en relation avec Dieu. Cela peut arriver pour plusieurs raisons :

  • La première est de croire en Dieu mais en le confondant avec la religion. Plus besoin alors de le chercher soi-même, au contraire, ce serait comme une injure à la religion sacrée, ce serait trahir la communauté. C’est le cas des intégristes.
  • La seconde raison possible est de ne pas croire en Dieu, et que la religion nous suffise alors : le rite, le jeu avec les idées, la communauté, les belles activités... tout cela étouffant notre soif du Dieu vivant.

Comme souvent, les extrêmes se rejoignent dans leurs effets. Dans le Décalogue, la Loi de Moïse, après avoir annoncé 1°) que Dieu est une source efficace de libération, puis 2°) que c’est une bonne idée de l’adorer, nous dit en 3e) « Tu ne prononceras pas le nom de Dieu en vain ». Cela veut dire que notre religion doit être une ouverture à l’action de Dieu concrète de Dieu dans notre vie. Sinon, on a beau prononcer le nom de Dieu à longueur de journées... ce nom de Dieu sera prononcé en vain, si nos paroles et nos actes ne sont pas une ouverture à Dieu, à son souffle.

Mais Jonas, lui, n’en est pas là. Heureusement pour lui. Quand Dieu parle, il entend, et il réagit, au moins. Cela permet au moins au personnage de Jonas de ne pas faire de mal, contrairement aux Ninivites au début de l’histoire (ils progresseront ensuite).

Jonas ne fait pas de mal, lui. Au moins. Mais le problème, c’est qu’il ne fait pas de bien non plus. Cela peut sembler facultatif. Cela peut sembler respectable : je m’occupe de mes affaires. Neutralité, pas de vagues. Est-ce la sagesse ? Innocent, vraiment ?

Cette histoire de Jonas affirme que non.

En réalité, notre résurrection et notre vocation sont indissociables.

Le lecteur est appelé à s’identifier à Jonas appelé par Dieu à se rendre utile. « Lève-toi et va vers Ninive ». Jonas n’entend que la moitié, la première, celle qui le relève, celle qui permet à Dieu de l’élever, de le rendre plus vivant. Mais Jonas refuse la 2e moitié, celle qui l’appelait à faire du bien. Ce qui l’élèverait encore. Mais son égoïsme le tire vers le bas, il descend et descend encore.

La suite du récit nous montre que non seulement Jonas va s’enfoncer dans le chaos, mais qu’en plus ce mal est contagieux et que les autres autour de lui sont comme frappé aussi par le chaos de la tempête, menacés eux aussi de s’enfoncer dans le chaos et dans la mort. Sans compter les cent vingt mille habitants de Ninive et plein d’animaux qui ne recevraient peut-être pas le secours espéré par Dieu.

Donc ne pas faire de bien fait du mal. Cela nous fait du mal à nous-mêmes, cela fait du mal à notre entourage, sans compter que cela prive le monde d’un bien formidable.

Ce texte nous donne à penser. Si ne pas faire de bien est tellement nocif, qu’est ce que ce serait de faire le mal ? C’est évidemment encore pire. Si ne pas faire du bien nous fait régresser, nous fait glisser avec nos proches toujours plus profondément dans le chaos... quel abîme, quelle infection, quels monstres engendre l’acte méchant ?. Même quand c’est avec une bonne intention, pensant que la fin justifie les moyens, le trouble qu’engendre le fait de faire du mal est profond, sur notre propre être, sur ceux qui nous entourent et que nous aimons peut-être, sur nos projets, sur la ville qui nous accueille.

Voilà pourquoi Dieu a pitié des Ninivites. C’est ce qu’il essaye d’expliquer à Jonas dans la conclusion de ce conte théologique. Des Ninivites en forme seraient pour Dieu une source de bonheur. Leur desséchement le désole profondément. Quel gâchis !

Quand on regarde de près ce texte, nous voyons que ce mal qui arrive à Jonas refusant sa vocation de faire un peu de bien n’est pas une punition de Dieu. Au contraire, Dieu fait tout pour sauver Jonas, bien sûr. Jonas pense que la tempête vient de Dieu, mais non. Dieu n’est pas la source du chaos, c’est lui, Jonas qui est ici la source du chaos en se contenant de ne pas faire le mal. Quant on regarde de près, littéralement, « la tempête est DANS la mer », c’est curieux comme expression. Et « Dieu fit souffler un grand vent SUR la mer », au dessus de la mer. Mais on pourrait traduire aussi que Dieu envoya un grand souffle, un grand Saint Esprit, puisque le mot hébreu (xwr) se traduit aussi bien par vent, souffle, ou Esprit. Cette évocation reprend ainsi clairement la célèbre première phrase de la Bible « Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. La terre était un chaos vide de tout, il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme, et l’Esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux . » (Gen. 1:1-2).

Dieu n’abandonne pas Jonas, il a au contraire compassion de lui, il l’a mis sur pied et maintenant qu’il se perd, glissant de plus en plus dans le chaos et la tempête de sa vie en vrac, Dieu envoie son Esprit, une grande dose, redoublée, afin de régénérer Jonas et le monde troublé par lui. Sous ce souffle de Dieu, tout semble s’animer sauf notre ami Jonas qui tarde, muré dans sa certitude d’être dans son bon droit. Même les marins païens deviennent prophètes de l’Éternel. Même le bateau se met à parler « menaçant de se briser ». Même le monstre marin, symbolisant la plus sauvage des créatures de Dieu, se met à suivre, lui, la mission que Dieu lui donne de sauver quelqu’un, de garder Jonas en vie bien qu’il se laisse tomber au plus profond du chaos.

