Tout dépend de l’idée que l’on se fait de Dieu
(Élie et le murmure léger)

( 1 Rois 19:4-16 )

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Culte du dimanche 17 octobre 2010 à l'Oratoire du Louvre
prédication du pasteur Marc Pernot

Au début de ce récit, Élie est complètement désespéré. Croyant bien faire, il a fait une immense bêtise. Il cherchait à rassembler tout le monde autour de Dieu, mais il l’a fait en montrant la puissance de Dieu pour que les gens aient peur, puis en écrasant un bon nombre d’ennemis de Dieu. Il a gagné ? Non, Élie sent au contraire qu’il a tout gâché. Pourtant, il croyait bien faire ! Il croyait servir Dieu, mais quel Dieu ? Un Dieu terrible, qui domine par la terreur.

La théologie n’est pas qu’une chose que l’on fait pour se distraire comme des mots croisés. L’idée que l’on se fait de Dieu change notre façon de vivre et d’espérer. Notre théologie influe sur ce que l’on pense être juste, elle transforme nos projets et nos actions, qui peuvent être le meilleur ou le pire. Par exemple :

Si l’on croit que Dieu est un juge tout puissant, nous penserons qu’il est juste d’écraser ceux qui nous entourent avec puissance dès qu’il nous semble qu’ils ont fait un pas de travers.

Si nous croyons que Dieu comme une personne pleine de tendresse et de patience, une personne qui cherche à soigner, à nourrir, accompagner, aider chacun de ses enfants pour le faire progresser… alors nous aurons plutôt tendance à faire du bien nous-mêmes.

Élie a certainement la foi : il a une relation personnelle avec Dieu et il veut sincèrement l’aider dans ses projets. Élie a donc vraiment la foi mais il a un problème de théologie, c’est par la crainte et la violence qu’il cherche à convertir les gens, et il voit que ça n’engendre que plus de violence encore, que ça ne rend pas les gens meilleurs.

Croyant bien faire, Élie a fait un mal terrible. Dans ce texte, nous le voyons s’en rendre compte, et il est désespéré : « Éternel, c’en est trop ! Maintenant, Éternel, prends mon âme, car je ne suis pas meilleur que mes pères. » C’est vrai. Mais Dieu ne l’abandonne pas pour autant. Dieu va l’aider à reprendre des forces et à découvrir Dieu autrement, comme un Dieu dont la force est d’une tendresse et d’une douceur infinie.

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Élie est déçu, il croyait vraiment bien faire pour son peuple et pour Dieu et il se rend compte qu’il a tout raté. Alors il se retire dans un coin, tout seul, et il se couche sous un buisson. En fait, il se couche sous un genêt, nous dit le texte. Le genêt, c’est cette plante qu’il suffit de couper pour faire de bons balais à poussière. Si le texte nous précise ça, ce n’est pas pour rien, ce n’est jamais pour rien qu’il y a un détail dans ces textes. Élie est dans le désert, couché par terre, sous un balai. Il pense qu’il n’est plus qu’un petit tas de poussières, qu’il n’est plus vraiment vivant ou qu’il ne mérite plus de vivre car il se trouve nul, coupable, raté.

Bien sûr, il exagère, c’est souvent comme ça quand on a un problème, on voit tout en noir, on se voit soi-même et on voit sa propre vie bien trop négativement. Dieu va lui montrer qu’il le respecte et qu’il l’aime de toute façon.

Et puis quand même, Élie a quelque chose de bien. Il comprend qu’il a fait une faute. Tant de personnes ne ressentent même pas de honte quand ils font le mal, ne se rendent même pas compte qu’ils ont blessé quelqu’un, ou qu’ils ont fait quelque chose de mal. Élie, au moins, se rend compte qu’il a mal agi, il ne comprend pas encore ce qui ne va pas, que c’est à la base un problème de théologie et de philosophie de vie. Mais au moins il se remet en cause. Sans cette lucidité, il est très difficile de pouvoir avancer.

