"Construisons une petite chambre haute"

(2 Rois 4:8-17 ; 1 Corinthiens 3:9-16)

Culte du 29 juin 2008 à l'Oratoire du Louvre
pasteur Marc Pernot

(écouter l'enregistrement) (voir la vidéo)

Comment se présente le salut de Dieu ? Comment s’en saisir ? Qu’est-ce qu’il peut nous apporter ? Ce texte de la Bible nous propose d’y réfléchir. Élisée incarne ici le salut de Dieu par sa fonction de prophète et par les prodiges qu’il réalisera dans la vie de cette femme. Le nom même d’Élisée signifie littéralement « Mon sauveur est mon Dieu ». Suivons donc pas à pas cette femme sunamite qui accueille Élisée pour voir ce qui nous est proposé.

Le récit commence par la visite d’Élisée dans le village où habite cette femme, il passe sans raison apparente. C’est elle, la femme, qui le force à venir chez elle et à manger du pain. C'est-à-dire qu'elle ne se contente pas d'attendre que Dieu lui parle, elle n’attend pas que Dieu accomplisse d’abord des miracles pour qu’elle s’intéresse à lui, ou plutôt elle n’attend pas que Dieu accomplisse d’autres miracles que celui de lui avoir donné la vie et de faire qu’un prophète passe à sa porte.

Là où cette femme est une « grande dame », comme le dit le texte, c’est premièrement qu’elle ouvre les yeux sur le monde qui l’entoure, un peu comme Moïse s’est détourné de ses occupations ordinaires pour voir un simple buisson qui brûlait vaguement quelque part dans la campagne. Cette grande dame ouvre les yeux, elle voit le passage de cet homme comme un signe, comme une promesse qui la concerne.

Comme Moïse, elle se détourne pour voir, comme Abraham, elle va nourrir l’envoyé de Dieu alors qu’il ne demandait rien.

Le salut de Dieu passe à la porte de cette femme, Dieu sans cesse, passe à la porte de tout être humain pour le visiter. Il est comme une parole criée dans le monde pour que toute oreille l’entende, il est comme une graine jetée par un semeur sur tous les terrains possibles, bons ou difficiles, il est le berger qui cherche la plus perdue des brebis perdues « jusqu’à ce qu’il la retrouve » sans limites, nous dit Jésus. Et il nous dit encore que Dieu est comme le soleil qui brille sur tous, même sur ses ennemis, que Dieu bénit ainsi chacun, le bon comme le méchant, faisant du bien à tous. Il ne se lasse pas de passer et repasser humblement en frappant à notre porte. La liberté humaine c’est la réponse qui est donnée à cette grâce.

La réponse de la femme sunamite est de forcer le prophète à manger. Normalement, c’est le prophète qui donne à manger ce pain de vie qu’est la Bible. La femme donne ce qu’elle a, du pain de farine et d’eau. Cette étrange retournement rappelle la blanquette de veau qu’Abraham & Sarah offrent aux anges venus les visiter, comme si Dieu avait besoin de manger un veau pour leur donner un fils. Jésus invite également à cette démarche quand il demande de l’eau à la femme Samaritaine alors qu’il a pour projet de lui donner un fleuve coulant au plus profond d’elle-même, un jaillissement de vie éternelle.

A quoi peut bien servir cet échantillon que l’homme offre ainsi parfois à Dieu ? Il n’y a là en tout cas aucun marchandage de la part de Dieu. À chaque fois, Dieu prend les devants, avec un salut qui est déjà définitivement inscrit au programme. Mais la nature humaine est ainsi faite : nous avons du mal à nous ouvrir à quelque chose de neuf. Nous aimerions avoir un cœur plus ouvert, nous aimerions avoir une foi plus profonde, une joie plus complète, une paix plus inoxydable… Dieu ne demande pas mieux que de nous offrir une telle évolution, il passe et repasse jusqu’à ce que nous puissions enfin saisir l’occasion. Nous ressentons alors parfois, comme le dit Victor Hugo, le sentiment d’une possibilité de recevoir quelque chose de Dieu :

L’ombre était nuptiale, auguste et solennelle ;
Les anges y volaient sans doute obscurément,
Car on voyait passer dans la nuit, par moment,
Quelque chose de bleu qui paraissait une aile.

