( Psaume 117 & Lettre de Paul aux Romains 15:1-13 ) (écouter l'enregistrement) (voir la vidéo) Culte du 10 août 2008 à l'Oratoire du Louvre Pour ce mois d’août, je vous propose de suivre quelques psaumes. Après le court et difficile Psaume 133 de dimanche dernier, célébrant l’union fraternelle comme lieu de la bénédiction reçue, j’ai choisi pour vous ce matin le Psaume 117, le plus court des 150 Psaumes de la Bible. Célébrez l'Éternel, Ce psaume pourrait sembler négligeable, tellement il est court et simple. Mais la sagesse biblique nous apprend précisément à prendre particulièrement au sérieux les humbles et les petits. C'est justement sa brièveté qui rend important ce psaume, car il dégage ainsi l’essentiel. Célébrez l'Éternel, vous tous les peuples Toutes les personnes de tous les peuples sont invitées à célébrer l'Éternel. Certains croyaient que pour faire partie du peuple de Dieu, il fallait descendre d'Abraham par le sang. D'autres pensaient qu'il fallait acheter ce droit comme pour la citoyenneté romaine... D’autres, enfin, s’imaginaient que certains étaient prédestinés au salut tandis que d’autres étaient prédestinés à la perdition ! Et bien non, nous sommes tous dignes de célébrer l'Éternel car son amour nous est, à chacun, donné, il est l'origine et le sens de la vie de chacun. Tous sont appelés à célébrer l'Éternel. Cet appel universel est un des éléments clés de l'Évangile du Christ : les savants, les gens qui ne savent pas lire, les religieux, les pauvres et les riches, les criminels, les bébés... chacun est digne de célébrer l'Éternel, puisque Dieu a choisi de considérer chacun comme étant son enfant bien-aimé. L'apôtre Paul, ajoute que oui, tous sont appelés à célébrer l'Éternel, mais comment le feraient-ils s'ils n'en ont jamais entendu parler ? S'ils ne connaissent pas cette bonne nouvelle que le Christ nous a donnée ? Il n'y a aucune différence, en effet, entre le Juif et le Grec, puisqu'ils ont tous un même Seigneur, qui est riche pour tous ceux qui l'invoquent, Car quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. Comment donc invoqueront-ils celui en qui ils n'ont pas cru? Et comment croiront-ils en celui dont ils n'ont pas entendu parler? Et comment en entendront-ils parler, s'il n'y a personne qui témoigne ? (Rom 10:12) Parfois, au nom de la tolérance et du respect, nous n'osons pas dire l'Évangile aux autres. Mais la Bible nous appelle, au nom de l'amour et de la fraternité humaine, justement, à lancer cet appel à chacun : « Célébrez l'Éternel ! » Qu'il le célèbre comme il l'entend, mais qu'il le célèbre, car « celui qui invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. » L'Évangile s'adresse à tous les peuples. Mais ce psaume ne dit pas que tous les peuples doivent devenir juifs. En effet, il ne dit pas à tout le monde d'aller à Jérusalem, mais il dit simplement de célébrer Dieu, c'est-à-dire de célébrer Dieu, là où on est. Le psaume insiste, apparemment, sur cette ouverture, en ajoutant « vous toutes les nations » à « vous tous les peuples ». Ce psaume qui cherche à condenser l'essentiel de la foi dans un minimum de mots prend pourtant la place de redoubler ainsi cette première idée : « Célébrez l'Éternel, vous tous les peuples, Glorifiez-le, vous toutes les nations ! » Luther dit que le terme traduit ici par « nations » désigne la diversité des organisations politiques ou sociales. Et qu'ainsi cette diversité peut demeurer. Ce qui réalise l'unité, ce qui rassemble les personnes tout en respectant leur diversité c'est la louange de l'Éternel. Les peuples ont leurs coutumes, leur loi, leur culture, leur histoire, leurs projets. Mais tous sont appelés à célébrer l'Éternel. Les gens peuvent garder leur métier, ils peuvent continuer à se marier, à élever leurs enfants, à acheter des champs et des troupeaux, à pêcher des poissons ou à coudre des tentes (comme les