Élie a aussi une autre qualité : il a la foi. Il se trompe sur Dieu, mais au moins il le respecte et quand ça ne va pas, c’est vers Dieu qu’il se tourne.

Pourtant, il a une fausse idée de Dieu, Élie pense qu’aux yeux de Dieu un coupable doit mourir. Il va découvrir qu’il n’en est rien. Un ange d’abord s’approche, le touche et lui parle. Un ange, dans la Bible, c’est n’importe quel messager de Dieu, un ange ça peut être la parole d’une personne, ça peut être un petit événement, une pièce de théâtre, un livre ou film qui nous ouvre les yeux, ça peut être aussi la présence de Dieu agissant directement en nous… Car Dieu essaye par mille moyens de nous aider.

En tout cas, Dieu se rend présent et propose quelque chose à Élie :

« Lève-toi et mange ».

« Lève toi ! », cette parole est quelque chose qui a du sens. Ça veut dire : tu n’es pas un tas de poussières au pied du balai qui va te pousser dans la poubelle. Même coupable, même un peu nul par certains côtés, tu es digne d’être debout, tu as ta place sur la terre des vivants, comme un être humain qui est en marche, qui évolue, qui progresse, qui change. Cette parole de Dieu lui dit : tous tes défauts & tes crimes ne me donnent pas envie de t’éliminer, mais de te nourrir pour que tu prennes des forces, me donne envie de te donner de l’eau pour que ta fièvre retombe.

On pourrait penser qu’une parole de Dieu suffit pour changer Élie, mais non, bien sûr. L’homme n’est pas une marionnette dans les mains de Dieu, et tout prend du temps. Élie retombe dans la poussière et l’inconscience, Dieu doit repasser encore une fois pour le faire manger et lui donner la force d‘évoluer : de marcher 40 jours, nous dit le texte. Ce chiffre évoque un temps de gestation, comme si Élie était enceinte d’un nouvel Élie. Et effectivement, il est présenté ensuite dans une caverne, comme dans le ventre de la terre, lui qui se considère comme une poussière. Dieu l’aidera à en sortir pour vivre, vivre non seulement à nouveau mais à vivre enfin.

La première nourriture que Dieu avait donnée à deux reprises à Élie avait pour but de le faire sortir de sa dépression, de son sentiment d’être nul et d’avoir tout raté. Il est bien difficile d’avoir la force de trouver soi-même cette nourriture qui permet de se mettre en route. Nous avons besoin d’une parole extérieure, une parole d’une personne qualifiée pour nous dire : tu es digne d’être debout, et tu peux avancer. Bien des personnes en ce monde n’ont personne pour leur dire cela. Et quelle personne plus qualifiée que Dieu lui-même pour nous dire notre dignité. C’est pourquoi l’annonce de l’Évangile du Christ est fondamentale en ce monde où l’homme souvent désespère, où l’homme souvent se sent poussière.

Mais Élie, grâce à Dieu, a découvert déjà que, même coupable, même avec sa mauvaise théologie, il est respecté et aimé par Dieu. Qu’il peut aller à la rencontre de Dieu, qu’il peut le prier, le chercher, et même l’espérer comme le secours de sa vie.

Élie a visiblement repris conscience de sa valeur, mais il est encore dans la crainte d’un Dieu terrible. Il craint sa puissance qui par le feu, le tremblement de terre ou même un souffle de vent peut fendre en deux une montagne comme une feuille de papier. Élie ne sait pas encore que ces montagnes que Dieu nous aide à fendre en deux c’est par l’amour et pour l’amour ; que ces montagnes qu’il faut trancher ne sont pas des personnes ou des peuples mais ce sont les fausses élévations à l’intérieur de nous-mêmes, l’orgueil qui nous fait croire, comme Élie, que nous sommes le seul à avoir raison contre tous.