La foi, ou un supplément de foi, le salut ou un supplément d’être passe ainsi à notre portée, mais souvent nous avons besoin de faire un effort pour nous en saisir, et même, comme ici, nous devons nous faire comme violence pour nous saisir de cette bonne part, et nourrir cette dynamique avant qu’elle ne disparaisse.

Dans l'Évangile, plusieurs récits semblent nous inviter à avoir une attitude volontaire, comme pour forcer Dieu à intervenir dans notre vie. Par exemple, comme cette femme qui doit convaincre un Jésus réticent à sauver sa fille. On se souvient aussi des deux hommes qui forcent Jésus à rester à manger avec eux alors qu'ils faisaient étape à Emmaüs.

Il ne suffit donc pas toujours d’attendre que l'envie nous vienne toute seule d’aimer Dieu, ou d’aimer les gens, ou de nous aimer nous mêmes, ou d’aimer la vie. Il faut un peu se bouger, comme on peut, sortir de nous-mêmes, reconnaître les signes d’un début de salut possible, puis trouver des moyens pour nourrir ce quelque chose qui vient de Dieu et qui passe devant notre porte. Ce n’est pas Dieu que l’on nourrit en réalité, ni sa bienveillance pour nous, mais nous faisons alors un espace en nous pour ce que Dieu cherche à nous apporter.

C’est à chacun de trouver ces occasions. Il y a quantité de moyens d'inviter Dieu dans sa vie. L'important, c'est de nourrir notre prière, c'est d’abreuver notre soif de sa présence et de sa justice en nous… C'est en réalité particulièrement nécessaire d'avoir une attitude volontaire quand il nous semble que Dieu est trop absent de notre vie.

La Sunamite force Élisée à venir manger son pain, il viendra une fois. Puis, peu à peu, il finira par venir et manger sans qu’on le force, même si sa visite reste apparemment difficile à prévoir. Il passe quand il le décide, à mon avis jamais par hasard mais quand elle, la femme a besoin d’être nourrie spirituellement, ou est prête à avancer un peu.

Cette histoire nous propose de rechercher la présence de Dieu en nous donnant des occasions de nourrir notre foi gratuitement, sans trop savoir si cela nous apportera quelque chose, comme la Sunamite n'attend rien de particulier d'Élisée. Elle veut l'accueillir chez elle parce qu'il vient de Dieu, c'est tout, même si apparemment il est pour elle un prophète qui ne dit rien de fondamental à ce stade. Dans la suite de l’histoire elle recevra un salut qu’elle n’imaginait même pas, mais dans un premier temps Élisée ne lui apporte rien de particulier. Elle cherche à le recevoir par conviction, parce qu’elle a choisi de le faire.

Cette phase dans laquelle on ne voit pas encore ce que cela apporte de se donner la peine de chercher Dieu est parfois assez longue, il peut y avoir aussi des temps de gestation suivis de bonnes surprises.

Mais, aimer, c'est ça, c'est chercher à nourrir l'autre, même s'il n'a rien à nous offrir. C'est comme cela que, bien souvent, des parents aiment leurs enfants. C'est comme cela que des frères et sœurs prennent plaisir à se retrouver. C'est comme ça que des petits-enfants apportent une galette de beurre à leur mère-grand même s'il n'y a pas de cadeau à la clef, c’est juste pour le plaisir d’aimer un peu.

