Extraits du bulletin "Veiller !" d'Avril 2016 n° 340
Dégage-toi dans la mesure même
où tu t'engages sans compter.
Prends de la distance dans la mesure même
où tu communies fraternellement à autrui.
Le coeur humain même le plus généreux
n'est pas inépuisable :Dieu seul est illimité.
A exiger sans cesse le maximum de lui-même
l'être profond se dissocie et se perd.
La parole alors devient vide et la prière inquiète.
Pour retrouver un regard libre sur les évènements
il faut fuir et se tenir tranquille et rassemblé
devant le maître de tout.
Prends le temps de vivre amicalement avec toi-même.
Apprends dans le repos du corps et de l'esprit
la calme lenteur de toute germination.
Soeur Myriam
« Seigneur donne-nous la prière »
« Le champ de bataille du cœur humain »
La retraite des "Veilleurs" de l'Est - octobre 2015
A l’écoute du livre de Daniel Bourguet « Le monde : sanctuaire ou champ de bataille », nous découvrons l'aspect violent et guerrier du travail de Jésus. Il
en est de même pour le cœur humain. Amour et haine cohabitent dès le départ dans le cœur du petit d'homme : ou bien maman est bonne, ou bien elle est
mauvaise. Et puis, dans le développement psycho-affectif normal, arrive le moment où le petit humain arrive à intégrer que maman peut être à la fois bonne
ET mauvaise : Le ET remplace le OU. En tant qu'adulte, je n'ai pas forcément et toujours conscience que mon cœur est double, un champ de bataille. J'ai
besoin, par un travail intérieur, de me rendre compte que je juge ce qui est mal ou ce qui est bon, qu'il y a toujours en moi ce petit enfant avide,
jaloux, en état de manque, plein de colère et de souffrance. Que faire avec ce petit enfant-là ? Accepter de le prendre dans mes bras et lui faire sentir
qu'il est reconnu et aimé : « oui, je t'écoute et je t'aime ». Que le chemin de mon unification passe par la prise en compte, l'acceptation, l'intégration
de ce petit enfant en moi. C'est par cette démarche active que je sens que l'Esprit saint – l'Esprit de Jésus -peut travailler en moi, en consolant, en
aimant, en réconfortant. C'est de ma responsabilité d'accepter de changer de perspective face à cette négativité hurlante et en détresse, et de laisser
faire l'Esprit de Vérité en moi.
Jacqueline B.
Variation sur un Psaume
« Car Tu as sauvé mon être de la mort et mes pieds de la chute
Pour que je marche à la face d’Elohim dans la lumière de la vie »
(Psaume 56, 14)
Ô mon Dieu, Quand j’étais dans les Enfers, je criais vers Toi 1
Et Tu criais avec moi, et je ne le savais pas 2 Quand j’étais dans les Enfers, j’errais comme une épave, je m’égarais dans le brouillard
Et Tu me tenais par la main 3, et je ne le savais pas Quand j’étais dans les Enfers, Tu m’as envoyé des Anges de patience Ils étaient présents à côté de
moi 4, et je ne le savais pas
Je ne les entendais pas, ils étaient sur l’autre rive
Eux entendaient ma voix, ils entendaient mes cris, Ils ne se détournaient pas de mon visage de douleur Ils percevaient mon être vivant, mon être désirant
en dessous de la chape mortelle que je leur présentais
Cet être unique que Tu as façonné de Tes propres mains 5, Toi, bon potier qui sait ce qu’il fait Cet être que personne ne peut détruire, même s’il semble
laminé, broyé, anéanti Cet être qui se dérobait sous mes pieds par les attaques terrorisantes de l’angoisse Cet être qui persiste à vivre, intact, protégé
dans un écrin Cet être qui s’acharnait à exister 6 Cet être en qui ils croyaient fermement
Par eux Tu me tenais la main, Tu ne me lâchais pas
Par eux Tu croyais en moi
Par eux Tu me disais : J’ai confiance en toi
Un jour, Tu m’as mis au large, parce que Tu désirais trop en moi 7 Tu m’as fait prononcer des paroles que d’autres ont perçues comme venant de Toi 8
Alors j’ai exulté Alors j’ai vu que mon être n’était pas mort
Ton être en moi avait parlé à travers mes paroles d’homme Mon être sortait de la nuit et renaissait au jour 9 Et Tu allais le conduire à se déployer à
nouveau
Pour connaître cette Joie imprenable 10 Pour que je vive enfin vraiment Pour que je me réjouisse et réjouisse mon entourage Pour pouvoir dire merci à tous
ces Anges Pour pouvoir, libéré de l’angoisse serrante, Donner vie à mon tour Porter Ton regard d’apaisement sur le compagnon que Tu mets sur mon chemin et
qui crie Dire au monde que Tu es le Vivant éternel
Au dessus de tous Mais œuvrant et désirant en chacun
Serait-ce pour tout cela et pour tant d’autres choses fécondes encore Que Tu as pris le risque de m’entraîner Dans les gouffres de la mort ?
