Extraits du bulletin "Veiller !" d'Avril 2015 n° 336
Jointures
Si nous devions choisir notre place dans le Corps du Christ ne désirons nullement être l’œil ou la main, ni même l’oreille. Le Christ ordonne admirablement
son ouvrage et nul ne peut lui dire « je veux être ceci ou cela ». Mais Il permet que l’on désire. Si donc nous pouvons désirer, désirons d’être les
jointures, les lieux cachés où s’articulent toutes les parties afin que nous prenions part à sa paix, aux profondeurs de cette Eglise qui est son Corps.
Extrait de la Règle
des Diaconesses de Reuilly
Editorial
Chers sœurs et frères,
Après notre belle rencontre générale de mars à Orsay, il m’a semblé bon de vous faire part à tous, du rappel d’un point de notre Règle :
« Devenu observant, le Veilleur reçoit annuellement une nouvelle carte, en décembre. En la signant début janvier, il s’engage à nouveau pour l’année qui
commence ».
Cet engagement est individuel ; mais il m’a semblé que renouveler nos engagements tous ensemble avait du sens, puisque nous faisons partie d’un même corps.
Le manifester d’un même cœur est également une force, un soutien et un encouragement dans notre dispersion. La rencontre générale de mars comportera
désormais la confirmation de ses engagements que voici et que vous pourrez vous appropriez :
Frères et sœurs, Veilleurs, notre vie spirituelle nourrie par l’évangile de Jésus-Christ dans l’esprit des Béatitudes, joie, simplicité, miséricorde, et
nos engagements qui en découlent s’enracine dans la seule grâce de Dieu, attestée dans notre baptême.
Portés par l’élan d’une foi vivante, renouvelée et active en Jésus-Christ, inspirés par le Saint-Esprit et associés à l’Eglise Universelle, nous sommes
invités, dans la mesure du possible, à participer à la vie de l’Eglise, et à être témoins de l’évangile dans le monde.
Par la prière quotidienne, par l’hommage du vendredi et la joie du dimanche, par les rencontres fraternelles et les retraites spirituelles, nous nous
efforcerons de demeurer Veilleurs.
Dans la discrétion mais sans secret, nous serons ainsi parmi d’autres une présence priante, un reflet de Celui qui est la Lumière du monde, un écho de la
joie du Royaume.
Veilleurs, est-ce bien là, le chemin que vous désirez poursuivre, avec le secours de Dieu, dans la fidélité, l’espérance et l’amour ?
- Oui, nous le voulons. Que Jésus Christ soit notre seul Seigneur et Maître.
Que Dieu nous soit en aide.
« Heureux ceux qui gardent sa Parole et la mettent en pratique ».
Votre sœur Claude Caux B.
Théologie
Le Mal
Le mal est LA question qui hante l'humanité depuis la nuit des temps. Sans le mal l'homme vivrait peut-être le paradis au cours de son existence. Tout le
monde est concerné par cette problématique et pourtant nous entendons-nous bien sur le sens que nous donnons à ce mot ?
Le mot mal fait partie intégrante de notre vocabulaire et de nombreux mots sont dérivés de ce fameux "mal' : Malheureux, Malade, Maléfique, Mauvais, avoir
Mal... Tous ces mots décrivent plusieurs facettes possibles du mal : la souffrance physique, psychique, la violence humaine ou le mal personnifié par une
entité métaphysique.
Le mot mal provient de la racine latine : malum qui désigne simplement une pomme. Cette origine est intéressante car elle relie la compréhen-sion du mal,
en occident, à la religion chrétienne. Car, bien évidemment, la pomme renvoie au péché d'Adam. C'est donc le péché que désigne essentiellement notre mot
français. Cela n'est pas du tout illogique si l'on se souvient de l'élaboration augustinienne du péché originel. A la base, cette idée du péché originel
était quelque peu différente de ce qu'elle est devenue aujourd'hui.
Augustin reprend une idée parfaitement biblique selon laquelle, la faute d'Adam a entraîné l'Homme dans une "chute" et non seulement lui mais toute la
création. Par cette chute, il faut comprendre un changement d'état de vie. Adam et l'univers sont décrits, dans la Genèse, comme coexistant avec Dieu dans
un monde spirituel (Eden signifie éternité en hébreu...) La faute d'Adam a conduit l'Homme à vivre éloigné de Dieu, à exister dans un monde désormais
matériel. Selon Augustin on ne peut plus revenir en arrière, toute personne naissant désormais après cette chute ne peut naître que dans un monde fracturé,
déchu.