La Sunamite nous propose d'aimer Dieu ainsi, d'attendre sa présence, de chercher à nourrir en nous tout début de foi que nous pourrions voir passer dans notre vie. C'est la 1ère étape. La femme nous propose d'aller ensuite plus loin en construisant une petite chambre haute pour l’homme de Dieu dans sa maison. Ainsi, il pourra rester un peu plus, et même quand il sera absent, sa place restera comme prête, comme en creux dans notre maison. Car Dieu a la discrétion de passer dans notre vie comme un ami qui nous rend souvent visite mais qui ne « s'incruste » pas.

D'ailleurs, ce texte ne nous propose pas d'offrir toute notre existence pour la recherche de Dieu, ni tout notre temps, ni tout notre argent. La Sunamite parle d'une chambre, petite, mais placée tout en haut, au-dessus de tout le reste. Elle nous propose de faire une vrai belle place dans notre vie pour la présence de Dieu. Elle choisit de ne pas seulement monter une cabane sur la terrasse mais de construire en pierre, nous dit le texte. Quand il voudra venir, il aura ainsi pour toujours une place. Et quand il est absent, il l’est souvent, cette place restera ainsi marquée, comme un remerciement et une invitation confiante. Dieu passe quand il faut. L’apôtre Paul nous propose également de construire une place en nous pour Dieu, « nous sommes le temple de Dieu. ».et ce temple, nous le construisons avec Dieu, si possible en pierre plutôt qu’en paille.

La Sunamite précise même le mobilier qu'elle place dans la chambre pour l’homme de Dieu : un lit, une table, une chaise et un chandelier. La première chose qu'elle avait offerte c'était de  la nourriture. Nous pouvons ainsi décider de nourrir très concrètement notre foi. Maintenant, la Sunamite place un lit, une table, une chaise et un chandelier. Là encore, il s’agit d’échantillons de ce qu’apporte la foi dans notre existence :

La foi est une ouverture à un acte de création de Dieu en nous qui nous apporte un repos, une paix enthousiaste, une consolation qui est une véritable guérison.

Notre foi est ainsi comme un lit que nous préparons pour Dieu, elle est aussi comme une table sur laquelle nous posons notre offrande, nous préparant nous-mêmes à recevoir le pain de la présence nourrissante de Dieu, le pain d’une vie plus forte que tout (Jean 6)

Notre foi est comme un trône que nous offrons à Dieu pour qu’il règne en nous, non pour nous opprimer, mais pour que toutes les dimensions de notre être, mais aussi de nos relations aux autres entrent dans une relation plus juste.

Notre foi est, selon une image très classique également dans la Bible comme un chandelier qui  évoque cette lumière qu’est Dieu et sa Parole, nous permettant de voir clair.

Dieu est pour nous repos, nourriture, justice et lumière. Intellectuellement nous le savons, et nous avons même tous plus ou moins fait l’expérience de cette dynamique. Il est bon de choisir de lui faire très concrètement une place dans notre existence. Car, même s’il peut y avoir des surprises, nous devenons en grande partie ce à quoi nous faisons une place dans notre existence. Le baptême, le culte, la prière, ou tel temps de retraite que l’on choisit de prendre, ou telle lecture que l’on choisit de faire… ce sont les pierres d’une chambre haute, c’est un lit, une table, un lampadaire ou un fauteuil qui nous préparent à bien recevoir la présence de Dieu.

Mais c'est sans arrière-pensée, sans calcul, que la Sunamite prépare une place pour l’homme de Dieu. Le bénéfice viendra sans qu’elle l’ait demandé. Élisée lui propose d'abord « Veux-tu que je parle pour toi au roi ou aux chefs de l'armée ? » Sous-entendu : pour te procurer pouvoir, richesse, et autres avantages matériels. Même Jésus a subi cette tentation de mettre ses capacités personnelles à son propre service. La réponse de la Sunamite nous montre ce que cherche une vie habitée par la présence de Dieu : « Je demeure au milieu de mon peuple. »

La relation à Dieu est quelque chose qui se passe au plus profond de notre être, c’est donc très intime, très personnel mais cela nous permet de découvrir que les autres sont nos frères et sœurs. Alors, comme la Sunamite nous pouvons ressentir cette vérité fondamentale qui sublime nos désirs personnels : « Je demeure au milieu de mon peuple. »

Elle ne demande rien pour elle, elle ne demande d’ailleurs rien non plus pour les autres, elle se reconnaît seulement comme membre d’un corps. Si elle reçoit quelque chose, elle le mettra au service des autres, si c’est un autre qui reçoit plutôt qu’elle-même, ce sera bien aussi.

