Une confession de bonheur(Psaumes 1 et 23 ; Matthieu 5:3-12 ; Jean 15:9-15)(écouter l'enregistrement - culte entier - voir la vidéo ci-dessous) Culte du dimanche 14 août 2016 Texte de la prédication (vidéo ci-dessous)Dans le plus célèbre des psaumes, David témoigne que « le bonheur et la grâce m’accompagnent tous les jours de sa vie » (Ps. 23) Ça parait impossible. Le bonheur. Absolument chaque jour ? David ne nous promet pas le bonheur, il ne nous dit pas : faites ceci et vous aurez le bonheur. Il ne nous dit pas non plus : c’est dans la vie future que vous connaîtrez le bonheur. Non, David témoigne de son bonheur, d’un bonheur présent comme de quelque chose de tout simple qui l’accompagne dans les bons jours, mais aussi dans les jours terriblement tristes. Et David en a connu, des jours sombres, il les évoque à travers cette image de la vallée d’ombre et de mort, ces jours où son fils meurt par sa faute, jours où il est poursuivi par la jalousie de son roi et où pourtant il prend sur lui pour respecter encore cet homme terrible par fidélité... et les jours terribles de honte après les crimes qu’il a commis… Mais quel est donc ce bonheur dont nous parle David ? Ce n’est pas un bonheur que l’on a, que l’on possède, mais un bonheur qui nous accompagne. C’est ce même bonheur dont nous parle Jésus dans les béatitudes, un bonheur plus fort que les pleurs, que le dénuement, les persécutions, la haine et le mépris, nous dit Jésus, qui lui aussi sait ce que c’est que la vie et ses contrastes. Ce bonheur est une façon d’être qui permet de vivre sa vie comme une grâce, quel qu’en soit le jour : dans l’abondance, quand la vie est comme un paradis de verts pâturages et de ruisseaux paisibles, comme dans le face à face avec la peine, les vallées d’ombres et de morts de toutes sortes, de larmes. Bien entendu, il n’est pas question alors de bonheur total, à 100 %, mais d’un bonheur qui existe quand même réellement, comme quelque chose d’un peu mystérieux qui est là, dans notre vie, parfois tout contre nous, parfois un peu plus enfoui, caché, mais quand même réellement là, chaque jour. Comme une personne vivante qui est auprès de nous et qui ne nous abandonne pas, mais nous accompagne. Ce que nous proposent d’abord ces textes bibliques qui parlent du bonheur, les Psaumes 1er et 23, et les béatitudes de Jésus... c’est de chercher à faire ce que l’on pourrait appeler une confession de bonheur, comme nous faisons aussi, et c’est bien, des confessions de foi et des confessions du péché. Ces trois points de vue sur notre vie se complètent bien, à mon avis, et forment une excellente base à notre prière. Il y a dans cette triple confession une démarche saine, et féconde. Chaque soir, chaque dimanche, ou au rythme que l’on veut mais régulièrement, il est bon de chercher à faire une amorce de confession de bonheur. Comme le corps et l’intelligence peuvent être musclés grâce à un exercice régulier, la capacité à discerner les traces de notre bonheur et à le vivre, à le savourer, à le ruminer... cela se travaille. C’est la première des choses, à mon avis, pour apprendre à vivre. Mais encore pour faire quelque chose de ce bonheur. La réflexion mais encore la prière est un bon lieu pour faire ce travail, car Dieu est spécialiste pour ouvrir les yeux et le cœur, et cela aide pour tendre la main à ce bonheur et cette grâce qui nous accompagnent effectivement. Et souvent, prenant conscience de cette part de bonheur qui nous accompagne, nous reconnaissons que ce bonheur est une grâce, un don incroyable. C’est une grâce d’être capable d’être un peu heureux alors que les circonstances ne suffisent pas à l’expliquer, bien au contraire. C’est ce qui amène David à rendre grâce à Dieu pour son bonheur, et c’est, là aussi, quelque chose de fondamental pour nous. Dire que le bonheur est une grâce signifie que nous avons droit au bonheur même si nous n’avons rien fait pour le mériter. Nous n’avons rien fait pour le mériter et nous y avons droit quand même. Et reconnaître que le bonheur est une grâce rend alors possible d’avoir de la gratitude envers ce qu’est telle personne qui nous a accompagné et qui a été, et qui est source de ce bonheur. C’est l’occasion de se réjouir et de goûter la vie autrement, de la goûter vraiment. Notre être fait alors comme une caisse de résonnance à cette grâce d’un petit bonheur qui nous a touché. Ce sont des ondes de gratitude qui prennent alors leur élan dans le monde, participant à l’embellir un peu encore. Notre confession du bonheur est alors un moteur pour avancer, plus librement, donnant du goût à la vie, à notre vie, nous rendant plus calme, plus confiant face à la vie et ses aléas. Bonheur ?Mais qu’est-ce que c’est que le bonheur de l’humain ? Quel est ce bonheur pour que nous sachions le reconnaître ? Chacun peut avoir sa définition, il y a aussi des modes, des ambiances qui influent sur ce que nous goûtons. La Bible nous propose de réfléchir à cette question à travers des récits, des prières et des réflexions très diverses. Mais une définition de ce qu’est le bonheur se trouve déjà dans le sens même des mots utilisés par la Bible. En hébreu, deux mots sont utilisés pour dire le bonheur.