Dieu va alors tenter de guérir Élie et sa conception de Dieu et de la vie juste. Il va falloir que Dieu fendille sa théologie et ses certitudes pour faire naître l'Élie de demain. Élie identifiait Dieu à sa puissance. C’est vrai que Dieu est puissant, le monde que nous avons sous les yeux, sa formidable évolution, et mille signes dans nos vies. Mais Dieu n’est pas d’abord une puissance, il est d’abord un amour. Et ça change tout.

Dieu part de la conception qu'Élie a de lui. Il lui montre trois signes classiques dans la Bible de sa puissance de création, et il montre qu’il n'est pas dans ces prodiges, ce ne sont pour lui que des moyens dont il ne se sert pas n’importe comment. Dieu se révèle ensuite à Élie dans un murmure doux et léger.

La plus formidable des puissances de Dieu ne pouvait pas ressusciter Élie et le faire sortir de son trou. La douceur de l'Éternel va le mener à la vie.

Le nom même d'Élie est une confession de foi en ce Dieu dont la force est la tendresse. En effet, Élie en hébreu se dit Eli-Yah quise décompose ainsi :

  • El c’est le dieu fort, le Dieu qui crée un monde meilleur par sa puissance.
  • et Yah, l'Éternel, c’est le côté tendre et aimant de Dieu, le pardon et la consolation.

Littéralement, Élie veut dire mon Dieu c’est l'Éternel. Il y a dans cette confession de foi tout le génie du monothéisme de la Bible. Il existe un unique Dieu et il est à la fois un créateur puissant et une maman qui berce son enfant. La puissance de création de Dieu est précisément dans cette tendresse qui donne la vie, comme une matrice.

« L'Éternel est Dieu, l'Éternel est Un
Tu écouteras l’Éternel ton Dieu. 
»
(Deutéronome 6:4, cité par Jésus selon Marc 12:29).

Science sans conscience n'est que ruine de l'âme nous dit Rabelais, l'histoire d'Élie nous dit que puissance sans amour n'est que ruine pour l'homme et son entourage. Elle nous dit que Dieu est amour et que cet amour transcende la force, surmonte le mal par le bien.

Dieu n'est pas dans le tremblement de terre, il est dans un patient appel à être qui fait frémir la nature.

Dieu n'est pas dans les ouragans, sauf dans celui de l'Esprit-Saint qui peut créer en nous un cœur qui nous permet de nous aimer nous même un peu plus en vérité, qui nous ouvre à cet Autre qu’est Dieu pour l’aimer et non le craindre ou l’ignorer, il nous ouvre à un amour qui nous fait aimer sa création, et par dessus tout nos frères et sœurs en humanité.

Dieu n'est pas dans la foudre, mais il est dans ce feu qui éclaire et purifie notre être intérieur, dans la mesure où nous le voulons bien.

La nature de l'Éternel notre Dieu, c'est l'amour, c'est le calme et la patience, c'est un murmure léger, presque inaudible comme le bruit que fait une poussière en se brisant en deux, suggère le texte. Ce bruit infime, Élie l'entend mieux que tous les tonnerres. En tout cas, ce petit murmure de silence fait plus d'effet sur lui que toutes les puissances, ce petit murmure le ressuscite. Il saute sur ses pieds et sort. Il s'enveloppe le visage car il sait qu'il est là devant l'Éternel et que sa gloire est infiniment plus grande dans son amour que dans la puissance qu’il craignait. Élie sort et se tient à l'entrée de la caverne.

Dieu lui dit alors : Que fais-tu ici, Élie ?

Excellente question. Question qui continue à le ressusciter car elle le fait réfléchir sur sa vie, pas sur la vie en général mais sur sa vie à lui, en particulier, et sur ce qu'il compte faire maintenant. Dieu aurait très bien pu lui dire ce qu'il faisait là, bien sûr, il s'agit donc pas d'une question mais d'un questionnement que Dieu propose à Élie. Cette question, on peut se la poser quand on se sait aimé sans condition. Alors que dans la peur et la culpabilité on pense encore trop à soi-même, on calcule ce que l’on pense mériter si l’on a fait ceci, si l’on faisait cela… Mais dans l’amour où tout est donné par grâce, on peut regarder la vérité en face.

