Lytta Basset : livre "La Source que je cherche"
Compte rendu de lecture de ce livre et conférence
film réalisé bénévolement par Soo-Hyun Pernot
Article pour l'hebdomadaire Réforme
L’extraordinaire succès des livres de Lytta Basset en librairie tient à
plusieurs facteurs, à mon avis.
Le premier est que son témoignage est authentique : ce n’est pas du
bavardage, ni une leçon de théologie ou de morale, ni un exercice
d’érudition ; même s’il y a des récits et des paroles très solides
théologiquement et philosophiquement. Le lecteur se sent comme une personne
écoutant une amie qui lui parle en confiance de ce qui est important pour
elle. Par exemple dans ce livre « La Source que je cherche » sorti cette
semaine en librairie, quand Lytta Basset nous raconte la petite fille de 4
ans qu’elle était, c’est son histoire particulière mais le lecteur sent
très bien tout ce qu’il a en commun avec cette petite fille. C’est ainsi
que nous bénéficions du travail de lucidité de Lytta Basset, il nous aide à
relire notre propre univers et notre cheminement. Quand elle propose
ensuite des pistes très concrètes, des gestes simples pour vivre cette
quête de vivre mieux, cela nous donne envie d’essayer, peut-être même
d’inventer nos propres gestes.
La seconde raison qui rend l’œuvre de Lytta Basset passionnante est sa
capacité à relire la Bible et la théologie. Elle creuse ainsi, un peu comme
Isaac, pour retrouver les sources anciennes ensablées et les rendre
vivantes aujourd’hui. Tant de choses, tant de visions nocives de Dieu, de
ritualisme, d’institutions pesantes peuvent nous couper de l’essentiel, de
ce qu’elle appelle « la Source », une Source qui nous espère. Les gros mots
de la théologie chrétienne retrouvent ainsi sous sa plume un sens concret,
ils s’incarnent dans l’existence humaine.
La troisième raison est que ses livres ne jugent pas leur lecteur. Le
croyant d’une autre religion, un humaniste, une personne en recherche en
dehors des religion y trouvera même mil passerelles entre la foi chrétienne
et ce qui l’anime.
Ce nouveau livre de Lytta Basset est un très grand cru. Il est bien plus
facile à lire que le précédent, son « Vivre malgré tout » qui était marqué
par la formidable âpreté des questions abordées. Le chrétien y trouvera
dans « La Source que je cherche » un encouragement pour sa foi et sa
réflexion théologique. Cela lui donnera probablement envie de vivre aussi
bien la profondeur de son existence que d’avoir des petits gestes qui
embellissent la vie.
Ce livre peut aussi être recommandé à un agnostique ou un athée qui
voudrait comprendre ce que peuvent vivre des croyants. Rien ne l’y
obligera, heureusement, mais il y a quand même un risque ou une chance, que
la lecture de ce livre lui donne envie d’entrer dans une démarche de foi.
Marc Pernot
Questions
Lytta Basset, théologienne, philosophe, auteur, et accompagnatrice
spirituelle.
1) Lytta Basset, vos livres touchent toujours des sujets délicats
et importants (le pardon, la colère, l'amour, la mort, la joie...),
votre nouveau livre me semble si authentique, simple et fondamental
qu'il illumine tous les autres. Pourquoi avoir attendu pour nous
livrer cela ?
Depuis plus de deux ans, je suis à la retraite de l'Université. ma liberté
d'expression s'en trouve accrue. Je n'ai plus rien à défendre ni à perdre
(en Suisse, les facultés de théologie font partie d'Universités d'Etat tout
à fait laïques, au même titre que par exemple les Facultés des sciences).
Plus profondément, concernant la quête du divin, comment ne pas renoncer
aujourd'hui, à se lancer dans des explications théoriques ? Tout au long de
l'écriture de ce livre, j'entendais régulièrement : si tu désires que ça «
parle » aux lecteurs, donne un exemple personnel de manière à être crédible
! Pourquoi le faire ? Parce que plus j'accompagne de personnes dans leur
cheminement propre, plus je perçois leur soif d'authenticité, de paroles
vraies, de proximité dans notre commune condition humaine assoiffée
d'Infini.