C'est cela qu'Augustin nomme le péché originel. Le fait de naître dans une réalité touchée par le mal. Le mal pour Augustin c'est d'abord cela : naître
dans un monde éloigné de Dieu. La souffrance, la violence, la mort, tout cela n’est, pour lui, que le résultat de cette chute. Ce n'est que bien plus tard
que l'on ira au bout de cette logique en jetant l'anathème sur la sexualité et la femme par une conception étriquée du péché originel.
Mais revenons au mal. Comment est-il décrit par la Bible, où débute-t-il et surtout comment peut-il apparaître avec le consentement Divin ? Car le vrai
problème du mal n'est pas tant son existence que sa coexistence avec Dieu. Si Dieu est tel que le définit le judéo-christianisme, c'est-à-dire comme un
être bon et tout puissant, comment le mal peut-il exister ?
Ce dilemme est loin d'être facile à résoudre et de grands philosophes et théologiens bien plus intelligents que moi s'y sont cassé les dents sans trouver
de réponses satisfaisantes.
Voyons néanmoins où le mal trouve son origine dans la Bible. La première fois que le mot mal est évoqué c'est lorsqu'il est question de l'arbre de la
connaissance du Bien et du Mal. Le mot Mal en hébreu se dit Rah. L'idée contenue dans cette racine hébraïque est la volonté de retourner à sa propre
origine. C'est à dire de retourner au néant dont toute vie est issue. Le mal serait donc de refuser la vie. Le mot Bien se dit Tov. L'idée contenue
derrière ce mot est la protection de la lumière interne. C'est à dire protéger l'image divine en nous, l'esprit divin en nous.
Voici donc ce qu'est la connaissance du Bien et du Mal ; c'est tout simplement comprendre ce qu'est le Bien et le Mal. Le Mal n'est pas une force
extérieure à la création ni une entité maléfique contrairement à ce que l'on pourrait penser avec ce malheureux serpent qui a assumé ce rôle maudit durant
des siècles. Le Bien et le Mal sont d'abord deux réalités existentielles propres à l'homme ; c'est pour ainsi dire le sens de sa vie.
Répondre à la question du Bien et du Mal, c'est répondre du même coup aux questions suivantes : Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? Pourquoi existons-nous ?
L'Homme doit se prononcer : Est-il un être créé à l'image de son créateur ? Où simplement une erreur de la nature dont la vie n'est que souffrance ?
Chacune de ces postures existentielles implique une connaissance de soi profonde mais aussi un choix.
La suite du récit va continuer en définissant le mal de manière plus fine. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce n'est pas la désobéissance
d'Adam qui définit le mal ; l'acte d'Adam n'est en soi qu'un chemin de vie possible et non un refus de vivre. Dieu avait prévu la possibilité qu'Adam a
choisie. Adam n'est pas mort à cause de sa faute mais désormais la mort devient possible.
Bien entendu, il ne faut pas entendre par cette mort-là une mort physique, car Adam était déjà mortel, sinon pourquoi Dieu lui barrerait-il l'accès à
l'Arbre de la vie éternelle ? Non, la mort décrite par Dieu est d'une autre nature et d'ailleurs le serpent joue très bien sur cette ambiguïté et ne ment
pas : "non de mort tu ne mourras pas".
La mort qui devient possible, c'est celle du péché. Ce péché apparaît non pas avec Adam mais bien avec Caïn. D'ailleurs le mot péché n'apparait nulle part
avant le meurtre originel. C'est cet acte violent qui va définir le mal : ce mot se dit en hébreu Rata. L’idée contenue derrière la racine Rata est la
volonté d'enfermer Dieu en soi. La volonté de le tuer. C'est une pure propension à la destruction. Et c'est tout naturellement qu'elle va s'exprimer par le
meurtre.
La Bible définit donc le Mal non pas comme un élément extérieur à l'homme mais bien plutôt comme un danger venant de lui-même : "le péché est tapi à la
porte (brèche) de ton cœur". La volonté destructrice de l'homme ne peut être combattue que d'une seule façon : par l'amour.
Il n'y a donc rien d'étonnant à constater que toute l'histoire de la Bible ne tend que vers un seul et unique commandement : Tu aimeras ! Tu aimeras ton
Dieu, tu aimeras ton prochain et tu t'aimeras toi aussi !