« Être heureux », ou « être en marche »C’est le premier mot du livre des Psaumes et c’est sans doute par ce mot que s’ouvre aussi le premier grand enseignement de Jésus dans l’Évangile selon Matthieu(5 :3) avec ces 8 promesses d’un bonheur un peu paradoxal que l’on appelle « les béatitudes ». Ce verbe asher dit à la fois le fait d’être heureux et d’être en marche, d’avancer. Cela permet déjà de comprendre comment le bonheur peut être vécu dans l’abondance comme dans des situations difficiles. Quand tout va bien et que l’on en profite pour avancer, il y a un vrai bonheur. Et de la même façon, quand on a des ennuis et que l’on arrive à avancer un peu : quand les larmes sont un peu consolées, quand la paix progresse, quand le deuil devient plus serein, quand la maladie a perdu du terrain… Le bonheur est là, dans cette dynamique qui consiste à avancer, à progresser, à surmonter, mais encore quand on a pu aider quelqu’un à avancer. Oui, c’est bon et cela fait du bien. Cette conception du bonheur se retrouve souvent dans la Bible. Par exemple dans la figure d’Abraham qui est mis en route par l’appel et la bénédiction de Dieu, et qui devient ainsi une bénédiction pour tous les peuples. Nous retrouvons cette conception de la vie humaine et du bonheur quand l’Évangile appelle le Christ « le chemin, la vérité et la vie » (Jean 14). La vie véritable, la vie heureuse est ce cheminement qu’est le Christ, cette mise en mouvement par l’amour et pour l’amour. David reconnaît en Dieu la source du mouvement, une force qui l’aide à avancer dans les jours d’abondance, et ce n’est pas le moindre des miracles, car une fois arrivé dans un vert pâturage nous avons plutôt tendance à vouloir nous arrêter là, sur le lieux du bonheur ressenti. David rend grâce à Dieu aussi de l’aider à avancer dans les vallées d’ombre et de mort. Oui, Dieu est la source de la vie, du mouvement et de l’être, comme le dit l’apôtre Paul (Actes 17:28). Et c’est pourquoi, tous les textes de la Bible qui parlent de la présence active de Dieu dans notre vie peuvent être lus comme parlant du bonheur que Dieu veut pour chacun de nous. Par exemple quand Jésus dit : vous cherchez le Royaume de Dieu ? «Il n’est pas plus ici qu’ailleurs, mais voilà, en vérité, le Royaume de Dieu, c’est-à-dire le bonheur, est au-dedans de vous, il est au milieu de vous » (Luc 17:21) C’est ainsi que le bonheur « nous accompagne », il y a du bonheur à avancer, comme l’indique le mot ashereï. Mais ce n’est pas le seul mot pour dire le bonheur, il y en a un autre, et c’est heureux (c’est le cas de le dire) sinon notre notion du bonheur risquerait de tourner à la course effrénée. Ce second mot pour dire le bonheur, c’est tout simplement tov, « ce qui est bon ». Le bonheur, c’est ce qui est bonIl y a du bonheur dans le fait d’avancer, c’est vrai, mais il existe un autre bonheur, celui du repos, pas au sens de la sieste (bien que, oui, aussi), mais au sens du Shabbat biblique, ce jour où l’on arrête pour vivre et être heureux sans rien produire ni se déplacer. Dieu, nous dit la Genèse, a choisi de se reposer le 7e jour après avoir créé pendant 6 jours. À la fin de chacune de ces 6 journées consacrées à faire avancer les choses, le récit nous dit que Dieu regarde et se réjouit de ce qui est bon. Lui aussi fait alors une confession de bonheur. Mais à l’aube du 7e jour, Dieu s’arrête complètement et il dit c’est « très bon »(Gen. 1:31) Il y a ainsi le bonheur d’avancer et il y a le bonheur d’être là, de s’arrêter pour voir ce qui existe de bon, et de le bénir. Il n’y a pas que du bon à voir, évidemment, mais le bon existe et le propre de cet amour qu’est Dieu c’est de se réjouir de cette bonne part. Dans le Psaume 139:14, David a cette louange que je trouve utile à méditer : « Je te célèbre, Éternel, pour la merveille que je suis. Tes œuvres sont admirables, Et mon âme le reconnaît. » Oui, il y a un vrai bonheur à avancer, il y a un vrai bonheur aussi dans le seul fait d’exister, de reconnaître qu’une