Christ : mode d’emploi( Jean 1 :1-42 ) (écouter l'enregistrement) (voir la vidéo) Culte du dimanche 25 avril 2010 à l'Oratoire du Louvre Jean dit à deux de ses disciples en regardant Jésus : « voici l’agneau de Dieu » et cela suffit. Les deux hommes ont compris, ils se mettent en route, suivant Jésus. Ce témoignage de Jean est donc essentiel pour saisir en quoi le Christ peut nous aider, et comment. Le problème c’est que pour nous aujourd’hui cela n’est pas forcément très clair alors que ça l’était pour des personnes nourries par les écrits de la Bible hébraïque et dont la vie quotidienne était minutieusement marquée par la pratique de la Loi de Moïse et des commandements ajoutés par les rabbins au cours des siècles pour l’adapter et la préciser. Alors de quel agneau est-il question dans la bouche de Jean-Baptiste ? Il est souvent question d’agneau dans la Bible, et l’on peut donc hésiter, mais le plus connu dans la vie quotidienne des juifs de l’époque est l’agneau pascal qui était alors sacrifié au temple de Jérusalem et qui était ensuite mangé en famille. Pâque étant la fête principale, fête évoquant le salut de Dieu, cette libération de l’esclavage en Égypte, le départ vers la Terre Promise... Pour confirmer l’hypothèse que cet agneau dont parle Jean-Baptiste est l’agneau pascal, il me semble qu’il y a un indice juste un peu plus haut dans ce même évangile selon Jean, le texte nous dit que « la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ ». Il est ainsi explicitement fait ce parallèle entre Moïse et Jésus, entre la loi d’une part, et la « grâce et la vérité » d’autre part, et donc l’agneau de Pâques et Christ, l’Agneau de Dieu. Nous avons donc deux disciples de Jean-Baptiste. Ils viennent d’être baptisés par Jean-Baptiste dans de l’eau, baptême qui est comme une préparation à un mystérieux baptême d’Esprit-Saint que Christ doit nous donner. Le nom même de Jean signifie littéralement « la grâce de l’Éternel », le pardon gratuit de Dieu, la tendresse de Dieu. Jean nous propose de nous immerger dans cette idée maîtresse, dans cette idée fondamentale que nous n’avons absolument rien à craindre de Dieu, qu’il n’est que grâce, qu’amour, que tendresse pour nous. Il y a là une libération incroyable. C’est alors de bon cœur que nous pouvons nous ouvrir à Dieu, dans les bons comme dans les mauvais jours. Ce ne sera pas par crainte que nous le prierons mais dans la louange, dans l’espérance, ou bien juste gratuitement, pour le plaisir, ou pour lui faire plaisir. Mais bon, cette plongée dans la grâce de Dieu est certes fondamentale, mais après ? Quelle suite et que faire de cette liberté ? La confiance en Dieu nous libère de la crainte de Dieu, cela nous libère des « il faut faire ceci », des « il faut croire cela », des « il est interdit de… » ce message de Jean nous libère comme les hébreux sont libérés des griffes du pharaon mais il reste d’autres chaînes, bien plus redoutables finalement, ce sont des chaînes intérieures qui empêchent les hébreu d’avancer et qui nous empêchent d’avancer. Et une fois sortis d’Égypte, il reste le désert à franchir pour les hébreux, la Parole de Dieu à recevoir sur le mont Sinaï, la terre promise à atteindre et à conquérir. La grâce manifestée par Jean-Baptiste est comme la traversée de la mer rouge, elle est une sortie de prison, elle est fondamentale car elle permet une ouverture du cœur, des actes et de la pensée vers Dieu, mais ce n’est qu’une préparation du chemin disait Jean-Baptiste, une préparation pour la rencontre avec Dieu. Une préparation à recevoir sa Parole, ou son Esprit. Jean-Baptiste dit, en montrant Jésus, « voici l’agneau de Dieu », tout est clair, pour ses deux disciples. Ils comprennent. Et nous pouvons saisir avec eux que nous sommes le jour d’une Pâque spirituelle nous menant individuellement et tous ensemble : de la mort à la vie éternelle, du péché à la fidélité, de la crainte à l’amour, de l’angoisse à la paix. En Christ, chaque dimanche, chaque jour est celui de la Pâque dans la mesure où nous mangeons l’agneau de Dieu qu’est le Christ. Ces disciples ne sont pas idiots, ils comprennent bien qu’il ne s’agit pas de se tailler un beefsteak dans la cuisse de Jésus, ni de badigeonner son sang sur le montant de nos portes, mais qu’il s’agit d’assimiler sa façon d’être et de penser, sa foi, son cheminement. C’est comme ça que fonctionnait le symbole de l’agneau de Pâque, il n’était pas un sacrifice offert pour calmer un Dieu en colère contre nous, pauvres pécheurs, mais l’agneau pascal était fait pour être mangé en famille, en partageant avec ses voisins s’ils étaient pauvres, afin de se préparer à avancer, afin de prendre ensemble des forces pour franchir la mer et le désert. Christ n’est pas venu pour payer pour nos fautes, mais il est offert pour que ses paroles et sa façon d’être nourrissent vraiment notre propre façon d’être. Les deux disciples de Jean le comprennent et ils entreprennent de suivre Jésus dans son cheminement. La libération apportée par Jean les y prédispose, ils sont plus libres, plus ouverts à la nouveauté, plus ouverts à une transformation de leur façon de penser. Les deux disciples, donc, suivaient Jésus. C’est la première chose qu’apporte le Christ à ceux qui le suivent : de se poser des questions sur leur vie, et sur ce qui les motive vraiment : « Que cherchez-vous? », cette