apôtres). Mais que chacun célèbre l'Éternel. Chacun peut même avoir sa théologie, son culte, sa façon de chercher Dieu, mais que chacun célèbre l’Éternel, lui donne la place qui lui revient dans notre existence. Ce psaume, comme bien des passages de la Bible, est tout à fait libéral. L’essentiel est de célébrer Dieu et de lui accorder de l’importance dans notre vie. Le reste est tout à fait secondaire. Le reste a quand même de l’importance, c’est ce que souligne cette insistance sur l’idée de peuples divers et de nations diverses, mais l’essentiel est la place que nous donnons à Dieu. Cela influe sur tout le reste, en nous laissant une grande part de liberté. Alors nos actes, nos métiers, nos loisirs, nos choix... seront les nôtres mais ils ne seront quand même pas n’importe quoi. S’ils sont pour nous comme une louange à l’Éternel, ils seront orientés par l’amour et la fidélité de Dieu, ils seront irrigués par cette source profonde, et il est bien possible que de simples gestes soient alors extraordinairement féconds. Finalement, en ne gardant ainsi que l'essentiel, ce psaume frappe un grand coup contre l'idolâtrie de ce qui est matériel et humain. Il ne combat pas le moralisme ou l’intégrisme religieux. Il n'en parle même pas. En replaçant Dieu au centre, il remet ce qui est de l'ordre de la pratique à sa place comme étant important, certes, mais à ne pas confondre avec l'essentiel, l'essence même de la vie étant en amont de tout cela. Ce psaume nous propose un but qui mérite d'orienter l'ensemble de notre être : la louange de l'Éternel, lui faire une juste place. Là est le cœur de notre théologie, de notre idée de la justice et de notre religion, propose ce Psaume. Comme le dira plus tard Saint Augustin dans son commentaire de la 1ère lettre de Jean : « Aimes Dieu, et fait ce que tu veux ». C'est vrai que nous avons besoin de cadres et de valeurs, nous avons besoin d'une structure d'Église, de liturgies et de lieux de rassemblements, des rythmes de vie, et nous avons besoin d'avoir une pensée théologique rationnelle pour la penser et pour la dire, nous avons notre propre culture que nous composons peu à peu au gré de nos choix et de nos rencontres… tout cela est important pour nous, et il faut que cela demeure important pour nous, tout en ayant bien conscience que ces trésors sont en grande partie contingent et subjectif. Il serait dangereux de croire que c'est cela qui fait de nous des humains, ou des personnes biens, ou des chrétiens, ou que là se joue notre salut. L'essentiel est d’un autre ordre, il transcende les diversités des cultures et l'histoire des peuples. L'essentiel est la qualité d’être de Dieu et la manière dont nous prenons en compte cette réalité ultime dans notre propre vie. Le second verset pose une autre idée fondamentale : Ce que montre ce petit psaume (et c'est d'ailleurs pour cela que l'apôtre Paul le cite dans sa lettre aux Romains), c'est que l'amour de Dieu est premier et qu’il est puissant, efficace. Il n'y a pas un mot ici sur l'importance de ce que les peuples ont fait ou oublié de faire. Il n'y a pas non plus un mot de menace pour les inviter à se comporter correctement pour conserver l'amour de Dieu. Au contraire, tout montre que l'amour de Dieu est premier et sans condition, puisqu’il est éternellement fidèle. Son amour pour nous est puissant, c'est l'unique raison pour laquelle nous pouvons célébrer Dieu. Mais la tendance humaine serait plutôt d’espérer que tous nous admirent pour nos œuvres et nos idées, et nous comptons bien que Dieu nous aimera si nous avons fait des efforts pour lui. D’autres fois, au contraire, nous aurions envie de dire : malheur à moi, je suis vraiment nul, incapable de rien, et Dieu, s’il existe vraiment, ne peut pas m'aimer. Nous sommes ainsi souvent entre l'orgueil et la dépression. Une troisième voie nous est proposée dans ce Psaume, comme