Bulletins de l'Oratoire > N°809 pour Noël 2016
Dans ce dossier - L’identité protestante :
Bonne et dangereuse identité, par Marc Pernot
Une identité plurielle, inachevée, encore en espérance, par Olivier Abel
L’identité protestante vue par les paroissiens, par Stéphane
A travers les professions de foi, par André Ducros et Rose-Marie Boulanger
De l’appartenance, par Anne-Catherine
Bonne et dangereuse identité,
par Marc Pernot
Aujourd’hui, dans la préparation d’une cérémonie de mariage, nous sommes le
plus souvent dans le cadre de familles présentant de multiples
appartenances religieuses, idéologiques, philosophiques, sociales,
culturelles, géographiques. C’est le reflet d’une plus grande liberté dans
le choix du conjoint, mais aussi dans le choix de sa propre identité.
Un des grands avantages de cette évolution est une grande sincérité dans
nos attachements. Mais ce peut aussi être source de difficultés car c’est
exigeant de devoir bâtir sa propre identité, de la faire vivre et évoluer.
Cette diversité est source de richesse, elle pourrait aussi nous conduire à
mettre nos identités à leur juste place, ni trop haut ni trop bas dans nos
attachements. Mais cette diversité peut aussi être source de conflits avec
cette multiplication exponentielle des rencontres avec des personnes qui
nous sont très différentes.
Pour ce dossier, nous vous proposons quelques éléments de réflexion et
quelques témoignages sur notre rapport à l’identité protestante. Bien
entendu, comme toujours dans notre église, chaque parole est à prendre
comme une proposition de questionnement personnel, et non comme un devoir
imposé à notre conscience. Peut-être que c’est même là un trait majeur de
l’identité de notre église. Il ne se voit pas de l’extérieur mais se vit.
De l’extérieur, le passant voit cette belle chapelle royale
multi-centenaire et un culte délibérément « vintage » avec des chants et
des textes qui viennent des générations passées. Alors que dans le sens de
ce qui est proposé, l’accent est mis, délibérément aussi, sur
l’émancipation de chaque personne dans sa pensée et dans sa relation à
Dieu. Cela se manifeste dans le sens des messages (j’espère), dans la
liberté accordée à chacun, dans le respect et dans l’accueil des personnes
diverses. Pourquoi cet apparent paradoxe entre une forme ancienne et un
fond progressiste ? En espérant que la forme rassure notre identité et la
fasse se sentir libre d’évoluer. Au bénéfice de tous.
Marc Pernot
Une identité plurielle, inachevée, encore en espérance,
par Olivier Abel
A chaque rencontre nous sommes placés devant des nouveau-venus, qu’ils
soient nos propres enfants ou des étrangers, qui surviennent un par un dans
cet espace d’apparition mutuelle qu’est le monde, la société humaine, et
par excellence l’Eglise, espace ouvert par la question de confiance que
Jésus nous a posée : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? ». Je voudrais
rapidement esquisser trois formes de réponse à cette question, ou à cet
appel.
On peut d’abord parler de l’identité comme acceptation modeste d’être ce
que l’on est : on est né, on a un corps, une langue maternelle, un pays,
des attachements. L’identité prend ici la forme de la fidélité.
Comme l’écrivait jadis Paul Ricœur, pour accueillir ou « pour rencontrer un
autre que soi il faut avoir un soi ». Attention, il est facile, pour tous
ceux qui sont assurés de leurs racines ou bien assis sur leur patrimoine
culturel, de traiter cette question avec nonchalance. Mais pour tous ceux
qui se retrouvent déracinés par la tempête, déplacés loin de chez eux, ou
dépaysés chez eux parce que ne reconnaissant plus rien, la question n’est
pas un luxe, c’est une question vitale d’immunité. Il y eut des époques où
le protestantisme n’a survécu que grâce à cette ténacité dans la
protestation, dans le résister. Mais cela ne suffit pas.
Il faut ensuite parler d’une identité interrogative. C’est
peut-être ici le cœur battant du protestantisme comme gratitude d'exister.