Le combat contre le mal a été remporté par le Christ il y a près de 2000 ans mais encore faut-il le croire, encore faut-il pouvoir le vivre. Camus disait
que si l'homme vivait les idées qu'il professe alors sa vie entière devrait en être bouleversée. Que Dieu puisse nous y aider ! Puissions-nous vivre ce que
nous croyons, puissions-nous aimer et vivre de cet amour et enfin trouver la paix.
Christophe M.
Lecture
L'Autre Dieu, la Plainte, la Menace et la Grâce
Un très, très beau livre, sans doute déconcertant, mais exigeant, enrichissant pour chacun dans son rapport avec la foi. Le titre pose question : L’Autre
Dieu. Pourquoi Autre ? Autre par rapport à quoi, à qui ? L’auteur répond : « L’Autre Dieu, c’est ce qu’il reste de Dieu lorsqu’il n’est plus le garant de
notre sécurité et de notre bonheur ». C’est tout l’enjeu du livre de Job, résumé dans la question que pose le Satan dès le prologue : « Est-ce pour rien
que Job craint Dieu ? ». L’Autre Dieu, c’est celui avec qui Job découvre la foi ».
Marion Muller-Colard part en quête d’une foi qui ne soit plus l’assu-rance illusoire d’être mis à l’abri du sort et des aléas. A travers son vécu personnel
et son expérience comme aumônier d’hôpital, en cheminant avec Job, dont elle est spécialiste, l’auteur interroge la possibilité de se délester de la
culpabilité pour se risquer à une confiance sans filet : évidemment, elle ne nous dit pas vraiment où regarder.
Qui est ce Tout-Autre qu’on ne peut concevoir par nous-mêmes ? Mais pour rejoindre Job, reprenons les trois mots du sous-titre qui structure le livre, La
Plainte avec un P majuscule. La Plainte, c’est ce qui nous prend à la gorge quand nous ne sommes justement plus en capacité de nous plaindre. Ce n’est pas
la somme de nos mécontentements, mais c’est la grande dérobade du sens et du but de notre vie. La Grâce de Dieu, alors même qu’aucun exaucement ne vient
nous délivrer de la Menace qui nous assiège. Dès lors, l’auteur découvre un Autre Dieu qui ne se porte pas garant de sa sécurité, mais de la pugnacité du
réel, du vivant à laquelle il invite à participer : « Quoi qu'il m'arrive, il est juste et bon que le monde soit, il est juste et bon que je participe, de
façon tout à fait éphémère, à quelque chose de plus grand que moi. Et que ma marche fragile prenne appui sur la solidité des montagnes qui me survivront
longtemps ».
« Je mis du temps à comprendre que cette clairvoyance fulgurante était peut-être la première véritable prière de ma vie ». Au-delà de la plainte et de la
menace, mais habitée par la grâce, Marion Muller-Colard offre ce texte très incarné, compagnon de route dans une aventure humaine qui exige créativité et
courage, texte destiné à tout lecteur en recherche d’une pensée théologique originale, accessible et exigeante ; ce texte peut affermir, apaiser, conforter
une foi d'adulte, sans filet dogmatique. Et, c’est une relecture de Job...
Paradoxalement, cette foi d'adulte, cette foi sans filet dogmatique, ramène dans les saveurs de la foi de l’enfance. Un temps où rien n'était encore
construit, et où existait le sentiment certes d'une grandeur qui n'était pas la nôtre, mais d’une grandeur qui suscitait l’élan de vivre, de croire
simplement, de croire «d’office».
Mireille C.
Témoignage
Son nom est : Les Abeillères
Il est plus facile de vivre les Abeillères que d’en parler ; et puis qui en parle par les mots qui suivent ? Le retraitant, ou la Marthe ? Le paradoxe me
pousse à parler du désert des Abeillères alors que c’est un écrin de verdure. J’aime employer ces mots « désert des Abeillères » ; comme l’on parle du
désert de Chartreuse, car c’est un lieu où l’on se met à l’écart, lieu de prière et de silence. Ce qui surprend lorsque l’on arrive sur l’aire de
stationnement, c’est de voir en contrebas la bâtisse, l’ancienne magnanerie devenue monastère enchâssée dans une prairie parsemée de fleurs, si l’on a la
chance d’y venir au printemps. Si c’est en été, se rajoutent deux autres pierres précieuses, les deux parcelles de jardin potager qui font offrande de
magnifiques légumes au Créateur.