2) Comment une église peut-elle favoriser cette recherche de la
source pour la personne ? est-ce qu'un accompagnement peut être un
chemin de libération ?
On se met en recherche de la Source avec les contemporains quand on
abandonne résolument le langage religieux traditionnel (par exemple quand
on dit « le Vivant » plutôt que « le Ressuscité », « la non-relation avec
l'Autre et les autres », plutôt que « le péché »). Quand on s'aperçoit que
ce qu'on dit ne parle qu'aux initiés (et encore !) et qu'on souhaite
ardemment rejoindre chacun-e dans sa propre expérience individuelle.
L'accompagnement peut devenir libérateur quand on repère avec la personne
quelles idoles (représentations mortifères) ont pris la place du Vivant,
stérilisant la quête de la Source. Et quand on se tient à ses côtés au long
de cette traversée du désert où elle se sent happée dans un vide
redoutable... Vide riche de promesses, cependant, car la béance laissée par
l'abandon des vieux oripeaux de « Dieu » peut devenir berceau de la
Présence, de la divine Douceur.
3) Si je suis une personne qui cherche ardemment la source, mais
que je ne ressens jamais d'émotion spirituelle, est-ce grave ?
Comment alors garder un élan ?
Je me suis intéressée aux passages bibliques qui mentionnaient «
(re)chercher Dieu ». Eh bien, la majorité des textes associe cette quête à
la quête de la justice entre les humains. Ainsi, plus nous pratiquons la
justice, plus nous nous rapprochons de la Source, même si nous ne
ressentons aucun frémissement spirituel. « Cherchez d'abord le royaume
divin et sa justice... ». De plus, nous gardons « l'élan » dans
notre recherche spirituelle dans la mesure où nous préservons et prenons
soin de notre esprit d'enfance - de notre part « toute petite »- au lieu de
laisser notre part « sage et intelligente » l'étouffer (cf. Luc 10:21).
Cette part toute petite, n'est-ce pas notre capacité relationnelle, notre
besoin vital du lien avec les autres et le Tout Autre ? Enfin, notre désir de la Source peut nous combler, dans la mesure où nous «
ouvrons notre intelligence pour comprendre les Ecritures », comme il est
dit de Jésus quand il cheminait avec les disciples d'Emmaüs. Peu après le
suicide de notre fils Samuel, j'ai participé à une session de dialogue
entre juifs et chrétiens. Au moment de repartir le rabbin Gilles Bernheim
m'a dit : « Consacrez-vous plus que jamais à l'étude ! » Il voulait dire :
à l'écoute obstinée du Vivant qui, au travers des textes bibliques, me
redonnerait des repères et un sens à ma vie. C'était une parole prophétique
- en ce temps d'anéantissement où avait disparu toute « émotion spirituelle
» comme vous dites.
Extrait de "La Source que je cherche
"
À l'origine de ma propre quête, il y a parfois ma capacité à La voir ou
à La deviner chez d'autres humains, quelles que soient leurs croyances
ou non-croyances : si, dans des circonstances aussi dures, autrui reste
relié à une source inconnue, cela redouble mon désir d'y accéder moi
aussi.
En aval d'une telle quête, on peut trouver l'intuition plus ou moins
consciente que la vie humaine a un sens. Or, dit Dietrich Bonhoeffer, «
la notion non biblique de "sens" n'est qu'une traduction de ce que la
Bible appelle "promesse" ». Personnellement, je pressens la Source
chaque fois que je vois la vie, ma vie, tenir ses promesses. Quand je
me crois au bout du rouleau et qu'elle me revient au galop, sans crier
gare. Quand je me sens traversée ou effleurée par une force qui me
dépasse, menant avec moi un combat acharné contre tout ce qui est
mortifère en moi et hors de moi. Quand elle me pousse à lâcher mes
représentations toxiques de « Dieu ». Il me serait impossible de parler
du Divin que je cherche sans faire l'expérience concrète de ce qui me
met en chemin. C'est en définitive quelque chose de bon à vivre, en
lien avec mes semblables, ça vient d'Ailleurs, à l'improviste, et ça me
donne l'intuition d'une vie dont la source est intarissable !