La question « Qui suis-je ? » est convertie, retournée, par une sorte
d’insouciance de soi-même qui est la grâce, et où l’existence n’est qu’un
rendre grâce, dans un art de l’éphémère qui est notre style. Il m’est
arrivé de définir le protestantisme comme une tradition autonettoyante. On
peut aller jusqu'à parler d'un principe d'identité absente. La
question de l’identité est ainsi la case vide qui permet de tout mettre en
mouvement, de tout déplacer. Mon identité est tournée vers autrui, devant
autrui : nous sommes tout à tous. Si on me demande : « En quoi c’est
spécifiquement protestant? », je réponds : « C'est à d'autres de me le
dire. Ce n’est pas à moi de me retourner tout le temps pour voir si mon
ombre me suit ! ».
La troisième forme serait enfin celle d’une identité narrative,
métaphorique, poétique, prophétique, sapientiale, épistolaire, bref feuilletée. C’est d’abord notre identité de peuple lecteur.
Lorsque j'étais enfant je regardais la Bible de mon père et je voyais quels
livres il lisait le plus : c'était noirci, les Evangiles étaient très lus,
les Psaumes aussi, qui sont le cœur de la lecture protestante. Chacun
trouve son identité protestante de lecteur, comme un code-barres, sur la
tranche de sa bible usuelle. C’est plus largement que nos identités
proviennent de mille sources, de mille enfances, et nous sommes parmi d’autres. Il s’agit pour chacun de nous de déployer nos
pluri-appartenances, d’intérioriser les tensions qui font notre identité.
Il s’agit de découvrir combien notre identité est plurielle, inachevée, et
encore en espérance.
Professeur Olivier Abel
L’identité protestante vue par les paroissiens,
par Stéphane
« Y a-t-il une identité protestante ? » vous demandait-on en proposant au
mois d’octobre un questionnaire à tous les participants aux cultes de
l’Oratoire. Pour ce faire, nous avions regroupé un certain nombre de
notions autour de quatre chapitres : conscience religieuse, éthique,
communauté / fraternité et héritage et tradition(s). Et invitions chacun à
classer ces thèmes ou à les commenter. Plutôt qu’une analyse trop
fastidieuse des trente réponses reçues, nous avons préféré résumer
succinctement les tendances qui apparaissent et laisser la place à de
larges extraits des commentaires ajoutés aux questionnaires afin de
restituer la richesse des contributions des participants, que nous
remercions ici bien vivement.
Rapport à Dieu et conception de la foi
A l’intérieur du premier chapitre « La conscience religieuse », les notions
de « rapport à Dieu » et de « conception de la foi » sont mises en avant,
bien davantage qu’une « liturgie spécifique ». Et puisqu’il s’agit là de
ressentis très personnels, reproduisons ici tels quels quelques-uns des
commentaires :
- « Une foi qui n’est pas croyance, mais confiance. Un rapport à Dieu
modifié par la représentation qu’on en a. Dieu pensé comme force de vie,
comme tension vers une plénitude d’exister... qui tend à être... »
- « J’aime prier librement sans contraintes. L’accès à Dieu est plus
proche, dommage qu’il y ait plusieurs protestantismes. »
« Être protestant c’est à mes yeux avoir le réconfort de regarder Dieu
comme un enfant regarde ses parents. C’est se sentir le droit de construire
librement son parcours de vie spirituelle quand d’autres ne ressentent que
le droit d’emprunter un parcours tout tracé par ceux qui les ont précédés
ou les entourent. C’est vivre avec Dieu et non face à Dieu. C’est être
redressé, et non courbé par le poids des traditions, des lois, des modes.
C’est témoigner que l’on a foi en l’Homme quoiqu’il arrive parce que Dieu
lui-même, malgré tout, a foi en l’Homme. »
- « Je suis venu vers vous parce que la liberté de croire, de douter, de ne
pas croire, d’avancer à son rythme est mise en avant. »
- « Ce qui caractérise l’identité protestante, c’est la liberté avec
laquelle la parole de Dieu est annoncée, la simplicité du culte et de la
doctrine, la pluralité des actes et des croyances qui permet l’accueil de
personnes de différents horizons. »
- « Mon identité chrétienne est la mieux représentée aujourd’hui au travers
de l’être protestant, la pensée protestante, mais elle n’est pas la seule.