Ô mon Dieu, préserve désormais ce trésor qui est Tien Et que je meure en paix.
Théodore S.
Colmar, Noël 2014.
Variation sur un Psaume
Notes.
1. Délivre-moi des mes ennemis, mon Dieu, Mets-moi hors de portée de mes adversaires Délivre-moi des artisans de néant, Sauve-moi des hommes sanguinaires
Voici, ils sont embusqués contre mon être, Des hommes forts se sont assemblés contre moi ; Ce n’est pas ma transgression, ce n’est pas mon erreur, Seigneur
Bien que je sois sans iniquité, ils accourent et se préparent Eveille-Toi, viens à ma rencontre et vois ! (Ps59, 2-5)
2. Jacob se réveilla de son sommeil et s’écria : « Vraiment, c’est le Seigneur qui est ici et je ne le savais pas » (Ge 28, 16)
3. Derrière, devant, Tu m’as pétri, et Tu as posé Ta paume sur moi Même là, Ta main me guide et Ta droite me saisit (Ps 139, 5,10)
4. L’Eternel est pour moi dans ceux qui m’aident, je vois alors ceux qui me haïssent (Ps 118 , 7)
5. Ma substance ne Te fut pas cachée lorsque je fus fait sous le voile Et tissé dans les profondeurs de la terre (Ps 139, 15)
6. Aimer sans dévorer, de Lytta Basset, Albin Michel, 2010.
7. Il m’a fait sortir au large, Il me dégage car Il désire en moi (Ps 18, 20)
8. Je mettrai en vous mon propre Esprit (Ez 36, 27)
9. Je vous ferai remonter de vos tombeaux Je mettrai Mon souffle en vous pour que vous viviez (Ez 37, 12, 14)
10.La Joie imprenable, de Lytta Basset, Labor et Fides, 1995.
Psaumes traduits par Patrick Calame et Frank Lalou (Albin Michel, 2001)
Intercéder
Il est assez facile d’aligner des noms et de les écrire sur son carnet puis de les offrir au Seigneur.
Quelque part je ressens que cela ne suffit pas, que Dieu demande un engagement de ma part. Un engagement d’accueil, d’écoute, de service, cela va sans
dire. Mais plus encore, quelque chose qui me rapproche du Père et de son désir de nous sauver tous. Une phrase du célèbre Père Maurice Zundel, découverte
cet été, m’a vraiment éclairée. La voici : « Prier pour les autres, c’est le plus sûr moyen, sans violer leur secret, de respecter leur vocation divine ;
et c’est le meilleur moyen, sans rien faire que d’exister en état d’agenouillement intérieur, de susciter en eux cette vie divine dont ils sont les
porteurs et qui est leur grandeur et leur joie ».
Ce texte me suggère trois remarques :
1. C’est vrai, ce n’est pas seulement au moment de la prière que je puis intercéder, c’est tout au long de la journée que je suis invitée à
l’agenouillement intérieur, à cette attitude d’humilité, de confiance et d’obéissance qui est celle de Jésus quand Il prie le Père pour nous et avec nous.
L’habitude de s’agenouiller corporellement nous y aide. Je dis merci pour cet appel.