question est sans doute la question essentielle que l’on peut se poser pour être un petit peu plus aux commandes de sa propre vie. Le pire c’est sans doute de ne rien chercher du tout dans sa vie, juste de se laisser vivre. Il y a aussi des buts qui sont trompeurs, qui donnent à l’homme l’impression d’exister mais que la mort ridiculise en un instant. « Que cherchez-vous ? » Même si on suit le Christ et que l’on a toute confiance en lui, ce n’est pas pour cela qu’il ne faudrait pas se poser de questions, bien au contraire. Parce qu’il y a la possibilité de suivre le Christ sans rien en attendre vraiment, ou comme une superstition, en pensant que le suivre porte chance (ce qui ne marche pas). Dans notre passage, on nous dit ce que recherchent les deux premiers disciples de Jésus, et ils ont là une excellente idée. Voilà ce qu’ils lui demandent : « Maître, où demeures-tu ? » La question n’est évidemment pas de voir dans quelle maison il habitait à ce moment-là, il y a bien peu de chance que ce soit la couleur des volets que les disciples voulaient découvrir afin de nourrir leur existence. Alors qu’est-ce que cela veut dire de chercher où le Christ demeure ? Le verbe demeurer qui est employé ici a un sens très important dans l’Évangile de Jean. Ce verbe n’est pas le verbe banal habiter (qui existe aussi en grec) mais le verbe demeurer qui signifie bien plus de choses dans la Bible : D’abord le sens d’habiter, souvent au sens figuré, comme quand Jésus promet qu’il habitera, qu'il demeurera en nous (Jean 15:4). Cela veut dire qu’il est présent dans notre façon d’être et qu'alors nous pouvons aimer les autres comme lui-même le fait, et comme Dieu le fait avant lui. Mais demeurer a également le sens de durer longtemps. Et, dans la Bible, ce qui dure vraiment : c’est Dieu seul, et il demeure éternellement. Oui, il y a en Christ quelque chose de vrai, quelque chose qui résiste au temps, aux difficultés de la vie, et même à la mort. Il y a en Christ quelque chose qui est de l’ordre de la fidélité de Dieu, une façon d’être plus forte que les aléas de la vie, plus forte que le péché par le pardon, plus forte que la haine par l’amour, plus forte que les épreuves par l’espérance que nous donne la confiance en Dieu. L’Évangile de Jean nous propose de faire comme ces deux disciples : d’aller vers le Christ et de chercher auprès de lui ce qui éternise notre vie, ce qui lui donne un sens solide et vrai. Dans cette première étape, les disciples appellent Jésus « rabbi ». C’est-à-dire qu’ils le considèrent comme un professeur de théologie et d’éthique qui peut leur apporter des idées utiles pour progresser dans leur propre réflexion. Ils veulent manger, assimiler ses paroles, et c’est une des dimensions de ce que Jésus apporte. Mais Jésus n’enseigne pas seulement la théorie. Jean a bien raison de dire dans son prologue que Jésus ne nous apporte pas la Vérité comme Moïse nous a donné la Loi. Jean nous dit que la grâce et la vérité sont venues en Jésus-Christ. Il n’a pas seulement annoncé la grâce et la fidélité de Dieu, elles sont venues en lui. Et à la fin de l’Évangile, Jean écrit que Jésus est la Vérité. Il incarne la tendresse et la fidélité de Dieu pour nous par sa vie par son cheminement libre et personnel, et il incarne la tendresse et la fidélité d’un homme pour son Dieu. C’est pourquoi, en réponse à la question des deux disciples lui demandant « Maître, où demeures tu ? » Jésus n’entreprend pas de faire un discours de morale ou de théologie, il leur dit : « Venez, et vous verrez». Ces disciples témoignent qu’ils sont allés voir, et qu’ils ont vu que le Christ demeure. Ils sont allés, et ils ont vu que, quand on vit de la grâce et de la fidélité de Dieu, comme Jésus-Christ, notre vie devient plus forte que tout, plus forte que le temps et la mort, plus forte que la haine et l'indifférence, plus forte que les aléas de la vie et les souffrances diverses qui peuvent malheureusement nous frapper parfois. Arrivé à ce point du récit, il semble que tout est dit, les disciples demeurent auprès du Christ, c’est-à-dire qu’ils sont déjà un petit peu plus habités par Dieu après avoir suivi et appris à mieux connaître le Christ. Cette dixième heure fait probablement référence à travers le nombre dix aux 10 paroles célèbres que Moïse nous a transmises. Le texte nous dit que ce moment où les disciples découvrent la vie véritable en Christ est « comme une 10e heure », cette heure, c'est celle où il est temps d'avoir enfin un comportement un petit peu plus juste : une vie qui produise quelques bonnes choses, avec Dieu et avec les autres, pour Dieu et pour les autres. Aussitôt, nous dit le texte, au moins un des deux, André, part à la recherche de personnes à qui témoigner de sa découverte. L’autre fait sans doute autre chose, qu’importe, chacun son style, sa vocation. Mais à travers la façon dont André vit cette 10e heure, nous voyons bien que « demeurer » n’est pas rester collé à Jésus, ce n’est pas imiter Jésus, mais c’est vivre librement, en conscience. Nous voyons qu’André ne se prend pas pour Dieu, ni pour le Christ, mais qu’il est plutôt, comme Jean-Baptiste, une personne qui donne une chance à une autre personne d’expérimenter elle même le salut de Dieu. Amen. Vous pouvez réagir sur le blog de l'Oratoire |
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