»
- « Si je résume en deux mots le sens communiqué par le protestantisme, ce
sera fidélité et responsabilité, conviction intime et ouverture aux autres.
»
« Le propre du protestantisme est, me semble-t-il, de considérer l'Église
comme une institution sociale et non comme une hiérarchie dépositaire du
divin.
D’où une spiritualité en contact simple avec Dieu. »
Éthique et responsabilité
Au chapitre « L’éthique », la « responsabilité individuelle » est classée
en tête du palmarès des valeurs proposées. « Une responsabilité de soi-même
», écrit un répondant, qui poursuit : « Dans la responsabilité de soi, il y
a la responsabilité d’autrui. Je suis d’autant plus humain en dépassant le
souci de moi-même par l’attention à autrui ». Ce rapport à autrui nourrit
toujours la réflexion sur la responsabilité, comme cette autre répondante
qui pense également aux limites de la responsabilité individuelle : « Parce
que nous avons ce sentiment filial envers Dieu qui nous aime
indéfectiblement, je ne vis pas sans cesse dans la crainte, le repli sur
soi, le calcul. D’où l’esprit d’entrepreneuriat et l’attention portée aux
initiatives personnelles et collectives, l’utilisation décomplexée de
l’argent. Pour le meilleur et pour le pire... Car le protestantisme a sa
part dans l’industrialisation à grande échelle et le capitalisme libéral
qui asservissent bien des populations et polluent la planète. Il a sa part
aussi je crois dans les égarements de la recherche médicale, des
laboratoires. »
Et nous voilà confrontés à « la façon de se tenir dans le monde », une
formulation qui suscite de nombreuses adhésions. On se souvient que cette
belle formule était déjà utilisée par le professeur Didier Sicard dans Protestants de France, le documentaire de Valérie Manns diffusé
sur France 5 au printemps dernier.
Enfin, un troisième critère est si souvent cité qu’il en apparaît comme
constitutif d’une éthique protestante : « la place des femmes dans l’Église
protestante ». En témoigne cette remarque ajoutée à un questionnaire : « Et
toute la dimension historique en tant que minorité persécutée qui resserre
les liens entre les protestants de tradition et qui renvoie au
positionnement des femmes depuis des siècles, à des fonctions de
responsabilité : enseignement aux enfants pendant les guerres de religion,
puis ... puis pendant la guerre de 14 (rôle économique, social, religieux,
certaines ont remplacé leur mari pasteur parti au front, etc ...) ».
« C’est la façon de se tenir dans le monde en portant un message en
perpétuelle évolution. »
Communauté et engagement social
Ici, c’est l’appartenance à la « communauté humaine » (« l’humanité tout
entière ! ») qui est plébiscitée par les paroissiens, mais toujours
associée à l’engagement au sein de cette communauté. Un commentaire
illustre ce lien : « Je me sens appelée à jouer un rôle actif dans la
sphère sociale. Lutte contre la pauvreté, la solitude, la pollution, la
maltraitance animale et environnementale. Je me sens capable d’être active
et non passive, grâce à la force de Dieu, qui sait multiplier l’impact des
plus petites actions. »
« L’appartenance à une minorité », en revanche, ne semble pas essentielle
aux répondants, même si l’un d’entre eux note : « Une minorité (…) que je
revendique sans modestie comme une « élite ». Prétention à l’élite sur deux
critères : l’usage de la raison du savoir et dans le cas particulier de la
France, une volonté, une force d’affirmer sa liberté. »
Et comme l’appartenance à une communauté est aussi avant tout celle de la
paroisse, un commentaire sonne comme une invitation à tous : « A
l’Oratoire, on reconnaît les gens (paroissiens) mais on ne les connaît pas
ou mal. »
« Le fait d’appartenir à une communauté portant un engagement social fort.»
Hériter et transmettre
Si la question de l’héritage ne taraude pas tout le monde (« Pas concerné,
venant du catholicisme »), elle est cependant au cœur de bien des
réflexions : « Je ne me suis jamais posé la question depuis quand je suis
protestant, mais le protestantisme coule dans mes veines. » Ou encore ce
témoignage : « Si j’ai eu le privilège de recevoir par filiation cette
"identité protestante", ce que j’apprécie avant tout, c’est cette liberté
de conscience. Pour moi, Dieu est inhérent à ma conscience. Dieu n’est pas
à l’extérieur, il est à l’intérieur de moi, au plus profond de mon être.