Élie sait que Dieu est fondamentalement dans le murmure léger, que sa force n’existe que dans son amour, que sa justice est dans la tendresse et le pardon, dans la discrétion et la patience.

Avec lui, Élie peut se poser cette question essentielle, il peut remettre en cause sa théologie et sa façon de concevoir la vie sans se perdre, il peut reconnaître ce qu’il vaut et que d’autres valent aussi quelque chose !

Lui qui se prenait pour un brin de poussière bonne à être balayée, il apprend que Dieu lui-même se fait brin de poussière pour être proche de nous. Et que ce brin de poussière, en se donnant, fait un bruit qui peut nous ressusciter, nous faire sortir de notre coquille, qu’il nous rend capable d’être un peu, pour le monde, une bénédiction et non un balai.

Amen.

 

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Pasteur dans la chaire de l'Oratoire du Louvre - © France2

Pasteur dans la chaire de
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Lecture de la Bible

1 Rois 19: 4-16

Élie, voyant la situation, alla dans le désert où, après une journée de marche, il s’assit sous un genêt, et demanda la mort, en disant : C’est assez ! Maintenant, Éternel, prends mon âme, car je ne suis pas meilleur que mes pères. 5 Il se coucha et s’endormit sous un genêt.

Et voici, un ange le toucha, et lui dit: Lève-toi, mange. 6 Il regarda, et il y avait à son chevet un gâteau cuit sur des pierres chauffées et une cruche d’eau. Il mangea et but, puis se recoucha.

7 L’ange de l’Éternel vint une seconde fois, le toucha, et dit: Lève-toi, mange, car le chemin est trop long pour toi. 8 Il se leva, mangea et but; et avec la force que lui donna cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à la montagne de Dieu, à Horeb. 9 Et là, il entra dans la caverne, et il y passa la nuit.

Et voici, la parole de l’Éternel lui fut adressée, en ces mots: Que fais-tu ici, Élie?

10 Il répondit: J’ai déployé mes activités pour l’Éternel, le Dieu des puissances; car les enfants d’Israël ont abandonné ton alliance, ils ont renversé tes autels, et ils ont tué par l’épée tes prophètes; je suis resté, moi seul, et ils cherchent à m’ôter la vie.

11 L’Éternel dit : Sors, et tiens-toi dans la montagne devant l’Eternel !

Et voici, l’Éternel passa. Et devant l’Éternel, il y eut un vent fort et violent qui déchirait les montagnes et brisait les rochers: l’Eternel n’était pas dans le vent.

Et après le vent, ce fut un tremblement de terre: l’Éternel n’était pas dans le tremblement de terre.

12 Et après le tremblement de terre, un feu: l’Éternel n’était pas dans le feu.

Et après le feu, un murmure doux et léger. 13 Quand Élie l’entendit, il s’enveloppa le visage de son manteau, il sortit et se tint à l’entrée de la caverne.

Et voici, une voix lui fit entendre ces paroles: Que fais-tu ici, Élie?

14 Il répondit: J’ai déployé mon zèle pour l’Eternel, le Dieu des armées; car les enfants d’Israël ont abandonné ton alliance, ils ont renversé tes autels, et ils ont tué par l’épée tes prophètes; je suis resté, moi seul, et ils cherchent à m’ôter la vie.

15 L’Eternel lui dit: Va, reprends ton chemin par le désert jusqu’à Damas; et quand tu seras arrivé, tu oindras Hazaël pour roi de Syrie. 16 Tu oindras aussi Jéhu, fils de Nimschi, pour roi d’Israël; et tu oindras Elisée, fils de Schaphath, d’Abel-Mehola, pour prophète à ta place.