Dieu n’abandonne pas la partie. Il fera tout pour sauver les Ninivites qui font du mal, Dieu fait bien sûr aussi tout pour sauver Jonas qui ne fait rien de méchant mais qui se fait du mal et qui fait du mal en refusant de faire le bien.

Mais pourquoi est-ce que c’est si nocif pour l’homme de ne pas faire de bien ? On comprend que de faire des méchancetés soit une infection, mais une simple neutralité ?

C’est ce qu’explique Jésus quand il résume l’essentiel. Il nous dit qu’il ne peut pas le résumer en un seul point, qu’il en faut au moins trois car tout est lié : aimer Dieu, aimer son prochain, et aimer soi-même. Tout est lié par un lien vital. Fuir le service de l’autre, c’est fuir Dieu, et c’est se perdre soi-même. De sorte que l’on ne peut pas se dire, je vais seulement être en forme moi-même et bien aimer Dieu et cela ira, non, cela se casse la figure, car en réalité, celui qui n’aime pas son frère n’aime pas vraiment Dieu et se perd lui-même (1 Jean 4:20) et trouble le monde autour de lui.

Refuser sa vocation c’est comme arrêter de respirer. Certes, l’essentiel est d’inspirer le souffle de Dieu, ce souffle qui nous met debout, vivant. Mais respirer, c’est aussi souffler de temps en temps, exprimer quelque chose, sinon le souffle s’épuise. Un temps pour le souci de soi, un temps pour s’oublier et se donner. Un temps où nous sommes la créature, l’œuvre de Dieu, et un temps où nous créons à notre tour, faisons du bien, du beau et du vrai. Dont Dieu sera heureux.

Amen

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Pasteur dans la chaire de l'Oratoire du Louvre - © France2

Pasteur dans la chaire de
l'Oratoire du Louvre
© France2

Lecture de la Bible

Jonas 1

La parole de l'Éternel fut adressée à Jonas, fils d'Amittaï, en ces mots :

2 Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et crie contre elle ! Car sa méchanceté est montée jusqu'à moi. 3Alors Jonas se leva pour s'enfuir à Tarsis, loin de la face de l'Éternel. Il descendit à Jaffa et trouva un navire qui allait à Tarsis ; il paya le prix du transport et s'embarqua avec les gens pour aller à Tarsis, loin de la face de l'Éternel.

4 Mais l'Éternel fit souffler un grand vent sur la mer, et il s'éleva sur la mer une grande tempête. Le navire menaçait de se briser. 5Les marins eurent peur, ils implorèrent chacun leur dieu et lancèrent dans la mer les objets qui étaient sur le navire pour s'en alléger.

Jonas, lui, descendit au fond du bateau, se coucha et s'endormit profondément.

6 Le chef d'équipage s'approcha de lui et lui dit : Pourquoi dors-tu ? Lève-toi, invoque ton Dieu ! Peut-être que ce Dieu se modérera à notre égard, et nous ne mourrons pas.

7 Ils se dirent l'un à l'autre : Venez, et tirons au sort, pour connaître celui qui nous attire ce malheur. Ils tirèrent au sort, et le sort tomba sur Jonas.

8 Alors ils lui dirent : Explique-nous qui nous attire ce malheur. Quelles sont tes affaires, et d'où viens-tu ? Quel est ton pays, et de quel peuple es-tu ?

9 Il leur répondit : Je suis hébreu et je crains l'Éternel, le Dieu des cieux qui a fait la mer et la terre ferme.

10 Ces hommes furent saisis d'une grande crainte et lui dirent : Qu'as-tu fait là ! Car ces hommes savaient qu'il fuyait loin de la face de l'Éternel, parce qu'il le leur avait expliqué.

11 Ils lui dirent : Que te ferons-nous, pour que la mer se calme envers nous ? Car la mer était de plus en plus démontée.

12 Il leur répondit : Prenez-moi, jetez-moi dans la mer et la mer se calmera envers vous ; car je sais que c'est moi qui attire sur vous cette grande tempête.

13 Ces hommes ramaient pour gagner la terre ferme, mais il ne le purent, parce que la mer était toujours plus démontée contre eux.

14 Alors ils invoquèrent l'Éternel et dirent : Éternel, nous t'en prions, que nous ne mourrions pas à cause de la vie de cet homme, et ne nous charge pas d'un sang innocent ! Car toi, Éternel, tu as agi comme tu l'as voulu. 15Puis ils prirent Jonas et le jetèrent dans la mer, et la fureur de la mer s'arrêta.

16 Ces hommes furent saisis d'une grande crainte de l'Éternel. Ils offrirent un sacrifice à l'Éternel et firent des vœux.

2:1 L'Éternel fit intervenir un grand poisson pour engloutir Jonas, et Jonas demeura dans les entrailles du poisson trois jours et trois nuits.

(Cf. Traduction La Colombe)

 

Vidéo de la partie centrale du culte (prédication à 05:20)

(début de la prédication à 05:20)

film réalisé bénévolement par Soo-Hyun Pernot

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