Tout au long de ma vie, j’ai façonné mon identité protestante grâce à tout
ce que l’Eglise m’apporte : les sermons, les études bibliques, les lectures
d’Evangile et liberté, etc., et cette ouverture aux autres et aussi à ceux
qui ne pensent pas comme moi. C’est toujours une grande richesse de
partager. »
Et voici posée la question du partage et de la transmission. « Oui, il y a
une identité protestante, par hérédité des caractères et par l’éducation.
Mais se poursuit-elle ? », demande un répondant. A quoi une contribution
apporte comme une jolie réponse: « On apprend aux tout-petits à lire et à
écrire dès le plus jeune âge. Pour moi le protestantisme est comme
l’alphabétisation, indispensable à l’épanouissement personnel, à la
confiance en soi, à l’apprentissage du rapport à l’autre, à une "lecture"
éthique du monde. Mon identité protestante me pousse à cultiver et
transmettre la culture protestante au sein de ma famille, y compris aux
plus jeunes. »
Le foisonnement et la richesse des réponses reçues sont forcément bien
imparfaitement restitués ici, mais prouvent aussi, espérons-le, que ce
questionnaire méritait d’être proposé. Il n’est après tout que
l’illustration de ce que disait Paul Ricœur en évoquant le fait d’être
protestant par « un hasard transformé en destin par un choix continu ». Un
choix et des questionnements remarquablement exprimés par les paroissiens.
« Un héritage compris non comme un savoir, un capital,
mais comme une démarche, une volonté, un choix libre. »
Le chandelier des Réformateurs, Pays-Bas, XVIIe siècle
A travers les professions de foi,
par André Ducros et Rose-Mariee Boulanger
En cette fin d’année, dans le cadre de ce numéro consacré à l’identité
protestante, il nous est apparu intéressant de faire une analyse sur la
démarche d’adultes demandant le baptême ou à faire une profession de Foi
devant l’assemblée.
Nous avons relu quelques professions de foi faites au cours de cette année
par des personnes qui ont préparé d’abord dans le secret et le silence de
la méditation et de la prière, puis en lien avec un pasteur, cette démarche
très personnelle. Nous avons tenté de décrire leurs motivations, leurs
recherches, leurs désirs. Pourquoi avoir choisi l’Oratoire ? Pourquoi
ont-ils fait le choix de devenir protestants ?
Ces baptêmes ou professions de foi exprimées devant l’assemblée, sont
devenus réguliers le dimanche. Elles sont, la plupart du temps, suivies
d’un résumé du cheminement spirituel et personnel du nouveau paroissien.
Ainsi nous découvrons avec une certaine émotion des parcours de vie parfois
chaotiques ou surprenants.
Démarches personnelles
Le trait commun à ces démarches très personnelles semble être vécu comme un
aboutissement et comme une libération, voire une résurrection à soi-même et
au monde. Mais ce n’est qu’une étape. Tous cherchent Dieu. Tous disent que
leur vie a été transformée par ce parcours. Ils étaient athées,
agnostiques, ou souvent catholiques, cependant ils étaient en recherche
d’une autre expression de leur spiritualité.
Ces démarches nous démontrent combien les hommes ont besoin de recherches
spirituelles afin de donner un sens à leur vie et aux choses de la vie, et
de croire en Dieu. Cela constitue un chemin dur, semé de doutes et
d’interrogations. Ainsi nous pouvons lire dans une profession : «
Epargne-moi le doute ». Pourquoi chercher à éviter le doute ? Pour nous, il
est inséparable de la foi et fait partie du cheminement de chaque chrétien.
Ne pas douter, c’est sans doute avoir « la foi du charbonnier » ce qui pour
nous protestants, ne correspond pas à notre approche de la Bible, ni à
l’interprétation des textes bibliques que nous en faisons, comme cela a été
plus brillamment développé il y a peu dans une revue théologique amie.