Elle est prête à recevoir, mais elle ne dit pas à Dieu ce qu’elle veut recevoir, Dieu sait mieux que nous ce qu’il peut faire et ce qu’il y a de mieux à faire.

La Sunamite recevra ce qu’elle n’aurait jamais imaginé être possible. Elle va recevoir d’être si vivante qu’elle sera même source de vie.

Que Dieu nous bénisse ainsi, chacun individuellement, et les uns par les autres.

Amen

 

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Notes Bibliques

Exode 3

Genèse 18

Apocalypse 3:20

Luc 12:3, Matthieu 28:19, Matthieu 13, Luc 15

Matthieu 5:45

Ezechiel 3:1, voir aussi le Talmud

Jean 4

La légende des siècles, Booz endormi

Mt 15:22

Luc 24:29

1 Corinthiens 3:16

Luc 4

 

Pasteur dans la chaire de l'Oratoire du Louvre - © France2

Pasteur dans la chaire de
l'Oratoire du Louvre
© France2

Lecture de la Bible

2 Rois 4:8-17

“Un jour Elisée passait par Sunem. Il y avait là une femme de distinction, qui le pressa d’accepter à manger. Et toutes les fois qu’il passait, il se rendait chez elle pour manger.
9 Elle dit à son mari: Voici, je sais que cet homme qui passe toujours chez nous est un saint homme de Dieu.
10 Faisons une petite chambre haute avec des murs, et mettons-y pour lui un lit, une table, un siège et un chandelier, afin qu’il s’y retire quand il viendra chez nous.
11 Elisée, étant revenu à Sunem, se retira dans la chambre haute et y coucha.
12 Il dit à Guéhazi, son serviteur: Appelle cette Sunamite. Guéhazi l’appela, et elle se présenta devant lui.
13 Et Elisée dit à Guéhazi: Dis-lui: Voici, tu nous as montré tout cet empressement; que peut-on faire pour toi? Faut-il parler pour toi au roi ou au chef de l’armée? Elle répondit: J’habite au milieu de mon peuple.
14 Et il dit: Que faire pour elle? Guéhazi répondit: Mais, elle n’a point de fils, et son mari est vieux.
15 Et il dit: Appelle-la. Guéhazi l’appela, et elle se présenta à la porte.
16 Elisée lui dit: A cette même époque, l’année prochaine, tu embrasseras un fils. Et elle dit: Non! mon seigneur, homme de Dieu, ne trompe pas ta servante!
17 Cette femme devint enceinte, et elle enfanta un fils à la même époque, l’année suivante, comme Elisée le lui avait dit.”

1 Corinthiens 3:9-16

“Nous sommes ouvriers avec Dieu. Vous êtes le champ de Dieu, l’édifice de Dieu.
10 Selon la grâce de Dieu qui m’a été donnée, j’ai posé le fondement comme un sage architecte, et un autre bâtit dessus. Mais que chacun prenne garde à la manière dont il bâtit dessus.
11 Car personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus-Christ.
12 Or, si quelqu’un bâtit sur ce fondement avec de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, du bois, du foin, du chaume, l’oeuvre de chacun sera manifestée;
13 car le jour la feraconnaître, parce qu’elle se révélera dans le feu, et le feu éprouvera ce qu’est l’oeuvre de chacun.
14 Si l’oeuvre bâtie par quelqu’un sur le fondement subsiste, il recevra une récompense.
15 Si l’oeuvre de quelqu’un est consumée, il perdra sa récompense; pour lui, il sera sauvé, mais comme au travers du feu.
16 Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous?”