qualité extraordinaire nous est donnée par grâce, indépendamment de tout. Nous sommes un être fragile, imparfait, arrogant, pécheur, et tout ce qu’on veut… mais nous sommes un être merveilleux. La personne qui a le plus de chance dans la vie, comme la personne la plus pauvre, la personne la plus handicapée, tous pourraient ainsi vivre ce bonheur-là, fondamental, de se réjouir de ce qui est bon. Et ces êtres qui nous entourent ! Quelles merveilles aussi. Ce bonheur de la contemplation, c’est aussi, comme dans le Psaume 1er, un temps où l’on se laisse créer par Dieu, comme un arbre enraciné près d’un cours d’eau grandit et pourra produire des fruits en son temps. Et c’est aussi l’occasion de se laisser purifier par Dieu, comme le dit ce psaume avec l’image du vent qui fait s’envoler la paille et garde le bon grain. Un double bonheur à conjuguer au plurielVoilà donc le bonheur, selon la Bible, c’est d’avancer et de se réjouir de ce qui est bon. Et si nous existons aujourd’hui, c’est bien que nous avons reçu cette double grâce, cette double qualité de bonheur. Cela me rappelle à ce que m’a dit un jour une personne. Chaque matin, m’a-t-elle dit, je remercie d’abord Dieu pour ce nouveau jour de résurrection, puis je cherche comment faire dans ma journée au moins une chose utile ou une chose agréable. On retrouve ici, à la base, la louange à Dieu, et ces deux faces du bonheur qui sont d’avancer et de se réjouir de ce cadeau qu’est la vie en soi mais aussi les petites et grandes bénédictions de la vie. Le Psaume 23 intègre, dans un jeu de mot que seul l’hébreu permet, ce double bonheur dans la résolution tranquille que David exprime en conclusion : «reviendrai / j'habiterai dans la maison de l'Éternel Jusqu'à la fin de mes jours ». Les traductions en français hésitent, faut-il traduire «je reviendrai », ou faut-il traduire « je demeurerai » ? Car, quand il est décliné, il est impossible de savoir si c’est le verbe shouv (שוב) « revenir », « se convertir », ou si c’est le verbe yashav (ישב) « demeurer ». David n’est pas idiot, il sait bien qu’il y a ambiguïté, c’est donc qu’il réunit les deux. Le bonheur se trouve dans les deux, dans la progression et dans la contemplation, et les deux sont une grâce. Ce bonheur de voir avancer ou de faire avancer les choses et le bonheur de se réjouir de ce qui est bon, Jésus nous propose de le conjuguer au pluriel, pour soi mais aussi cher les autres et pour les autres. Il dit qu’il y a même, « plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Actes 20:35). L’Évangile selon Jean culmine sur cette idée là, dans cet enseignement où Jésus résume l’essentiel pour ses disciples juste avant d’être arrêté. Il évoque alors le bonheur et la joie par deux fois. Pour qu’ils s’en souviennent mieux et voient que c’est très simple et concret, Jésus lave les pieds de ses disciples, ce qui ne devait pas être du luxe, il explique ce geste comme un symbole du service que nous recevons et du service de l’autre, et il leur dit : « Vous êtes heureux si vous savez cela et si vous le mettez en pratique ». (Jean 13:17) Un peu plus loin, Jésus parle encore du bonheur, en en faisant comme qui dirait être à l’image de Dieu qui trouve son bonheur à nous aimer et à nous servir : « Comme le Père m’a aimé, nous dit Jésus , je vous ai aussi aimés. Demeurez dans mon amour. Si vous gardez mes paroles, vous demeurerez dans mon amour, de même que j’ai gardé les paroles de mon Père, et que je demeure dans son amour. Je vous ai dit ces choses, afin que ma joie soit en vous, et que votre joie soit complète. » (Jean 15:9-11) Amen. Vous pouvez réagir sur cet article du blog de l'Oratoire,
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Pasteur dans la chaire de
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Vidéo de la partie centrale du culte (prédication à 09:23)(début de la prédication à 09:23) film réalisé bénévolement par Soo-Hyun Pernot Si vous avez des difficultés pour regarder les vidéos, voici quelques conseils. |