Protestantisme et liberté
Ce qui nous a frappé c’est que dans ces professions de foi, le mot de
liberté revient régulièrement. Etre protestant, c’est reconnaitre une
liberté de penser, de lire librement la Bible et d’essayer de chercher, par
nous-mêmes, le sens des textes par notre réflexion personnelle, tout en
prenant la distance nécessaire pour éviter le littéralisme. Libre aussi de
douter, libre de ne pas être d’accord avec tout ce qui est prêché un
dimanche par le pasteur, libre d’interpeller Dieu comme on le veut ou comme
on le peut. Protestantisme et liberté sont indissociables. Cela nous aide à
dépoussiérer ainsi les textes et les interprétations qui ont pu en être
données pendant des générations en les considérant par rapport à notre
époque, et à nos problèmes.
Il est vrai que répéter sans cesse les mêmes phrases et interprétations des
textes peut avoir quelque chose de rassurant et de confortable. Au fond «
l’homme protestant » est un homme qui est en permanence en recherche et
c’est cela, aujourd’hui, qui attire ces personnes. Comme nous, elles sont
en questionnement sur le sens des choses de la vie et peuvent s’appuyer sur
l’expérience des femmes et des hommes de la Bible, pour essayer d’avancer
et de progresser en bénéficiant de ce qu’ils ont éprouvé avant nous, en
bénéficiant de leurs intuitions fondamentales qu’ils ont vécues avant nous.
Comment sont-ils arrivés à l’Oratoire ? La recherche se fait la plupart du
temps avec les outils du siècle, c’est-à-dire sur internet. Au « hasard »
(mais existe-t-il ?) de leurs recherches, ils arrivent très vite sur le
site de l’Oratoire, l’un des plus consultés sur le protestantisme. Après
une consultation un peu approfondie, une présence discrète à plusieurs
cultes, la démarche peut se transformer en un désir de mieux connaître le
protestantisme et sur ce qu’il dit et porte aujourd’hui dans le monde. Les
rencontres avec le pasteur en dernier lieu, grand merci à lui, complètent
le désir d’approfondir la réflexion personnelle. La foi naissante commence
alors son long travail, souterrain et silencieux, et se construit peu à
peu.
Ils veulent trouver autre chose que ce qu’ils trouvent soit dans une vie
laïque sans valeur spirituelle suffisante, soit parce que leur ancienne
église, catholique bien souvent, ne leur offre plus la nourriture
spirituelle et la liberté de réflexion qui leur permet de vivre en bonne
correspondance et adéquation avec le monde d’aujourd’hui.
Par la participation à des réunions d’initiation puis d’approfondissement à
la théologie protestante, (oui cela leur demande un réel effort), ils
complètent leur connaissance du protestantisme. L’éveil ou
l’approfondissement spirituel dissipe peu à peu le brouillard de leur vie
et une autre image de Dieu et du chemin de vie que chacun de nous trace,
apparaît et leur permet ainsi d’avancer à nouveau malgré les obstacles
inévitables de la vie.
C’est une joie pour nous que toutes ces personnes choisissent notre Eglise
protestante et en particulier notre communauté de l’Oratoire pour dire leur
profession de foi et, nous l’espérons y demeurent, pour faire grandir leur
foi avec nous, par un travail de réflexion personnel et collectif, basé sur
l’échange, le partage, le doute, l’action collective et fraternelle.
Cela leur demande un effort très louable et nous leur en sommes
reconnaissants, car nous vivons dans une société française marquée depuis
des années par une laïcité très militante qui a tendance à cantonner le
religieux au strict domaine privé.
Accueillir et entourer
Il nous appartient donc, à nous Conseil presbytéral et membre de la
communauté fraternelle de l’Oratoire, de les accueillir au mieux et
d’entourer ces personnes, qui nous font confiance et viennent dire un
dimanche, qui n’est pas comme les autres pour eux et nous, devant toute
l’assemblée, leur foi en Dieu, et Jésus le Christ en notre confession
protestante.