dans l’Évangile : la confiance, une confiance humble et tranquille fondée sur la seule réalité absolument solide et créatrice : la fidélité de Dieu. Ce Psaume 117, qui est le plus court, est comme une introduction aux deux psaumes suivants qui sont les plus longs. Le Psaume 118 est une louange à Dieu, quant au Psaume 119, il est un long poème sur la beauté de suivre les commandements de Dieu. Cela rappelle l’importance de nos actes, cela mérite que l’on y réfléchisse vraiment, comme le montre la longueur formidable du Psaume 119. Mais avant de se lancer dans cette méditation sur notre façon de vivre, le Psautier nous donne cette promesse que l'amour de l'Éternel est puissant et fidèle. C’est donc avec confiance que nous pouvons nous lancer dans la vie, nous ferons plus ou moins des erreurs, la fidélité de Dieu nous gardera. Nos forces seront limitées et notre vue un peu trouble, nous pouvons compter sur les forces nouvelles et l’éclairage de l’amour efficace de Dieu. Et fait, le psalmiste dit que l'amour de Dieu est puissant « sur nous », sans condition. Cet amour est donc puissant sur ce psalmiste qui en témoigne, son amour est puissant aussi pour ceux qui ne le célèbrent pas encore et que ce psaume appelle... Il est puissant encore pour ceux qui ne le célébreront jamais parce qu'ils n’ont pas reçu cet appel, ou parce qu'ils le refusent. C'est même parce que cet amour est universel que ce Psaume appelle chacun à célébrer l'Éternel. C'est lui qui fait de nous une même famille, comme le dira Jésus en présentant Dieu comme un Père. Et dans la louange de l'Éternel nous sommes déjà une seule Église malgré la multiplicité des églises et même des religions. Il y a un seul Dieu. Son amour sur nous est puissant, nous dit ce Psaume. La puissance de Dieu n’est pas celle d’un tyran ou d’un magicien qui tirerait toutes les ficelles, ou une puissance dont nous pourrions craindre quelque chose. Sa puissance, nous dit ce Psaume, c’est son amour, un amour fidèle, un amour qui demeure même s’il est déçu, oublié, ridiculisé, mis en échec. Sa puissance a la douceur et l’apparente faiblesse de l’amour. Avec ce Psaume, nous sommes proche de ce que nous voyons en Jésus-Christ abandonné, trahi, exécuté, mais continuant à sauver le monde dans une formidable manifestation de l’amour efficace de Dieu. Célébrez l'Éternel, Il y a là une théologie, celle du Dieu unique pour tous, de sa puissance d’amour, de sa fidélité sans bornes. Il y a là aussi le cœur de la religion, c’est de laisser à Dieu sa juste place, non pas dans la crainte ou pour lui demander mille services, mais simplement pour reconnaître ce qu’il a déjà fait, dans la confiance de ce qu’il pourra et voudra faire ensuite. Il y a une métaphysique : en ce qui nous concerne l’éternité trouve sa seule source dans la fidélité de Dieu. Le mécanisme, si je puis dire, est simple : il nous garde pour toujours. Et il y a enfin dans ce Psaume une éthique pour nous, une éthique fondée sur la façon d’être de Dieu. Toute éthique est fondée sur une certaine notion de la justice. Ici la justice c’est l’amour, bien qu’il faille s’entendre sur le sens ce mot. Ce n’est pas une émotion comme celle que l’on peut ressentir en regardant un reportage à la télé, mais un « amour efficace et fidèle », un amour qui agit, qui crée, un amour qui s’inscrit dans la durée, avec persévérance et patience, un amour fidèle qui n’attend rien mais qui espère vraiment. Enfin, le psaume termine en reprenant son exhortation du début : Alléluya « Célébrez l'Éternel ! » Dans ce cri réside la mission particulière de chaque personne vivante, reconnaître en Dieu la source de l’être et en témoigner, afin que chacun puisse en vivre et aussi que notre louange à tous s’unissent dans leur sublime diversité. Amen Vous pouvez réagir sur le blog de l'Oratoire |
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