2. L’important est toujours de susciter en eux cette vie divine dont ils sont les porteurs et qui est leur grandeur. Donc peu importe si je ne sais pas
préciser ma demande. Le premier désir du Père est celui de nous voir entrer dans notre vocation d’enfant de Dieu. C’est ce que nous demandons. Le reste
sera donné de surcroît.
3. Sans violer leur secret. Cela concerne nos amis, nos enfants surtout à qui nous aimerions tant donner une petite leçon tout ensachant que cela ne
servira à rien. Le fond de leur cœur appartient à Dieu et à Dieu seul.
Martine S.
Paroles de veilleurs
Écoute !
Quelle est notre source d’énergie durant nos temps de veille ?
« Voici le commandement le plus important : « Ecoute Israël, le Seigneur est notre Dieu, il est le seul Dieu ; tu aimeras donc le Seigneur ton Dieu, de
tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ton énergie. » Et voici celui qui vient en second rang : « tu aimeras ton prochain comme
toi-même. » Il n’y a pas de commandement plus important que ceux-là. »Depuis que je fais partie des Veilleurs, je revisite chaque jour ces basiques
rapportés par Marc 12, 29-34 : l’amour et l’écoute, sources d’énergie pour chaque journée. Deutéronome 6, et Lévitique 19,18 dont est tiré le passage de
Marc, disent que nous devons aimer Dieu avec énergie ainsi que notre prochain. Le terme hébreu employé est le même dans les deux passages et veut dire,
amour, amitié mais aussi passion amoureuse.
J’ai découvert que le terme de l’amour de Dieu dans le passage d’Exode 34, v6 : « L’Eternel, un Dieu plein de compassion, de grâce, lent à se mettre en
colère, riche en amour et en fidélité. » c’est le Hessed, un mot différent qui veut dire amour, mais aussi bonté, faveur, grâce, miséricorde,
fidélité. Béni soit Dieu qui nous demande juste d’aimer à notre échelle humaine, et pourtant nous aime mille fois plus !
Marc utilise le terme grec Agapè, qui est l’amour désintéressé, respectueux, et c’est le même terme que l’amour de Dieu dans le nouveau testament… Jésus
est venu pour nous aider à développer en nous, qui sommes si petits, cette sorte d’amour d’une autre qualité, l’agapè, ou le hessed. Comment ? «
Ecoute », nous dit Dieu. « Ecoute Israël», disent aussi nos frères juifs durant les trois offices de la journée.
Sur ce mot, me vient une image qui soutient mes moments de veille, et me parle aussi des temps de culte, et qui vient d’un passage de l’Exode 25 : c’est
celle d’un parcours dans le Lieu Saint. Selon les indications de Dieu, le Saint des Saints recèle les 10 commandements.
Dans le lieu Saint juste devant, il y a les pains posés sur une table, et le chandelier à 7 branches qui doit être allumé tous les soirs afin de maintenir
la lumière dans l’obscurité de la nuit.
« Ecoute » dit Dieu, « écoute », dit Jésus, qui est le pain de vie et la lumière permanente de nos vies. Il m’aide à m’approcher, m’invite à tendre
l’oreille.
Sur les Tables de la loi, il y a la première des dix Paroles qui dit «Je suis ». Elle introduit le premier commandement. Jésus t’invite à t’approcher de sa
présence aimante : « je suis », « je suis là ».Présence à peine perceptible que nous ne pouvons reconnaitre que par la foi.
Qui dit : « Ecoute ».
Pour aimer, Jésus m’invite, t’invite, à venir simplement nous approcher du cœur de Dieu, à tendre l’oreille pour écouter ses battements, pulsations de vie
: « Ecoute. »
Je tiens à remercier mes frères et sœurs veilleurs qui depuis deux ans m’accompagnent discrètement avec amour fraternel, durant nos veilles respectives. Je
remercie mes frères et sœurs pour leur présence attentive durant nos offices et nos partages de la dernière retraite en octobre.
Sylvie R.
Méditation
« Croire quand même,
Espérer quand même,
Aimer quand même »
Wilfred Monod (1867-1943)