L’Eglise ou Communauté est là comme une grande famille pour aider et
soutenir celles et ceux qui en ont besoin, et qui veulent partager la
lecture de la Bible, la prière et l’accueil fraternel. C’est ainsi que
chacun de nous peut progresser individuellement grâce aux autres. Dans le
fond, c’est le sens premier et essentiel de l’Eglise, et nous nous
réjouissons que ces nouveaux baptisés aient choisi l’Oratoire, pour
contribuer à la construction de l’Eglise universelle. Il semble que notre
communauté, en particulier à l’Oratoire, soit reconnue pour afficher un
grand respect de la liberté de penser de chacun, et de témoigner de sa foi
tout en gardant une réelle ouverture vers le monde et l’extérieur. En fait,
c’est toute la question de nos églises de trouver le bon équilibre entre
accueil et partage de l’Esprit communautaire pour faire progresser notre
foi et notre ouverture vers le monde.
Quand l’Eglise sait faire vivre sa dimension communautaire, elle devient un
lieu prophétique et d’espérance et d’amour. Espérons-le pour notre paroisse
de l’Oratoire.
André Ducros et Rose-Marie Boulanger
De l’appartenance,
par Anne-Catherine
Qu’est ce que l’identité? Un des sens donné par le dictionnaire Robert me
semble adapté à notre sujet : « Caractère de ce qui est un, de ce qui
semble identique à soi-même ».
En effet, nous changeons sans cesse tout au long de notre vie, et pourtant,
pour avoir le sens d’«exister» pleinement, nous devons garder le sentiment
que nous restons «un». Notre sentiment d’exister est entretenu par deux
types de relations, affirme le psychanalyste et thérapeute familial Robert
Neuburger, les relations interpersonnelles et les relations d’appartenance.
Les relations interpersonnelles, (rapport privilégié entre deux êtres,
positif ou négatif!) permettent les identifications.
Mais ces relations interpersonnelles doivent être contenues dans des
cercles d’appartenance: ce sont nos relations avec les groupes
d’appartenance importants pour nous qui nous confèrent notre identité. Le
partage avec d’autres de valeurs, croyances, buts,… crée une communauté,
marquée par une solidarité, une loyauté entre les membres du groupe. Ces
groupes peuvent être notre couple, notre famille actuelle, notre famille
d’origine, mais aussi nos cercles d’amis, notre groupe sportif, le groupe
religieux auquel nous nous sentons appartenir. Nous entretenons ces
appartenances, en en respectant les rites (la participation au culte, le
port de la croix huguenote, le paiement de la cotisation…) et en gardant en
tête les mythes, croyances dans les points communs au groupe (de deux
sortes dans le cas de notre appartenance protestante : notre Credo, d’une
part :«Je crois en Dieu, en Jésus-Christ», et toutes les qualités réelles
ou supposées communes aux «protestants » : sérieux, austères…). Il est vrai
que le protestantisme porte beaucoup plus d’attention aux croyances qu’aux
rites ! Les rites soutiennent la force des mythes : la participation à la
Sainte-Cène vient incarner le mythe de partage propre à tout groupe
d’appartenance de type fraternel.
Contrairement à l’idéal fictif d’un individu «autonome», notre liberté ne
découle pas de notre absence d’engagement dans des groupes, mais au
contraire de la multiplicité de nos engagements dans des groupes d’essences
différentes. Notre appartenance protestante vient donc enrichir et
renforcer notre identité. Contrairement à une appartenance sectaire, nous
gardons notre liberté d’appartenir au protestantisme (en en respectant
rites et mythes), d’en quitter le groupe, les relations interpersonnelles
entre les membres du groupe des protestants restent totalement libres
(aucun gourou ne les interdit, impose ou contrôle, nous ne sommes nullement
obligés d’aimer chaque protestant !).
Pour ma part, je suis imprégnée par les textes bibliques («Tout protestant
est pape, une Bible à la main»). Je me souviens que le protestantisme a été
un des premiers modèles de démocratie en Europe, que sa pratique a
encouragé l’alphabétisation des hommes et des femmes dès le XVI° siècle,
qu’il a mis les femmes sur un pied d’égalité avec les hommes. Ce mélange de
respect, de fidélité, mêlés à la recherche et la critique («Protester»,
«Résister») me paraît très fort.
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« Qui suis-je, Eternel mon Dieu,
et quelle est ma maison ? »
(1 Chroniques 17:16)
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