Dès que l’on pénètre dans le bâtiment, on comprend très vite que l’on a quitté la « Cité » avec ses scories. La chapelle est toute proche de l’entrée,
comme une invite à y faire halte, puis les escaliers en haut desquels se trouve une cloche, LA cloche, mais Daniel Bourguet, le prieur des Abeillères, a
dit de tellement belles choses sur elle qu’il vaut mieux que je reste discret.
Dans la pièce d’accueil, il n’y a personne ou peut-être quelqu’un en train de lire devant la cheminée, mais Marthe n’est pas très loin, dans la salle à
manger ou la cuisine. La Marthe (homme ou femme) est l’une des chevilles ouvrières des Abeillères, c’est elle qui a souci des retraitants, aidée maintenant
par le Permanent. Marthe est un jongleur, et ce qu’elle envoie vers le ciel s’appelle recettes, menus, lectures bibliques, courses, infusion, écoute, etc.
Chaque Marthe est différent(e) mais elles ou ils ont tous un point commun, ils sont fruit du St Esprit car lui seul peut mettre dans le cœur d’aller servir
des frères et sœurs retraitants inconnus et les accompagner dans le silence et la prière.
Mais il y a aussi celles et ceux qui contribuent à la vie des Abeillères et dont je ne peux parler ici faute de place. Que grâce leur soit rendue.
Et puis, il y a ces trois rendez-vous quotidiens dans le cœur des Abeillères, la chapelle, pour écouter Dieu et chanter ses louanges. Là nous sommes
Eglise. Si l’on vient aux Abeillères, c’est pour poser ses valises et se laisser faire. Se rendre disponible à Dieu. « Venez, vous autres, à part, dans un
lieu désert, et reposez-vous un peu. » Mc 6, 31
Georges R.
Partage
Le message de l’Evangile au cœur d’une croisière
Dans la continuité de mon récent départ à la retraite, je profitais de ma liberté retrouvée pour participer avec mon épouse à la croisière organisée par
l’Express à l’occasion du soixantième anniversaire de sa création, qui avait pour ambition de remonter aux sources de la civili-sation occidentale et
méditerranéenne. Les étapes de ce voyage étaient agrémentées d’interventions de conférenciers parmi lesquels Luc Ferry, philosophe bien connu, dont le
propos m’a interpellé avec force.
Au cœur des deux conférences de Luc Ferry qui portaient sur l’histoire de la pensée occidentale, intervenait le thème suivant : En quoi le message du
Christ illustré principalement par la parabole des talents, constitue une rupture fondamentale avec la pensée dominante ?
Luc Ferry commentait ainsi cette parabole : « La dignité d’un être ne dépend pas des talents qu’il a reçus à la naissance, mais de ce qu’il en fait ; elle
ne tient pas à sa nature ou à ses dons naturels, mais à sa liberté et à sa volonté, qu’elles qu’aient pu être les qualités, les facilités ou les richesses
dont il disposait au départ. » Comparée à la pensée d’un ordre du monde hiérarchisé du monde gréco-romain, qui dominait les relations sociales, on comprend
mieux la réalité du mépris, voire de la violence des autorités à l’égard de Jésus.
Le conférencier mettait également en évidence une autre rupture, celle du message de l’Evangile avec la pensée juive en mettant l’accent non plus sur le
principe de la loi, mais sur celui de l’Amour, exprimé avec force par le Sermon sur la montagne. C’était comme une immersion dans le monde contemporain de
Jésus.
Il m’est apparu précieux de sortir de nos habitudes chrétiennes même vécues sincèrement. Ainsi le message du Christ prenait toute sa dimension
révolutionnaire, spirituelle et sociale. Quel dommage qu’à la fin d’une démonstration lumineuse et bouleversante, Luc Ferry se déclarait athée ! Mais pour
moi jaillissait comme tout à nouveau la preuve de l’amour de Dieu pour chacune de ses créatures.
Jean M.
Prière
Abba Macaire
Quelqu'un demande
à Abba Macaire : "Comment
doit-on prier ?"
L'ancien répond :
Tu n'as pas besoin
de faire
de longs discours.
Etends seulement
les mains
et dis :
"Seigneur,
comme tu le veux, comme tu sais,
aie pitié !"
Et si
un combat survient,
dis :
"Seigneur,
au secours !"
Le Seigneur sait
ce qu'il nous faut
et Il a pitié de nous.